Kisshô Tennyo Vol.2 - Actualité manga

Kisshô Tennyo Vol.2 : Critiques

Kisshō Tennyo

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 29 Octobre 2025

Tour à tour, le professeur Nezu et Ôsawa sont décédés dans des circonstances floues, et dans chacun des deux cas la belle et charismatique Sayoko Kanô a été impliquée indirectement, en premier lieu en tant que victime de leurs fantasmes... puis, peut-être, en tant que bourreau ? C'est ce qu'Akira Tôno pense avoir compris, sans pour autant se dégonfler dans son ardente ambition de faire sienne cette fille à la beauté irréelle, de la mettre dans son lit et de l'épouser comme le veulent son père et Ukiko, pour que la fortune des Kanô rejoigne celle des Tôno. Ryô, le cousin et faire-valoir d'Akira, a de son côté choisi la voie de la méfiance envers cette beauté fatale, si sublime qu'elle ne semble pas humaine: il souhaite désormais avoir le moins de contact possible avec elle... mais pourra-t-il lui échapper éternellement ? Le fait est qu'entre les ambitions des Tôno et les agissements ambigus de Sayoko, le fragile équilibre entre Ryô et Akira, ces deux cousins que tout oppose, menace à tout moment d'être rompu... et de tout emporter sur son passage.

Après un excellent premier pavé au fil duquel Akimi Yoshida brillait dans sa manière de faire aller son histoire dans quelque chose de toujours plus dur et sombre, la deuxième moitié de l'oeuvre ne fait qu'aller de plus en plus loin dans cette noirceur de ton, ne serait-ce que parce que le parfum de mort y est encore plus présent, que personne ne pourra ressortir indemne de la tragédie qui se joue, et que, au coeur de tout ceci, Sayoko exerce constamment une emprise ambigüe, en semblant tour à tour victime et bourreau, que ce soit directement ou, le plus souvent, indirectement. Sur ce dernier plan, la mangaka joue brillamment son coup en jonglant entre les visions qu'elle offre de son héroïne, jusqu'à régulièrement faire douter son entourage (et le lectorat par la même occasion) sur sa véritable nature: est-elle simplement une humaine si belle et fascinante qu'elle en paraît irréelle, ou l'une de ces nymphes célestes pouvant être aussi bien porteuses de bonheur que de malheur selon les légendes et croyances ? Cette incertitude, Yoshida l'appuie encore dans certaines séquences semblant presque surnaturelles, sans forcément l'être réellement: l'autrice garde volontairement un flou là-dessus, en rendant sa lecture d'autant plus fascinante.

Et pourtant, au fil des nombreux événements dramatiques de ces 360 et quelques pages, événements sur lesquels nous n'en dirons pas plus afin de ne pas spoiler, les messages principaux transmis par la mangaka font avant tout de Sayoko le symbole féministe d'une société à la dérive sur de nombreux plans, tant on comprend de plus en plus que ce sont sans doute les hommes qui ont fait d'elle ce qu'elle est. Entre l'enfance malaisante à souhait de celle-ci, et le présent où nombre de personnes cherchent à la manipuler pour diverses raisons (appât du gain des Tôno voulant la fortune des Kanô, désirs masculins d'assouvir leurs fantasmes sur elle... voire les deux dans le cas d'Akira), Akimi Yoshida tire à boulet rouge sur la condition des femmes face aux hommes, via le regard lubrique et malsain que la plupart de ceux-ci peuvent poser sur Sayoko, voire aussi à travers ces instants où ils ont l'audace de passer à l'acte... à leurs risques et périls puisque, assurément, notre héroïne sait se jouer de leur avidité et de leur bêtise pour les piéger, ou pour les pousser d'eux-même vers leur chute.

Bref, la fascination que suscite Sayoko, figure quelque part digne d'une certaine Tomie de Junji Ito, sert à merveille, dans toute son ambiguïté, les messages assez crus et fort de la mangaka, chose d'autant plus impressionnante quand on a conscience que la série fut l'une des premières de l'autrice et que, plus de quarante ans après avoir été conçue, elle a toujours quelque chose de très actuel. Un sentiment qui se renforce encore à travers la façon dont certains personnages voient Sayoko: on pense notamment à Yuiko dont l'admiration pour notre héroïne et la peur des hommes trouve aussi des raisons fortes, à Takashi qui fait un portrait de Sayoko très symbolique, et bien sûr à un Ryô qui, jusqu'au bout, reste le parfait exemple d'un garçon qui, au contact de cette fille, aura laissé apparaître nombre de facettes différentes, loin de l'image de dragueur bad boy des débuts, allant de la bonté et à l'effroi, de la force à la faiblesse.

Au bout de sa conclusion quelque part assez crépusculaire, Kisshô Tennyô laisse alors une empreinte marquante dans notre esprit, et confirme une fois de plus, s'il le fallait encore, toute la virtuosité dont est capable Akimi Yoshida depuis les débuts de sa carrière, que ce soit dans les thèmes abordés, dans sa subtilité d'écriture, dans la psychologie complexe de ses personnages, ou dans les multiples ambiguïtés et autres nuances apportées par son style unique.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17.5 20
Note de la rédaction