Mars - Edition Perfect Vol.1 - Manga

Mars - Edition Perfect Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 14 Septembre 2023

Fuyumi Sôryo est l'une de ces grandes dames du shôjo manga qu'on aurait tendance à oublier aujourd'hui, faute de présence dans nos étalages. Bien que Cesare, sa série actuelle, soit disponible, son rythme de parution assez lent n'aide pas à la reconnaissance de l'artiste auprès du nouveau lectorat.
Pourtant, Mars, l'une de ses séries phares, est un titre qui a marqué les esprits. Après une sortie des 16 volumes aux éditions Panini jusqu'en 2005, incluant le tome d'histoires courtes, la série méritait d'être découverte par un nouveau public, ou par les lectrices et lecteurs qui avaient loupé le coche à l'époque. C'est chose faite en cette rentrée 2023 avec une toute nouvelle édition, qui s'intègre dans la gamme des perfect edition de la maison d'origine italienne. Mars est donc de retour dans nos librairies, par une version vouée à contenir 8 tomes dans un écrin plus qualitatif. Et si tout n'est pas parfait de ce côté (nous y reviendrons), cette réédition est une véritable aubaine !

Piqure de rappel concernant la série : celle-ci fut lancée en 1996 dans le magazine Bessatsu Friend de l'éditeur Kôdansha, et s'est conclu en décembre 2000 avec son 15e tome. En 2006 (soit juste après la fin de la parution chez nous, ironie du sort), une édition bunkô vient compiler l'œuvre en 8 tomes, amenant de nouvelles couvertures. Cette édition plus récente fut la base de la version Perfect de Panini.

Fort de son succès, Mars a aussi connu diverses adaptations live, dont l'une est issue de Chine, tandis qu'une version constituée d'une série et d'un long métrage nippons remonte à 2016 seulement. Aucun doute possibles, l'œuvre de Fuyumi Sôryo a fasciné son lectorat, et la retrouver en France semblait important à une heure où le shôjo manga regagne son prestige chez nous, une démarche largement initiée par ses lecteur.ices et soutenue par certains éditeurs.

Mars nous emmène dans un lycée japonais des années 90, tout ce qu'il y a de plus ordinaires. Rei Kashino est une vraie vedette dans son établissement. Beau garçon, motard et libre comme le vent, il jouit d'un certain prestige auprès de la gent féminine. Paradoxalement, il est aussi sociable qu'intouchable, et nulle ne semble avoir véritablement atteint son cœur. À côté, Kira Asô est une élève de sa classe particulièrement discrète. Celle-ci se voue à l'art, mais reste dans son coin pour ne pas faire de vague. Ces deux profils, totalement incompatibles à première vue, vont pourtant se rapprocher lorsque Rei, sur l'impulsion du moment, embrasse une statue de la divinité Mars, devant la demoiselle. Débute une vraie fascination de Kira pour le jeune homme, tandis que ce dernier va aussi se montrer intrigué par sa camarade...

À la lecture de ce pitch, l'œuvre de Fuyumi Sôryo semble flirter avec des schémas de comédie romantique lycéenne devenus très communs. La frêle adolescente qui se lie au beau garçon insouciant représente un paterne vu et revu. Aussi, ce n'est pas à la lecture du synopsis que l'on peut se rendre compte du génie de sa mangaka, mais bien en parcourant ce premier ouvrage aux personnages forts, et à la puissance narrative éblouissante.
Car l'histoire d'amour entre Kira et Rei brille d'une sensibilité qui nous touche assez rapidement. Les deux jeunes gens peuvent apparaître comme de vrais stéréotypes aujourd'hui, mais leur charme ne s'est pourtant pas estompé. Chacun d'eux développe des nuances et montre une densité qui leur confère un charme certain. Rei n'est pas un simple beau gosse tête brûlée par-dessus le marché, tout comme Kira ne devrait pas être sous-estimé par son tempérament de fille timide. Leurs forces de caractère sont au centre du récit, tout comme leurs histoires respectives, au même titre que le lien qui se noue entre eux. Rien qu'avec l'écriture de ses personnages, la mangaka amène quelque chose de fort, créant un premier point culminant sur la seconde moitié de cet opus, tandis qu'il restera encore 7 tomes derrière.

Mars, c'est un véritable drame lycéen, dans lequel les personnages principaux semblent prisonniers des images qu'on leur impose. Bien que différents, Kira et Rei en font les frais, et toucheront une libération au contact l'un de l'autre. En leur greffant des passions, telles que l'art ou les courses de moto, l'autrice donne de la personnalité et de la sensibilité à ces deux êtres, tout en les confrontant à quelques premiers événements qui permettent au récit d'aborder des thèmes qui sont bien plus que des toiles de fond. Le harcèlement scolaire et l'absence parentale sont des sujets qui nourrissent le cœur du récit, qui donnent de la consistance aux deux héros, et qui le feront progresser. C'est un équilibre narratif particulièrement habile et mené d'une main de maître, permettant à la fois au scénario de se renouveler tout en donnant une profondeur importante à l'histoire.

Mais outre le schéma narratif de l'œuvre, outre la manière de Fuyumi Sôryo d'écrire ses personnages et outre les perspectives du récit, Mars brille aussi par la force émotionnelle véhiculée par ses personnages. Si de prime abord le couple formé par l'intrépide garçon et la fragile demoiselle ne fait pas forcément mouche, c'est par leur complémentarité progressive que tous deux nous émerveilleront, pas des instants de complicité forts et si magnifiquement mis en scène par l'autrice. Quand Kira et Rei s'ouvrent l'un à l'autre, le monde qui les entoure semble disparaître, aussi bien pour eux que pour le lecteur. Et dans une trame où le dieu de la guerre semble multiplier les obstacles sur leur route, ces scènes de sincérité font un bien fou, et arrivent à chaque fois au bon moment.

Ingénieusement formé, brillamment narré, et d'une grande richesse émotionnelle, ce premier volume de l'édition Perfect de Mars nous pique au vif, et on en redemande aussitôt. Pour une si belle œuvre, le travail d'édition était important, et on peut se ravir de tenir entre les mains un bel ouvrage dont le vernis sélectif sur le papier mat de couverture apporte un certain cachet. Et ce d'autant plus que les visuels, repris de l'édition bunko nippone, sont particulièrement élégants. Avec un papier de bonne facture, le tome se montre ravissant, mais on tiquera sur l'absence totale de marge qui gêne ponctuellement le confort de lecture. Rien de trop dramatique, mais on ne peut qu'espérer que Panini corrigera ce défaut sur les réimpressions et sur les tomes suivants. Car pour une série si envoutante, on aimerait pouvoir se plonger à corps et âme dans la découverte.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
17.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs