Kujô l’implacable Vol.1 - Actualité manga
Kujô l’implacable Vol.1 - Manga

Kujô l’implacable Vol.1 : Critiques

Kujô no Taizai

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 30 Janvier 2023

Bien qu'il finissait par régulièrement tourner en rond à force de ré-exploiter les mêmes idées et d'effectuer des rallonges (on pourrait facilement amputer l'oeuvre de 10-15 tomes), le manga Ushijima - L'usurier de l'ombre a assurément su marquer les esprits d'une bonne partie du lectorat lui ayant laissé sa chance, en faisant largement connaître son auteur Shôhei Manabe qui est alors devenu une valeur sûre du magazine Big Comic Spirits des éditions Shôgakukan. Pendant 15 années, entre 2004 et 2019, Manabe a pris soin d'offrir un manga très documenté sur la face cachée du Japon et surtout de Tôkyô, dans une violence sans la moindre concession, et dans un style graphique photoréaliste et urbain particulièrement immersif. Publiée dans notre pays par les éditions Kana dès 2007 et jusque 2020, cette oeuvre au long cours (46 volumes, quand même) n'a malheureusement connu qu'une réputation de niche pendant sa parution dans notre langue, sans doute en partie à cause de sa longueur et parce que, en 2007, le public n'était pas forcément encore assez mûr pour ce type de manga. Les éditions Kana ont toutefois tâché de publier cette série "coup de coeur" jusqu'au bout à un rythme régulier... Et pour notre plus grand plaisir, elles ne lâchent pas Manabe, en lançant en France, en ce début d'année 2023, sa nouvelle série Kujo no Taizai (littéralement "Les péchés capitaux de Kujo"), sous le titre Kujô l'implacable. En cours au Japon depuis 2020 dans le Big Comic Spirits, l'oeuvre est suffisamment mise en avant par l'éditeur pour son lancement français, tout comme son auteur. En effet, pour l'achat du 1er tome un ex-libris double face aux couleurs de Kujô et d'Ushijima est offert. Et ce n'est pas tout: depuis le 13 janvier, l'éditeur offre en magasin (pas en ligne), dans la limite du stock disponible, le premier volume d'Ushijima accompagné du chapitre 1 de Kujô, ce qui eut être une excellente occasion de découvrir enfin la série pour un nouveau public.

Maintenant que les présentations sont faites, place à Taiza Kujô, avocat de son état. Entre ses allergies et la majeure partie de sa paie qu'il verse à sa femme divorcée et à sa fille, l'homme n'en est pas moins un redoutable as du barreau... redoutable, oui, mais atypique car il ne s'intéresse qu'aux affaires compliquées, où il s'agit souvent pour lui de défendre ce qui est a priori indéfendable, à savoir les criminels, de la simple petite frappe jusqu'au dangereux membre de la pègre. Et dans la jungle urbaine de Tôkyô, il ne fait aucun doute que le travail ne manque pas pour lui... Pourquoi a-t-il suivi cette voie ? C'est une bonne question, d'autant plus que du coup il est très mal vu par une partie de la profession. Mais une chose est sûre: quel que soit le profil de son client, seul compte pour lui sa défense, sans qu'il montre d'idéologie.

Deux premières affaires, l'une courte en introduction et l'autre déjà plus longue, occupent ce premier volume, en permettant notamment de mettre en place de premiers personnages secondaires qui pourront sûrement devenir récurrent: l'avocat Shinji Karasuma qui est employé par Kujô et qui a pourtant un profil très différent à la base, la présidente d'ONG d'assistanat social Hitomi Yakushimae qui a de valeurs opposées à celles de notre anti-héros, le commissaire de police Yoshinobu Arashiyama, sans oublier l'inquiétant Mibu, certains ne faisant qu'apparaître tandis que d'autres s'installent déjà de façon prometteuse. Mais évidemment, c'est bien la figure de Kujô qui capte le plus l'attention : après l'usurier Ushijima, Manabe nous propose, une nouvelle fois, un anti-héros complet, capable d'exploiter la moindre faille de la société, la moindre faiblesse ou basses humaine, pour parvenir à ses fins. A ceci près que là où Ushijima cherchait à s'enrichir dans ses activités d'usurier, Kujô est sur une autre ligne: celle où il défend des cas critiques, mais en privilégiant le droit de tout humain à la défense (c'est la loi) face à la morale (et il estime que de la morale, de l'éthique, voire de l'idéologie, il n'a pas à en avoir dans son métier). Dans tous les cas, on retrouve forcément le talent de Manabe pour croquer des personnages qui peuvent choquer, qui peuvent paraître révoltants, et c'est d'autant plus le cas avec Kujô dont les méthodes pourront parfois apparaître très limites. Et pourtant, il n'enfreint aucune règle : il se contente de jouer sur les lois pour parvenir à ses fins et pour mettre en place la meilleure ligne de conduite pour défendre ses clients. Ce type de personnage a un intérêt évident pour un auteur comme Manabe: cela lui permet de mettre de plus belle le doigt sur un paquet de choses critiques de la société qui l'entoure, en premier lieu ici les éléments flous de la justice japonaise, mais pas que: tout comme dans Ushijima, l'auteur a déjà l'occasion ici d'explorer divers aspects de la misère japonaise et des bas-fonds tokyoïte, allant du trafic de drogue au comportement parfois limite de la police, en passant par la façon dont les êtres les plus faibles (les personnes amoindries mentalement, celles qui connaissent mal leurs droits...) peuvent être bafoués.

Le ton typique de Manabe est donc bien là, pour notre plus grand plaisir, mais c'est aussi sa patte visuelle bien reconnaissable que l'on retrouve: le dessinateur nous à nouveau des décors urbains (intérieurs comme extérieurs) photoréalistes aussi riches que léchés, et d'autant plus immersifs qu'on a droit à des angles de vue très variés afin de nous faire ressentir chaque recoin de cette jungle urbaine où il se déroule tant de choses. En apnée dans la ville, on suit sans décrocher ces premières affaires qui donnent très bien le ton.

Enfin, un mot sur l'édition française, qui est globalement très satisfaisante, en premier lieu pour la traduction de Thibaud Desbief assez pointue et toujours claire. Le papier, souple, fin mais peu transparent, permet une honnête qualité d'impression. Le lettrage est lui aussi soigné, tandis qu'à l'extérieur la jaquette s'offre un logo-titre convaincant tout en restant proche de l'originale japonaise côté illustration.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs