Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 20 Mars 2014
Dans la ville de Yûhikaoga, l'ambiance est plutôt morne. Depuis la fin de la guerre un an auparavant, cette ville militaire spécialisée dans la construction de robots n'a plus beaucoup de travail à se mettre sous la dent, si bien que les puissantes industries Yûhi ne passent plus de commandes auprès des usines de sous-traitance de la ville. En dehors des industries Yûhi qui restent riches, les différentes usines de la ville connaissent donc un fort appauvrissement, et le lycée connaît alors depuis peu une division en deux camps : les enfants des employés de Yûhi, et ceux des usines de petits artisans en robotique.
Fille d'un artisan qui fut autrefois un génie de la construction de robots, la lycéenne Yoriko se fiche bien de cette guéguerre qui anime son lycée. Face à un père tombé dans l'alcool depuis la disparition de son épouse et la perte de son travail stable, elle ne souhaite qu'une chose : redonner du travail aux artisans de la ville, dont son paternel, afin de le réveiller de sa torpeur ! Et ça tombe bien, puisqu'avec les anciens collègues de son père, Yoriko met bientôt au point une tactique dans ce but...
Tel est le cadre où prend place Kurogane Girl & the Alpaca Prince, shôjo en deux volumes qui, on s'en doute déjà, n'a pas fin de nous étonner de par son univers multifacettes, avec en premier lieu ce cadre, assez atypique pour un shôjo, où une guerre vient de se terminer et où il est constamment question de robots géants.
Dans cet univers de base, Yoriko fait figure d'héroïne assez particulière, se fichant de la guéguerre puérile que les lycéens se mènent, au point d'ignorer les excès de jalousie prétentieuse de certaines filles de Yûhi quand elle se retrouve soudainement approchée par Mine, un fils de Yûhi, et le plus populaire et plus étrange garçon de l'établissement, qui est surtout un je m'en foutiste que notre héroïne a croisé devant le zoo en faillite alors qu'il recueillait un... alpaga abandonné. Wow. Ca va, vous suivez toujours ?
Parallèlement à sa quête de travail via des sorties en robot géant, Yoriko doit donc apprendre à gérer une situation qui dégénère de plus en plus avec le dénommé Mine, qui, toujours accompagné de son alpaga, fait passer notre héroïne pour sa petite amie en pensant l'aider, alors qu'il ne fait que la mettre encore plus dans la mouise vis-à-vis de certaines camarades de classe. Le jeune garçon, fils de riche un peu à la ramasse, enchaîne les petites bourdes qui ont de quoi agacer Yoriko, mais celle-ci est vite amenée à découvrir un peu plus ce garçon bizarre avec lequel elle n'a normalement aucune affinité...
Dans tout ça, il ne faut pas sous-estimer la mascotte de la série : un alpaga pour le moins bizarre, très collant, au physique invraisemblable, tirant à chacune de ses apparitions des bouilles hilarantes impossibles tels des grands sourires ou des crises de colère... et faisant visiblement tout son possible pour rapprocher Yoriko et Mine, en enchaînant les bourdes et en déclenchant des situations très embêtantes... Loin de n'être qu'une mascotte rigolote, cette bestiole semble avoir un rôle bien précis à jouer.
Voila pour l'univers, qui part un peu dans plusieurs voies en ne manquant pas de laisser le lecteur circonspect face à tant de bizarreries. L'auteure s'offre un récit où se mêlent, en vrac, romance lycéenne, monde d'après-guerre moribond, conflits sociaux, mechas, drame familial et comédie animalière. Un cocktail très riche... trop riche pour une série en seulement deux tomes, peut-être, car malgré ses idées, Kokoro Natsume se montre peu à l'aise pour bien planter tous ses éléments. L'univers de base a du mal à se mettre en place clairement dans un premier temps, jusqu'à ce que certaines explications vaguement plus précises arrivent sans pour autant permettre ensuite un approfondissement. Les thèmes de l'après-guerre ou de la situation familiale triste de Yoriko sont survolés. La présence de mechas, au coeur de la série, est entachée par la pauvreté visuelle de ceux-ci (on dirait plus des jouets que des mechas) et par la confusion totale des très courtes scènes de combat. Quant à Mine, son background peine beaucoup à s'installer avant les toutes dernières pages. Reste surtout cet alpaga aussi bizarre que délirant, qui risque fort de provoquer quelques fous rires.
Kurogane Girl & the alpaca prince se présente comme une courte série très étrange, mélangeant beaucoup de genres et d'idées pour un résultat assez bancal. Il y a un univers qui ne demande qu'à être plus étoffé, à être mieux exploité, mais l'auteure a un certain mal à bien tout poser et à exploiter toutes ses idées. Avec un peu de tolérance, ce premier tome reste clairement intrigant et plutôt sympathique à suivre, mais il faut désormais espérer, comme le laisse penser la fin du tome 1, que le deuxième et déjà dernier tome apporte plus de consistance à un mélange de genres pour l'instant assez branque.