Kotori - Le chant du moineau : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 16 Septembre 2013

Cette jeune auteure nous ayant déjà conquis via l'écriture fine et poétique de la Princesse au bol enchanté, saluons le retour aux éditions nobi! nobi! de Samantha Bailly, écrivaine pleine de promesses, également à l''origine de plusieurs romans de fantasy et contemporains dont le récompensé Oraisons. Pour ces retrouvailles, elle est associée à une nouvelle venue dans le catalogue de nobi! nobi! : Shigatsuya, illustratrice jouissant déjà de plusieurs expériences à seulement 30 ans, mais qui signe ici son tout premier album pour enfants.

Comme beaucoup d'albums de la collection Soleil Flottant de l'éditeur, Kotori revisite un célèbre conte traditionnel japonais : "Shitakiri Suzume" ("le Moineau à la langue coupée"), conte cruel retravaillé au 19ème siècle afin de pouvoir toucher les enfants. Dans la version de nobi! nobi!, on y découvre Yûjirô, un vieillard infiniment bon, aussi bienveillant envers son prochain que son épouse est aigrie, acariâtre et cruelle. Aussi, quand il trouve en pleine forêt un moineau blessé, il le ramène chez lui et le soigne patiemment, au point de créer un lien fort avec l'oiseau une fois celui-ci guéri... et d'attiser la jalousie de sa femme, délaissée. Celle-ci pourrait bien commettre l'irréparable quand son mari aura le dos tourné... Mais au bout des épreuves, pourrait-il y avoir une forme de rédemption pour la vieille femme ?

Dans Kotori, les choses reposent essentiellement sur la dualité entre Yûjirô et son épouse, dualité poussée à l'extrême pour toucher aisément les enfants. L'un est bon, bienveillant, généreux, fait passer la santé de son ami avant sa propre santé (voir les passages avec les seaux, petites épreuves bien trouvées). L'autre est cruelle, aigrie, jalouse, très cupide, et égoïste. Tous deux seront amenés à parcourir le même chemin, pour des raisons différentes, et avec à la clé un résultat bien différent... Qui ouvrira néanmoins les yeux à la vieille dame, histoire de finir le conte sur l'habituelle note positive. Et au bout du chemin, c'est donc évidemment une victoire de l'amitié et de la générosité, les richesses de l'âme, sur l'égoïsme et la soif de richesses.

Si l'histoire pousse la dualité de ses deux héros jusqu'à la caricature (le vieillard très très gentil, son épouse très très méchante), il faut saluer le travail d'écriture de Samantha Bailly, subtil, qui nuance avec délicatesse ces deux caractères pour les incorporer au récit sans qu'ils apparaissent trop exagérés, et qui amène le plus naturellement du monde la touche de fantastique liée à l'identité de Kotori. Les choses s'écoulent réellement avec une finesse appréciable.
De même, difficile de ne pas rester conquis par les illustrations de Shigatsuya, tout aussi délicates, capables de passer d'images très colorées à des choses plus sombres, voire cruelles, tout en sachant diluer les plus cruels passages de manière à marquer les enfants sans les choquer. Les couleurs bénéficient de nombreuses nuances, les jeux d'ombre et de lumière sont nombreux et aboutis. L'ancrage du récit dans la campagne japonaise permet de superbes images sur la forêt et la montagne, nous rappelant la proximité que le peuple nippon a toujours eue avec la nature, tandis que les deux maisons de l'histoire, qu'il s'agisse de celle assez modeste de Yûjirô ou du petit palais, renvoient de très belle manière à un Japon plus ancien et traditionnel. De même, les incursions fantastiques sont superbement croquées, il suffit de voir le physique de Kotori pour s'en convaincre.

Enfin, si l'histoire, avec ses deux caractères opposés et son opposition de valeurs bonnes/mauvaises, est classique, elle permet également, en l'approfondissant, de mettre en avant d'autres interrogations subtiles. En prenant soin de ne pas révéler les rebondissements de l'histoire, on peut se demander si Yûjirô, délaissant totalement son épouse pour l'oiseau, n'est pas un peu en tort, lui aussi. De même, l'acte que commet Kotori et déclenchant l'agressivité de l'épouse est aussi une faute, puisqu'il s'agit d'une sorte de vol. Voici donc d'autres points qui, s'ils sont soulignés par les parents à leurs enfants, peuvent apporter encore d'autres richesse à l'album.

Au final, c'est un nouveau pari réussi pour les éditions nobi! nobi!, qui nous proposent de retrouver une écrivaine de talent et de découvrir une nouvelle illustratrices très prometteuses, le tout via un conte hautement recommandable. Côté édition, c'est à nouveau parfait, notamment du côté des bonus qui nous offrent une petit biographie des deux auteures, un retour sur l'histoire du conte original Shitakiri Suzume, des notes utiles sur des termes importants comme les yokai, et une petite galerie sur la conception des personnages et des décors.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs