Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 15 Juin 2018
De 2013 à 2017, nous découvrions en France aux éditions Kana le mangaka Jun Watanabe avec Montage, un thriller sur fond d'Histoire et de voyage dans le Japon qui, à force de rallonges inutiles et de personnages très caricaturaux, s'avérait tout compte fait un brin décevant. A présent, cet auteur dont la carrière dure depuis 1990 débarque aux éditions Komikku avec sa dernière série en date. De son nom original Kudan no Gotoshi, Malédiction finale a été prépublié de 2015 à début 2017 chez Kôdansha dans le Young Magazine, et compte au total 6 volumes. Au programme, un pitch qui n'a pas grand chose de très original, mais qui, en 6 petits volumes, pourrait tout à fait offrir un bon petit divertissement de série B.
Un 19 février, en pleine nuit, un groupe de 7 amis étudiants revient d'un petit voyage où ils fêtaient l'obtention de leur diplôme. Mais bientôt, leur voiture s'égare sur un chemin de montagne inconnu, et le véhicule heurte violemment quelque chose. En allant vérifier ce dont il s'agit, ils découvrent avec effroi une vache... avec une tête d'homme ! Sous le coup de la peur, ils décident d'achever la créature avant de repartir... mais ont-ils eu raison de faire ça ? L'étrange animal était en réalité un yôkai nommé kudan, et va venir les hanter, les uns après les autres, pour leur adresse une terrible prédiction: à partir du moment où il apparaîtra devant eux, chacun d'eux n'aura plus que 7 jours à vivre...
Le titre français choisi par les éditions Komikku a beau être très passe-partout et vraiment être digne d'un téléfilm qui passerait sur NRJ12 en 2e partie de soirée, il colle néanmoins bien au contenu de l'oeuvre, et offre une référence claire à une série de films qui, dans le fond, se rapproche pas mal du concept de Watanabe: Destination finale, où des ados se retrouvent poursuivis par la Mort en personne sans pouvoir faire quoi que ce soit, et meurent alors les uns après les autres de façon souvent spectaculaire voire un peu idiote. Un cocktail à la fois très primaire et ayant quelque chose d'assez jouissif quand les morts sont vraiment bien fichues. Ici, la première mort ne tarde pas trop à tomber, qui plus est à un moment crucial pour le personnage en question, si bien qu'on le sent venir avant de tourner la page, mais qu'on est alors en attente de voir comment le pauvre gus va finir. Dès lors, chacun des étudiants prend bien conscience que s'ils ne font rien, chacun d'eux va y passer à tour de rôle dès lors que la créature apparaîtra devant eux pour leur affirme le compte à rebours jusqu'à leur mort, et il leur faut donc, le plus vite possible, tenter de trouver une solution en perçant le mystère du kudan.
Au-delà de cette simple course contre la mort somme toute très basique à la base, mais aussi dans les débuts de son déroulement, Jun Watanabe esquisse toutefois des petits enrichissements qui, par la suite, pourraient enrichir l'intrigue. Déjà, on appréciera sa petite recherche pour l'utilisation de la figure du yôkai kudan, où il se base notamment sur une ancienne gravure imprimée de 1705 existant réellement. Ensuite, il s'avère que durant les 7 jours leur restant à vivre, les personnages pourraient bien faire certains choix, par exemple pour laisser le moins de regrets possibles, comme c'est déjà le cas pour l'une des demoiselles dans ce premier tome, meurtrie par la mort de celui qu'elle aimait, mais décidée à réparer certaines choses. Se pose ainsi une question: que feriez-vous si la mort venait vous prendre immanquablement dans 7 jours ? Une interrogation martelée dès les premières pages par l'auteur. Enfin, le mangaka pourrait tirer beaucoup de l'une des spécificités du visage du kudan: quand il apparaît à quelqu'un, il semble adopter le visage de la dernière personne morte juste avant, et cela amène déjà, dans les toutes dernières pages, une petite surprise assez prometteuse.
S'il reste dans le thriller, Watanabe quitte ici les éléments historiques et un la pointe réelle de Montage pour offrir quelque chose d'un peu plus fantastique et horrifique, et visuellement son trait colle assez bien à ça quand il s'agit de dépeindre des moments sombres. Ainsi, les tout débuts jouent vraiment bien sur la pénombre, l'obscurité, et l'allure du kudan a bel et bien quelque chose d'inquiétant avec son visage humain très assombri. Pour le reste, les designs sont très classiques, mais tous assez différents, les expressions sont assez soignées, bien que parfois un peu aseptisées, et le découpage et la mise en scène s'avèrent assez emballants pour un manga de ce genre.
Sur ce premier volume, Malédiction finale est très classique, mais se lit tout seul et distille 2-3 éléments qui peuvent tout à fait apporter plus de choses par la suite !
L'édition de Komikku souffre de quelques coquilles d'inattention pas bien méchantes (par exemple, Tatsumi qui devient Tastumi à deux reprises), et en dehors de ça s'avère très plaisante à prendre en mains. On y trouve le soin habituel concernant le papier et l'impression de qualité, et la traduction de Masaya Morita est claire.