Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 23 Février 2023

La collection "Les Grands Noms de l'Histoire en Manga" se poursuit sans faiblir chez nobi nobi! avec, en guise de première nouveauté pour l'année 2023, un ouvrage consacré à Mère Teresa. Comme très souvent avec cette collection, l'oeuvre provient de l'éditeur japonais Poplar Publishing qui l'a publié dans son pays d'origine en janvier 2011. Elle a été supervisée par Morihiko Oki, et a été dessinée par une mangaka pas totalement inconnu en France puisqu'il s'agit de Nao Yazawa, un auteur que l'on a découvert aux éditions H2T entre 2018 et 2020 avec la série The Isolated Zone.

Sans trop de surprises, on a droit ici à l'habituel longueur d'environ 100 pages typique de Poplar, qui vise à faire découvrir les grandes lignes de la vie de Mère Teresa, cette religieuse née à Skopje en 1910 et qui, dans un désir d'aider les pauvres, à fini par partir en Inde et plus précisément dans la ville sinistrée de Calcutta où elle n'a cessé d'apporter son aide aux habitants sans-le-sou et malades, jusqu'à son décès et son inhumation dans cette même ville en 1997.

Les mangas de cette collection, en particulier ceux de Poplar, ne sont assurément pas faits pour en mettre plein la vue visuellement, et de toute façon ce n'est pas ce qu'on en attend: les dessins ne sont vraiment là que pour accompagner l'aspect biographique des récits. Cependant, sans être aussi vilain graphiquement que le pourtant très intéressant manga de cette collection dédié à Martin Luther King (sans doute le plus pauvre de la collection d'un point de vue visuel), le travail effectué par Nao Yazawa est, ne nous mentons pas, extrêmement limité. En dehors de quelques rares décors reproduisant fidèlement mais de manière basique certains bâtiments indiens, l'ensemble est on ne peut plus basique niveau découpage, et est surtout très inégal du côté des designs, avec des anatomies un peu légères et des visages souvent austères et grossiers malgré leur expressivité. Pas sûr que cela suffise à accrocher le jeune public...

On se dit alors, forcément, que de toute manière l'essentiel dans ce genre de manga biographique se situe dans la retranscription du parcours de la personnalité historique. Mais sur ce point aussi, c'est assez bancal.
Non seulement parce que, en devant tout condenser en 100 pages, les auteurs ne font pas toujours les choix les plus judicieux, par exemple en s'attardant un peu trop sur la première partie de la vie de Mère Teresa, tandis que les dernières étapes sont vraiment expédiées voire quasiment pas abordées, en particulier les deux décennies entre son prix Nobel de la Paix en 1979 et son décès en 1997. Comme si ce prix Nobel était le point d'orgue de son existence, alors qu'elle-même déclarait se ficher de ce genre de récompenses après lesquelles elle ne courait visiblement pas.
Mais aussi voire surtout parce que cette version manga n'offre aucune nuance, aucun approfondissement plus contrasté autour de cette figure historique qui est pourtant parfois controversée, notamment concernant sa position anti-avortement, son conservatisme religieux, ou encore les qualités d'hygiène de ses mouroirs qui fut pas mal remise en cause. Ce manga ne montre que du positif sur Mère Teresa, de manière presque hagiographique, une chose qui n'est pas nouvelle dans les mangas de cette collection mais qui se ressent vraiment fortement ici. A défaut d'avoir droit à des nuances de la part des auteurs, il aurait été nécessaire que celles-ci arrivent par l'intermédiaire de notes de traduction ou dans l'habituel dossier final approfondissant le manga, mais ce n'est pas le cas. L'éditeur, par le passé, a pourtant montré qu'il était capable d'apporter ce type de nuances, par exemple dans son manga dédié à Napoléon. Or, un bon manga historique se doit d'aborder, même brièvement, les différentes nuances d'une personnalité de façon objective.

Il y a alors forcément des choses intéressantes dans ce manga, comme quasiment toujours dans les oeuvres se voulant biographiques. Mais le mauvais équilibre entre les différentes époques de la vie de Mère Teresa, la pauvreté visuelle, et l'absence totale de nuances autour de cette personnalité parfois controversée nous empêchent de conseiller vraiment ce manga, et nous poussent même à la considéer comme le manga le moins convaincant de cette collection à ce jour, avec celui qui fut consacré à Cléopâtre en 2020.

La qualité éditoriale de nobi nobi!, dans l'ensemble, reste néanmoins au rendez-vous: l'habituelle charte graphique typique de cette collection est toujours là et est bien reconnaissable, les 16 premières pages en couleurs sur papier glacé restent un plus malgré la pauvreté graphique du manga, le papier et l'impression sont d'honnête facture, la traduction de Raphaële Gippon est fonctionnelle, et le dossier d'approfondissement aborde tout de même un paquet de points intéressants malgré son manque de nuances. On s'étonnera toutefois de ne voir indiqué nulle part le nom de la personne ayant réalisé le dossier.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
8.5 20
Note de la rédaction