Kyo-Ichi : Critiques

Kyo-Ichi

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 08 Octobre 2012

Décidément, Motorô Mase aime les histoire torturées, où ses personnages se font malmener et souffrent aussi bien psychologiquement que physiquement. Ainsi, après Heads chez Akata et le succès Ikigami chez Kazé Manga, c'est chez ce dernier éditeur que l'on peut désormais découvrir Kyo-Ichi, one-shot de 250 pages conçu au début des années 2000, soit bien avant les oeuvres les plus connues du mangaka.

Ce thriller horrifique à tendance surnaturelle se découpe en deux grandes parties reliées par un fil rouge que nous vous laissons découvrir.
Petit employé de bureau, Masuda mène une vie sans éclat, se laissant un peu trop aller, subissant les critiques de sa femme qui lui reproche sont statut qui n'évolue pas, et ayant bien du mal à dialoguer avec son fils Koji. Mais un soir où il suit un peu à contrecoeur ses collègues et son patron pour une petite beuverie, sa vie tourne au cauchemar, quand en voulant sauver un couple pris à parti par un voyou, lui et ses collègues tuent accidentellement ce dernier, jeune homme au physique atroce porteur d'une étrange marque.
Reprenant leur vie comme si de rien n'était, Masuda et ses collègues sont bientôt la cible de la vengeance des camarades de Kyo-Ichi, le voyou miraculeusement revenu à la vie et semblant diriger une secte sanguinaire. Certains de ses collègues disparaissent, d'autres sont retrouvés morts et atrocement mutilés, et Masuda comprend vite qu'il est la dernière cible...

Que l'on soit clair : ici, Motorô Mase ne fait pas semblant, et celles et ceux qui reprochaient à Ikigami une enveloppe trop gentillette trouveront ici un contenu beaucoup moins fin, car si les scènes trash sont peu nombreuses et très courtes, elles sont capables d'envoyer du lourd quand elles sont là. De même, la narration et le découpage ne cherchent pas à être fins, et on pourra même régulièrement leur reprocher de manquer de subtilité et d'être assez basiques. L'angoisse que l'on aurait pu ressentir en pâtit, au profit d'une certaine franchise pas déplaisante.
A vrai dire, l'angoisse, on ne la ressentira jamais totalement, car même les moments censés être les plus horrifiques manquent un peu de verve. On pense surtout aux apparitions de Kyo-Ichi, être au visage difforme surprenant lors de sa première apparition, puis qui tend à s'effacer peu à peu au profit de ses disciples tous aussi tarés les uns que les autres. En réalité, le personnage offrant son titre à l'oeuvre manque cruellement de présence et déçoit de plus en plus au fil de son évolution physique, Motorô Mase le rendant toujours plus difforme, si bien qu'au bout d'un moment il ne ressemble même plus à quoi que ce soit, n'inspire plus la moindre crainte et paraît plus ridicule qu'autre chose. Par moments, on se demande même si l'auteur ne galère pas tout simplement en le dessinant.
De manière générale, l'oeuvre est visuellement très inégale. En plus de Kyo-Ichi, c'est l'ensemble de la prestation graphique qui alterne les hauts et les bas. Certaines pages sont fortes, et à côté de ça, on ne peut que constater de très nombreuses erreurs de proportion déformant parfois beaucoup les personnages, si bien qu'on a parfois du mal à les reconnaître. Reste que par moments, on se demande si cela n'est pas parfois volontaire, tant ce style graphique inégal s'inscrit parfois bien dans l'ambiance de l'oeuvre, et s'inscrit dans le style de certains auteurs horrifiques reconnus.

Du côté de l'histoire, ce qui aurait pu être excellent ne possède finalement rien de très travaillé, puisque pendant toute la première partie, on se contente de suivre un père qui se transcende en cherchant à protéger sa famille face à la menace vengeresse des sbires de Kyo-Ichi, tandis que la deuxième partie peine à convaincre dans son histoire surnaturelle de téléphones portables expliquée succinctement en quelques phrases, et dans le sort assez ridicule qui attend Kyo-Ichi.
De manière générale, c'est bien l'aspect très basique de l'histoire qui déçoit. Finalement, les choses sont peu développées alors même que le one-shot est épais, on ne revient jamais sur la marque, on ne sait rien de Kyo-Ichi et de son immortalité, ce personnage éponyme reste finalement très creux, et cela a quelque chose frustrant. Ca participe toutefois à l'aura de mystère du personnage, mais celui-ci manquant de présence, l'impact voulu est finalement peu évident.

En somme, un one-shot fort inégal que ce Kyo-Ichi, foncièrement pas déplaisant à suivre car il y a du rythme, quelques petites pincées de trash et une certaine ambiance, mais manquant cruellement de fond et d'un personnage réellement charismatique, ce qu'aurait dû être un Kyo-Ichi finalement trop effacé. On reste un peu sur sa faim, mais on a néanmoins une oeuvre "de jeunesse" qui se suit bien et, dans ses non-dits et ses inégalités graphiques, semble s'inscrire dans une certaine tradition horrifique, que cela soit voulu ou non, et que cela plaise ou pas.

Quant aux 50-60 dernières pages de ce one-shot qui en compte un peu plus de 300, elles proposent de découvrir Limit, l'épisode pilote d'Ikigami, bien différent de ce qu'est devenue ensuite la série que l'on connaît : beaucoup plus trash, avec des personnalités plus extrêmes... Une petite curiosité à découvrir.

Côté édition, on reste satisfait par une traduction claire et prenante et une qualité d'impression correcte.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs