Librairie des mystères (la) : Critiques

Ushimitsu Dokidoki Koshotentan

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 15 Mai 2023

Après nous avoir invités à découvrir pour la première fois en France la mangaka tacocasi avec le plutôt sympathique one-shot Les héritiers des enfers en novembre 2022, les éditions Hana ont récidivé au mois de février dernier en publiant l'oeuvre suivante de cette autrice: La librairie des mystères. De son nom original Ushimitsu Dokidoki Koshotentan, ce récit a vu ses 7 chapitres êtres initialement prépubliés dans feu (il a été arrêté en septembre 2022) le magazine numérique boy's love NUUDE des éditions Tokyo Mangasha en 2020-2021, avant d'être regroupé le 6 août 2021 en un unique volume broché accompagné d'une tout petit chapitre bonus de 4 pages, pour un total d'un peu plus de 200 pages.

Ce manga nous immisce auprès de Komiya, un étudiant à l'université comme beaucoup d'autres, en particulier pour ses difficultés à joindre les deux bouts. Ce sont bien ses soucis financiers qui le poussent à quitter la résidence étudiante où il logeait, où il déménage au premier étage d'une vieille librairie où le loyer est dérisoire et qui est tenue par Yôzô, le propriétaire des lieux, un homme qui doit sans doute avoir aux alentours des 30 ans selon notre héros. En à peine un mois, le candide et mignon étudiant est complètement tombé sous le charme de Yôzô, dont il apprécie les côtés un peu réservé et distrait, si bien que le jeune homme ne se pose pas vraiment de questions en voyant son propriétaire recevoir parfois des clients un brin étranges... du moins, jusqu'à l'arrivée d'un séisme après lequel Yôzô s'est, de façon inimaginable, transformé en enfant ! Et la raison de cet incident est tout aussi impensable: Yôzô a renversé sur lui un philtre de jouvence qu'il vient d'acheter à une déesse. C'est là que Komiya apprend que son propriétaire possède une boutique secondaire destinée aux dieux. Et que Yôzô, même s'il redevient adulte à certaines heures, est a priori condamné à rester sons son apparence enfantine pour environ un an si aucun remède n'est trouvé...

Au vu du titre de ce récit, on aurait pu s'attendre à un manga porté sur la littérature ou sur de mystérieuses enquêtes, mais ne vous y trompez pas: rien de tout cela ne vous attend ici. Tout comme dans Les héritiers des enfants, tacocasi se plaît surtout à proposer une tranche de vie un peu humoristique qu'elle saupoudre d'une bonne dose de fantastique en exploitant une part des croyances folkloriques japonais autour des divinités. C'est donc dans ce cadre et dans cette ambiance un peu surnaturelle que Komiya, désireux d'être utile à l'homme sur qui il a secrètement craqué, entreprend l'aider jusqu'à ce qu'il retrouve son corps d'adulte, en devant ainsi jongler entre cette aide et ses études où il a son mémoire à rendre. Concrètement, le côté étudiant passe malheureusement vite à la trappe alors qu'il aurait pu apporter plus de peps. En revanche, l'autrice soigne assez les choses dans ses petites notes d'humour (mention spéciale au décalage entre le comportement adulte de Yôzô et son apparence d'enfant, ainsi qu'aux élans mignons tout plein de Komiya, encore plus quand il est ivre ! ) et dans l'atmosphère fantastique assez bien entretenue par quelques irruptions de divinités qui auront un rôle assez important : Tsukimachi la déesse d'une montagne à proximité, Shiki le dieu des ruptures, Agana...

Au gré de quelques brèves péripéties comme un petit voyage étudiant, la mangaka entretient efficacement son fil conducteur, qui est en premier lieu la recherche d'un remède pour Yôzô... mais qui, petit à petit, se pare d'énigmes supplémentaires autour du propriétaire: tacocasi distille effectivement fort bien quelques moments énigmatiques laissant deviner que Yôzô cache encore un autre secret. Et dès lors que ce secret (et par la même occasion ceux de sa malchanceuse famille) se dévoilent, toute la suite de l'oeuvre prend encore un autre virage, un autre enjeu où, en plus de l'aide qu'il veut continuer d'apporter à Yôzô, Komiya va devoir s'interroger sur ses sentiments qui semblent a priori vraiment impossibles. On regrettera quand même que tout s'enchaîne un peu simplement dans toute la deuxième moitié du tome : en gros, toutes les ficelles se dénouent de manière plutôt facile tout compte fait, jusqu'à une conclusion qui a tout de même le mérite d'être un petit peu étonnante. Mais malgré tout, tacosasi régale assez par l'ambiance qu'elle arrive à conserver d'un bout à l'autre. Une ambiance qui doit également pas mal à son rendu narratif et visuel: en plus de proposer une histoire que l'on vit intégralement du point de vue de Komiya (ce qui permet de bien entretenir le parfum de mystère et ses petits tourments sentimentaux), l'autrice offre un rythme assez posé adéquat, des designs soignés malgré quelques visages plus grossiers, et plusieurs petits décors accentuant bien l'immersion (surtout autour de la librairies).

Si l'on pouvait éventuellement attendre un peu plus des différents enjeux de l'histoire puisqu'ici ils se résolvent facilement, La librairie des mystères n'y perd pour autant pas en charme et se révèle être une lecture tout à fait agréable, en plus d'être totalement soft (pour celles et ceux que l'érotisme rebuterait). Qui plus est, le tout est proposé dans une édition satisfaisante, avec une traduction convaincante de Laurie Asin (l'abondance de suffixes nippons aurait pu alourdir la lecture, mais cette fois-ci ça a du sens de les avoir conservés), un lettrage assez propre, une honnête qualité de papier et d'impression, la présence de quatre premières pages en couleurs, et une jolie jaquette restant très proche de l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs