Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 28 Mai 2013
De l'Inde au Mexique, en passant par l'Irlande et la Suisse, Master Keaton continue ses investigations autour du Monde. Dans ce nouveau volume, notre archéologue globe-trotter devra notamment s'intéresser à la rivalité entre deux sportifs, à l'animosité entre une belle-mère et sa fille, ou aux regrets d'un vieux soldat cherchant à corriger les erreurs passées. Et nous nous intéresserons même à une inquiétante histoire faisant ressurgir le mythe du loup-garou ! Mystères, énigmes et liens sociaux : Keaton a du pain sur la planche !
La formule dépeinte dans le premier volume de Master Keaton continue ici avec toutes les qualités et défauts que l'on peut trouver au genre épisodique. Cependant, au vu de l'épaisseur de l'ouvrage, il reste plaisant de pouvoir picorer une ou deux aventures à son propre rythme sans se soucier de l'absence de ces cliffhangers qui font aujourd'hui la force d'Urasawa. Son talent narratif est ici encore un brin latent, et l'on s'étonnera parfois de la teneur des conclusions de certains chapitres. Le dyptique lycanthropique en est un des exemples les plus flagrants, au point que l'on pourrait se demander si un troisième chapitre de cette histoire macabre ne nous attend pas dans un futur volume... Notre jeune auteur se sert ici sans doute de ce format haché comme d'un laboratoire, et il sera intéressant de voir évoluer son talent narratif par la suite...
Certaines histoires se ressemblent également par leur cachet humaniste, Keaton étant l'instigateur de réconciliations ou, au moins, d'un terrain d'entente entre personnes brouillées depuis des années. On retrouve parfois une mécanique à la Cold Case, les gens livrant aisément des détails de leur passé à notre empathique détective. Cependant, malgré le caractère cyclique de la série, il est intéressant de voir notre héros grandir au fil de ses rencontres et se remettre en question. Urasawa distille lentement un portrait complet de son protagoniste, en s'intéressant ici particulièrement à ses études et à sa vocation d'archéologue. On y verra même un espoir d'une intrigue principale en fil rouge, sur une théorie fondatrice de notre civilisation. Cerise sur le gâteau, la famille de Keaton n'est pas en reste, avec même un chapitre entier avec son père pour rôle principal. Un père qui, lui aussi, semble avoir plus d'un tour dans son sac !
On ne saura que trop vous conseiller de prendre votre temps pour lire Master Keaton : d'une part par la masse de ces imposants volumes, si magnifiquement édités soient-ils; d'autre part car il sera très intéressant de noter le parcours de l'auteur en parallèle à celui de son héros. La narration est parfois balbutiante, les rebondissements attendus et certaines fins chancelantes, mais l'on ressent déjà le plaisir que prend Urasawa à croquer des individus uniques, et à leur façonner une vie en une vingtaine de pages. Et de la diversité de ces personnages nait un portrait tendre-amer d'une Europe de fin de vingtième siècle, soufflant encore sur les braises de ses blessures passées. Après tout, est-ce que ce ne sont pas les petites histoires qui font la grande ?