Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 17 Février 2015
Critique 1
Votre serviteur aime écrire des synopsis pour présenter les volumes dont il est question dans les chroniques. Or, c’est chose difficile pour ce tome 2 de Magic Kaito qui, à l’instar du premier opus, ne présente pas de scénario concret et se contente d’enchaîner les épisodes humoristiques où Kaito Kuroba nous fait la démonstration de ses talents de magiciens.
La formule était la même pour le premier tome, mais étant donné les circonstances de la disparition du père du héros, on étant en droit d’espérer un décollage de l’intrigue pour les volumes suivants. Il se trouve qu’il n’en est strictement rien puisque le ton reste léger et les histoires peuvent se lire dans le désordre sans que cela ne gêne le lecteur. Cela n’aurait pas été grave si Magic Kaito avait de beaux jours devant lui, mais il se trouve que le titre ne fait que quatre tomes à l’heure actuelle et étant donné son rythme de parution, il est probable que le cinquième volet ne voit pas le jour avant de très longues années, d’où notre frustration à la lecture de cette suite.
L’humour bon-enfant et le divertissement décomplexé sont donc les maîtres mots de ce tome 2 qui ne répond pas à nos attentes, attentes très grandes quand on voit le personnage doté d’un grand charisme dans Detective Conan. On essaie ainsi de se contenter du titre pour ce qu’il est, à savoir un divertissement simplet autour de cet Arsène Lupin des temps modernes et si l’effet de surprise du premier tome parvenait à nous faire passer un moment agréable, cela ne suffit plus. Le plus dérangeant est que Gosho Aoyama ne cherche jamais à aller loin ni à fouiller son titre, ce qui nous permet de déceler de grandes qualités qui ne sont jamais exploitées à leur juste valeur. L’exemple le plus marquant est la relation entre Kuroba et Aoko qui n’est qu’un prétexte pour générer différents gags plutôt que de traiter la romance pour ses enjeux narratifs, comme Detective Conan a très bien su le faire, et ce dès ses débuts, alors que la série du détective en culotte courte était loin d’avoir exploité tout son potentiel.
Un autre point où Aoyama gâche volontairement son potentiel (ce qui, dans ce cas, tient plutôt de son travail sur Detective Conan), c’est les liens entre les deux séries. Magic Kaito présente, en effet, de nombreux parallèles avec l’autre titre de l’auteur : ce fut par exemple le cas avec le personnage d’Akako, et l’auteur remet le couvert avec un professeur du nom de Kenji Aso qui, pour mémoire, est un personnage important d’une affaire du septième tome de Detective Conan et très certainement l’une des meilleures de la série. Gosho Aoyama n’a pas exploité ce lien à sa juste valeur, faisant de lui une simple référence à son autre série, alors que l’impact dramatique aurait pu être bien plus grand pour le lecteur qui se passionnerait pour l’ensemble de l’œuvre du mangaka. Ce n’est peut-être qu’un détail, mais pour cette série que les fans de Conan attendaient et dont la réédition a été travaillée pour séduire ce lectorat, le goût amer reste en bouche.
Difficile donc de juger objectivement ce volume qui, pris pour ce qu’il est, amuse et fait passer un agréable moment. En réalité, la série est pour l’instant difficile à apprécier pour quiconque serait fan du personnage de Kaito dans Detective Conan tant son caractère change et l’aspect gag-manga du titre a de quoi dérouter. Le temps passé sur l’ouvrage est loin d’être négatif, mais c’est avec des attentes revues à la baisse que nous nous plongerons dans le troisième volet de Magic Kaito.
Critique 2
Le magicien-cambrioleur Kid l'insaisissable est de retour pour de nouvelles aventures dans ce deuxième volume de Magic Kaito. Un volume qui divisera toutefois encore profondément les lecteurs, car, si on s'attend à y suivre les exploits de cambrioleur de notre charismatique antihéros dans la veine de séries comme Cat's Eye ou Lupin III, ce n'est pas tout à fait ce que nous réserve l'auteur Gosho Aoyama cette fois.
On se retrouve donc avec une série de sept nouvelles aventures qui ont pour point commun de tourner autour du personnage de Kid, mais assez rarement autour de la thématique du voleur fantôme. On commence par une compétition scolaire de ski qui voit Aoko et la sorcière Akako se disputer les sentiments de Kaito dans un triangle amoureux assez classique. On poursuit avec la disparition du Premier ministre le plus irresponsable du Japon en plein sommet de conférence sur la paix, préférant jouer les apprentis magiciens en pleine rue. Suite à ça, Kid est de nouveau confronté à l'inspecteur Nakamori qui use d'une armée de petits robots mécaniques conçus par un savant fou (oui, encore un) pour traquer le magicien où qu'il aille après un de ses larcins. On retrouve ensuite la sorcière Akako qui, faisant sa crise d'adolescence, est furax que tous les hommes du monde ne soient pas tombés amoureux de ses charmes et qui décide donc de tuer le seul homme qui lui résiste encore: Kaito Kuroba. Kaito rencontre ensuite un de ses plus jeunes fans qui décide de passer une annonce à la police en son nom, laissant penser que Kid volera la balle du home-run du prochain match de baseball de la ville. Kaito et Aoko enquêtent ensuite sur les rumeurs selon lesquelles leur lycée serait hanté par un monstre à la nuit tombée. Enfin, Kid défie un champion de billard lors d'une partie mémorable pour la possession d'une queue légendaire sertie de pierres précieuses.
Chaque chapitre possède donc sa propre histoire, il n'y a pas de lien direct entre chaque aventure et aucune ne revient sur l'intrigue principale du manga, à savoir l'enquête de Kid sur la disparition de son père Toichi Kuroba et la recherche de ses assassins. Les histoires présentées sont plutôt classiques, avec une ambiance assez légère et davantage orientée vers la comédie. L'ambiance est très bon-enfant, souvent un peu kitsch, et il est difficile de lire ce tome autrement qu'avec un certain second degré. De ce fait, ce volume risque de diviser sachant que l'essentiel des lecteurs sont des fans de Détective Conan désireux d'en découvrir davantage sur le personnage du charismatique magicien-cambrioleur et sur son univers et qui ne s'attendent probablement pas à trouver une petite série comique sans grande prétention, à des lieux des aventures de Conan beaucoup plus ambitieuses et sérieuses.
On reconnaît volontiers à Gosho Aoyama certaines prédispositions d'auteur, partant d'une idée de base pour explorer des histoires et des genres très différents. Mais là où il parvient à exceller sur cet aspect dans les pages de Détective Conan, cela s'avère extrêmement brouillon dans Magic Kaito. Comme il s'agit d'une oeuvre de jeunesse, Aoyama n'avait pas encore la maîtrise nécessaire pour être à la hauteur de ses intentions. Sa démarche dans Détective Conan est cohérente: il explore différents genres et des histoires toutes très différentes les unes des autres, mais elles restent toutes liées à une enquête policière, la thématique centrale. Dans le cas présent, Aoyama semble oublier que son personnage est aussi un cambrioleur pour n'en retenir que le magicien, il en oublie aussi carrément la quête des assassins de son père qui n'évolue pas d'un chouia, et au final il n'y a aucune cohérence, aucun fil conducteur logique, qui viennent lier toutes ces intrigues entre elles. On a parfois même l'impression de se retrouver dans une compilation style "Gosho Aoyama's Collection of Short Stories" avec le personnage de Kid l'insaisissable plutôt qu'aux aventures du magicien-cambrioleur que l'on a découvert dans les pages de Détective Conan, et on se demande même par moment si ce manga n'est pas plutôt destiné à son petit frère ou son neveu. De toute évidence, Aoyama ne savait alors pas trop encore où aller avec son titre, se laissant entièrement porter par ses envies du moment sans trop réfléchir à la cohérence de son oeuvre sur le long terme, et cela lui nuit considérablement pour l'heure.
Du côté des personnages, aucune continuité non plus d'une histoire à l'autre. On a affaire à des stéréotypes qui restent les mêmes tout du long et qui ne connaissent aucune évolution sur le long terme. On se surprendra même à relever quelques grosses incohérences, notamment au niveau du personnage d'Akako qui apparaît dans deux histoires où elle a des attitudes diamétralement opposées: dans la première elle ne laisse planer aucun doute sur ses sentiments amoureux à l'égard Kaito, rivalisant même avec Aoko Nakamori pour son affection, alors que dans la seconde elle décide tout simplement de le tuer comme ça sur un coup de tête. Un peu schizophrène, la demoiselle ? Pour le reste, si Kaito Kuroba et son alter ego costumé demeurent des personnages assez attachants et charismatiques malgré leur manque de profondeur, les autres personnages de leur univers comme Aoko Nakamori et son inspecteur de père sont quant à eux quasiment inexistants en terme de développements, semblant presque faire partie du décor.
Du côté des dessins, on se rappelle que Magic Kaito est une oeuvre de jeunesse de Gosho Aoyama et on n'est donc pas surpris par le style encore un peu immature de l'auteur, ses dessins étant très loin d'être aussi aboutis et aussi détaillés que ceux que l'on peut trouver dans Détective Conan, de même que son travail sur la mise en scène qui demeure très basique. Du côté de l'écriture, la narration se révèle elle aussi assez basique et les dialogues restent un peu simples et convenus. Difficile d'imaginer que c'est le même auteur qui nous pond aujourd'hui une merveille comme Détective Conan avec une ambition et une maîtrise du récit renversantes qui semblaient alors lui faire défaut quand il rédigeait Magic Kaito au début de sa carrière. Si on peut lui pardonner les défauts de jeunesse de son oeuvre, on ne peut que constater le chemin incroyable qui a été accompli depuis, Aoyama ayant considérablement mûri et s'étant pleinement épanoui en tant qu'auteur sur sa série actuelle.
En ce qui concerne l'édition de Kana, on saluera une nouvelle fois la présence d'une galerie d'illustrations au début et de quelques pages en couleurs, chose très rare chez cet éditeur. Kana a fait des efforts avec la localisation française de l'édition deluxe de Magic Kaito et on les en remerciera. On regrettera juste qu'alors que la galerie d'illustrations appuie beaucoup sur les liens avec Détective Conan, l'oeuvre en elle-même soit très différente de ce que les fans de ce dernier pouvaient en attendre, à se demander si le public cible de ce titre est bien celui que l'on pense.
Ce second volume de Magic Kaito laisse donc une impression très partagée. D'un côté, ce n'est pas vraiment un mauvais manga et la lecture de ses différentes histoires reste plaisante, bien que sans grande prétention. De l'autre, on regrette que l'oeuvre ne soit pas plus ambitieuse et qu'elle échoue à répondre aux attentes des fans du personnage qui l'ont, pour la plupart, connu dans les pages de Détective Conan où il s'avérait autrement plus fascinant dans son rôle d'adversaire mystérieux et légendaire de notre intrigant petit écolier à lunettes. L'envers du décor est finalement beaucoup moins intéressant qu'il n'y paraissait et risque même de gâcher un peu l'aura magique qui entourait le personnage. Toutefois, le titre n'en est encore qu'à ses débuts, créés à une époque où Détective Conan n'existait pas encore, et des liens plus importants entre les deux séries devraient apparaître plus tard, de même que Gosho Aoyama aura lui-même considérablement évolué en tant qu'auteur. Pour l'heure, les aventures de Kid l'Insaisissable arrivent toujours à divertir le lecteur, mais sans pour autant le convaincre pleinement.