Manga of the dead : Critiques

Manga of the dead

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 29 Août 2013

Critique 1


Le zombie est à la mode, et ce ne sont pas les éditions Tonkam qui diront le contraire avec Manga of the dead, une anthologie qui leur est consacrée. Au total, on y compte pas moins de 12 auteurs plus ou moins connus, dont les 4 plus célèbres se cantonnent toutefois à une illustration, tandis que les 8 autres se font un plaisir de proposer chacun une nouvelle.

Commençons donc par évoquer les illustrations des 4 noms bien connus dans nos contrées. Dessinateur de MPD Psycho que l'on connaît bien pour son gore réaliste, Sho-U Tajima livre une couverture en couleur du plus bel effet, crade à souhait et bien mise en valeur par le vernis sélectif. De son côté, Rei Hiroe, l'auteur de Black Lagoon, offre une double-page assez basique mettant en scène une lycéenne dans une posture pas très optimiste, tandis que Jiro Matsumoto, à qui l'on doit Freesia, fait parler son coup de crayon malsain pour offrir un fort joli portrait de copines. Quant à Hiroaki Samura, l'auteur de l'habitant de l'infini, il met son génie au service d'une illustration aussi dense que peu ragoûtante. Les travaux sont plaisants, voir de tels noms ici attire forcément, si bien que l'on en arrive vite à regretter qu'ils ne se soient pas, eux aussi, adonnées au jeu de la nouvelle. Voyons désormais ce que nous réservent les huit récits composant cette anthologie.

Dans "And I Love Her" de Katsuya Terada, une adolescente dont la grand-mère est devenue un zombie tente de continuer à mener une vie normale avec ses parents et son petit frère... ainsi que la vieille dame, enchaînée. Mais dans une famille où les parents ne semblent pas s'aimer et où la fille détestait sa grand-mère, les choses ont vite fait de dégénérer. Une histoire d'une quinzaine de pages racontée du point de vue de la fille, aussi froide que le reste de sa famille, pour une plongée qui se veut malsaine aux côtés d'une famille pas très unie. Les choses se veulent glauques, teintées d'humour noir, et contre la bonne morale avec cette grand-mère enchaînée et cette famille qui se détruit d'elle-même, mais les choses vont beaucoup trop vite, et le trait de l'auteur de Saiyukiden alterne les hauts et les bas.

Dans la deuxième histoire, signée Kinohitoshi, un jeune homme travaillant pour police aide à l'éradication d'êtres immortels assimilés à des zombies. Pour ce faire, il possède une arme unique : sa grande soeur Reiko, qui a développé une sorte d'immunité après avoir été à moitié bouffée par un zombie, et qui a conservé toutes leurs caractéristiques, à ceci près qu'elle obéit à son frère pour dégommer ses congénères inhumains. Entre le côté pervers de certains flics, le fait que notre héros n'ait pas eu le choix, et la façon dont Reiko est traité par ses collègues de travail, on a une idée intéressante d'humains pas forcément plus reluisants que les immortels, mais cela passe vite à la trappe au profit de scènes d'action très inégale, car si le design des zombies est plutôt intéressant et qu'il y a le quota de gore avec membres coupés et viscère éparpillées, la mise en scène est franchement bordélique, on ressent beaucoup trop par moment le travail à l'informatique, et les choses se cantonnent trop à du dégommage par une jolie zombie lycéenne qui montre sa culotte à chaque page. Le fan-service prime sur l'histoire de base, et il y avait sans doute mieux à faire.

Dans l'histoire suivante, l'auteur Scahiko Uguisu nous donne une bonne idée de l'humour noir qui nous attend rien qu'au titre : "Ne vivez pas avec des cadavres, les enfants" voit deux jeunes enfants et leur chiot tenter de survivre avec leurs parents devenus tous deux des zombies. Et pour les nourrir, les deux bambins seraient prêts à tout... Dès les premières pages, un contraste saisissant se crée entre le look bien dégueu des parents zombifiés, et les bouilles ultra mignonne des deux enfants et de leur chiot (une peluche qui porte le nom tout choupinet de Babu). Et ce contraste s'accentue très vite de manière on ne peut plus trash... On vous laisse la surprise, mais quand on vous dit que les deux bambins sont prêts à tout, on ne ment pas ! L'ambiance posée, on suit alors le reste de cette histoire de près de 30 pages avec un certain plaisir, et on se demande ce qui attend les enfants. Malheureusement, l'aspect pas très moral et bien trash des premières pages s'estompe vite pour laisser place à une suite et une fin beaucoup plus banales. On se contente alors de profiter des petits instants gores, bien fichus (explose rune tête de zombie au pied, ça n'a pas de prix).

Le temps d'une quinzaine de pages, l'histoire de Toranosuke Shimada débarque alors pour signer une rupture nette avec les trois premiers récits. Avec un graphisme épuré dominé uniquement par du blanc et du noir (pas de nuances de gris), un ton posé et une absence totale de gore, le mangaka nous raconte... euh... rien. Si ce n'est une réunion d'anciens élèves où l'on évoque des gens morts, puis l'un de ces morts que notre héros croise dans la rue quelques années plus tard, parce qu'il est devenu un zombie. Voila voila. Côté graphisme et ton, la variété souhaitée est assurée avec ce registre clairement plus alternatif. Côté histoire, ça aurait été mieux s'il y en avait eu une.

"Le sanctuaire qui ressuscite les morts" est la nouvelle la plus longue de cette anthologie avec celle qui la suit. Pendant 42 pages, Masaya Hokazono (à qui l'on doit Inugami, Emerging et le scénario de Girlfriend) présente une histoire à connotation mystique, où de vieilles croyances et légendes antiques permettent à un éminent professeur d'université d'atteindre son énigmatique objectif. Mais quand les choses partent en vrille et que lui ne peut plus rien faire, c'est à l'un de ses étudiants, doté d'un mystérieux pouvoir, qu'il demande de réparer le mal à sa source. Quand on a lu Inugami, on connaît le goût de Hokazono pour les récits emprunts de mysticisme et de folklore nippon. C'est de cela que la nouvelle ici présente tire son unicité, en dévoilant une histoire surnaturelle qui prend le terme de zombie au sens large, puisqu'ici, le morts ne reviennent pas à la vie d'eux-mêmes, mais sont ressuscités au moyen de techniques occultes. Si les choses vont à l'essentiel et que l'on devine les tenants et aboutissants de l'intrigue très vite, l'ensemble est raconté clairement et possède un graphisme fluide. Un récit agréable.

Auteur de Hokuto no Ken - Jagi Gaiden, Shinichi Hiromoto se lâche dans "Le jeune zombie", nouvelle de 42 pages qui nous propulse en 2017, époque où une pandémie à échelle mondiale a provoqué des violence un peu partout et a paralysé les Etats. Au Japon, le chômage a augmenté de 30%, et notre héros, un célibataire de 23 ans sans le sou, en fait les frais. Venant de se réveiller d'un cauchemar où il se fait bouffer par des zombies tout en demandant son nom à une belle inconnue, il prend conscience qu'il ne veut pas mourir puceau, et aussi qu'il a besoin de fric. Il envisage des solutions. Genre, se prostituer auprès de vieux gays ? Non, peut-être pas, tout compte fait... Finalement, il opte pour le travail top secret dont un pote lui a parlé : laveur de cadavres. Mais en se rendant sur le lieu de travail, il se retrouve embarqué de force dans un hélico, chargé d'aller dégommer à l'arrache des hordes de zombies sous les ordres d'un chef pas très net avec son chapeau de cowboy et ses lunettes de soleil "kill gore", le tout sur un fond de musique hystérique. Et tout en bousillant ses propres parents zombifiés et autres petites filles, le voici qui tombe d'admiration devant sa belle collègue, une brave sociopathe un peu pupute sur les bords.
Rangez votre cerveau et laissez-vous embarquer dans un récit complètement ravagé. Porté par un design taillé à la serpe, des nuances de gris bien fichues, un rythme endiablé, des dialogues barrés et rentre-dedans et un ton totalement irrévérencieux, l'auteur offre une histoire déjantée où la morale n'est plus, qui se moque sans vergogne des malheurs de son loser de héros. Un concentré de fun !

Avec l'histoire suivante, signée Tomohiro Koizumi, retour à un style plus épuré qui vient servir une histoire de combat libre où l'un des deux combattants, mordu, se retrouve zombifié en cours de combat. Un récit dont le style graphique plaira ou pas, et dont la brièveté (seulement 14 pages) ne permet pas grand chose d'intéressant, si ce n'est la naissance d'une situation absurde à la fin.

C'est l'illustrateur freelance Atsushi Fukao qui est chargé de clore cette anthologie, avec une histoire de 28 pages nous plongeant dans un futur où une arme bactériologique terroriste décomposant les tissus humains continue de toucher des humains. Le choix alors été fait par les survivants d'isoler les contagieux et les infectés en période d'incubation. dans ces pavillons de quarantaine, les malades décomposés et ayant perdu la raison se sont résolus à se nourrir de personnes encore non-infectées. C'est dans cet univers hostile que débarque un homme en combinaison, chargé d'éliminer celui qui a créé l'arme. Dans le même temps, une gamine du nom de Sachi tente de sortir de cet enfer avec son grand-mère gravement blessé.
Explorant le mot zombie dans un sens très large puisqu'ici il s'agit d'humains victimes d'armes bactériologiques, l'auteur s'applique à dépeindre un monde apocalyptique sombre, suffocant, poisseux, très bien rend par ses talents d'illustrateur. Les dessins sont très noirs, très fournis, peu ragoûtants, le design des personnages est inspiré (le visage de Sachi rappelant même certains travaux de Yoshitoshi ABe)... Niveau ambiance et concept de base c'est franchement intéressant et immersif, et il est simplement regrettable que la fin soit si expéditive.

Et histoire de finir, vous trouverez en fin de volume une postface sur le genre zombie signé par la gérante japonaise d'une librairie dédié au genre. Ca va à l'essentiel, mais c'est plaisant à lire.

Comme beaucoup d'anthologies réunissant divers auteurs, Manga of the dead se révèle inégal, mais entre la variété des histoires (si peu originales et poussées soient-elles pour la plupart), des graphismes, des ambiances et de l'approche du concept de zombie, chacun devrait avoir de quoi trouver son bonheur, selon ses affinités. Au-delà de tout ceci et de la bonne édition française (papier épais, impression et traduction convaincantes, et grand format), il ne reste donc qu'à accepter de débourser 15,50€ pour un produit que l'on n'aimera sans doute pas dans son entièreté, mais qui vaut le détour à plus d'un égard.


Critique 2


« Découvrez l’hommage à Walking Dead par de grands noms du manga »
Oui, j’aime reprendre les bandeaux publicitaires comme introduction lorsque j’ai l’intention de descendre un titre. Aujourd’hui, c’est Manga Of The Dead qui va en pâtir.

Le tout se présente comme une anthologie regroupant des récits courts autour du thème des zombies et autres humains génétiquement modifiés, tous les moyens étant bons à conditions qu’on obtienne au final des tas de chair sanguinolents qui bouffent les humains non encore sanguinolents, lesquels rejoindrons alors le rang des tas de chairs sanguinolents… enfin on se comprend.

La quatrième de couverture se contente de nous faire miroiter quelques grands nom du manga, tel Rei Hiroe (Black Lagoon) ou encore Jirô Matsumoto (Freesia). Si c’est cet argument d’autorité qui vous attire le plus vers cet ouvrage, passez votre chemin. En effet, Rei Hiroe et Jirô Matsumoto, mais aussi Hiroaki Samura (L’habitant de l’infini) et Sho-U Tajima (MDP Psycho), à savoir les noms les plus attractifs ayant participé à l’œuvre, ne sont ici qu’auteurs d’illustrations, une seule chacun. Ceux ayant conçu une histoire complète son les autres, à savoir les inconnu, à savoir les illustres inconnus dans nos contré si l’on excepte Masaya Hokazono (Inugami) et Katsuya Terada (Blood, the last vampire). Attention, je ne dis pas que cela est un problème en soit, ces auteurs, bien que d’une renommée moindre peuvent tout à fait produire des récits de qualité, seulement j’encourage à ne pas se jeter sur l’œuvre par fanboyisme pour l’un des quatre auteurs cité ci-dessus.

Venons-en donc à la qualité intrinsèque de l’ouvrage. Il est de plus en plus difficile de fournir quelque chose d’original en prenant pour thème les zombies, ces derniers ayant déjà traités à toute les sauces (même à la sauce pantsu, c’est dire). Manga Of The Dead n’échappe pas au piège le plus évident : il manque totalement d’originalité. Les histoires ne sont pas mauvaise en soit, mais l’un des attrait principaux des récits de zombie réside dans le fait que l’on se demande combien de temps les protagonistes vont survivre, et pour cela, il faut créer une empathie envers ces derniers. Difficile de rendre sympathique des personnages que l’on ne fréquentera que le temps d’une dizaine de page, s’ils ne se font pas dévorer avant. Le tout demeure donc assez lisse, jouant trop souvent sur le fan service ou sur les effets de gore, et seule l’histoire d’un certain Taranosuke Shimada, sobrement intitulé « Zombie », parviendra à se détacher de cet amas de clichés pour nous offrir quelque chose de très particulier, mais au moins de tout à fait nouveau.

Nous n’enlèverons toutefois pas ce qui se révèlera être la principale qualité de l’œuvre : une diversité graphique très prononcée. Du plus sobre au plus détaillé, du plus fin au plus épais, vous pourrez vous délecter de morts vivants très différents en termes de design, et des différentes façons dont les auteurs représentent la peur qui y est liée. Rien à redire du côté de l’édition, Tonkam nous livre une copie de bonne qualité.

Commercial et convenu, Manga Of The Dead contentera à peine les plus gros fanatiques de l’univers zombie. Le soit disant hommage à The Walking Dead étant invisible sinon à travers la présence de morts-vivants. Vraiment dispensable.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Luciole21

9 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs