Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 06 Avril 2012
Impossible à cerner par les uns, écarté par les autres, le petit Ki-itchi retrouve sans émotion ses grands-parents, qui, après quelques petites disputes sur qui aura la garde de l'enfant, trouvent plus ou moins un terrain d'entente. Enrichi des nombreux traumatismes qu'il a pu croiser, notre petit héros va pouvoir commencer réellement sa scolarité.
La couverture de ce cinquième volume arbore un Ki-itchi nouveau, plus grand, avec une coupe de cheveux différente, un visage plus fin. Mais le regard, li, reste le même, et le t-shirt "No !!" qu'il arbore ne ment pas. Ce "No !!", c'est la négation du monde. Si quelques années passent, il n'est toujours pas question pour Ki-Itchi de se laisser apprivoiser par ce monde dont il a déjà pu expérimenter tant d'horreurs.
Après un premier chapitre bouclant la prime jeunesse de Ki-itchi, on retrouve donc un enfant de dix ans toujours mû par la même personnalité, mais qui nous apparaît toutefois moins percutant qu'avant, ne serait-ce que parce que désormais, il parle, mais uniquement quand il a quelque chose à dire. Son aura disparaît un peu, mais finalement, pas pour longtemps. Car, dans le fond, rien n'a changé. Ki-itchi a développé une personnalité forte, rejetant en bloc les relations humaines, et sa présentation face à ses nouveaux camarades de classe ne laissera personne indifférent : qu'on ne lui adresse pas la parole, puisque lui-même ne l'adressera à personne.
Pourtant, dans sa nouvelle classe, Ki-itchi va attirer la curiosité d'un autre enfant : Kai, brillant élève et leader de la classe. Une personnalité forte, dotée d'une perspicacité à toute épreuve, d'une rare intelligence, qui surclasse aisément tout le monde, à l'image de Ki-itchi. Mais contrairement à Ki-itchi, le petit Kai se sert volontiers de ses capacités pour se rapprocher des autres ou, plutôt, pour les utiliser.
Dans un volume au départ beaucoup plus calme que les précédents, si bien que l'on pourrait y trouver quelques longueurs, Hideki Arai prend le temps d'installer la relation entre Ki-itchi et Kai. Ki-itchi s'en fiche, mais Kai, lui, est plus qu'intrigué par cette personnalité forte, que tout le monde craint et admire à la fois, tout simplement parce qu'elle est franche et spontanée. Et le déclic arrivera justement quand cette spontanéité refera parler d'elle en fin de tome : en voyant Misato, une jeune fille de sa classe, martyrisée par d'autres camarades à cause de sa personnalité différente, Ki-itchi pètera un câble et cognera tout le monde, élèves et professeur.
Ki-itchi n'aime pas Misato, car il n'aime pas les faibles. Mais, plus encore il déteste ceux qui profitent de cette faiblesse, et ceux qui font semblant de ne rien voir. Tous dans le même panier. Fidèle à sa personnalité et à son caractère, Ki-itchi se fait justicier naturel, sans chercher un quelconque mérite, puisque ce serait plutôt le contraire qui, aux yeux de tous, s'appliquerait. Aux yeux de tous, sauf de Kai, qui nourrit déjà de grands projets aux côtés de notre héros.
Ouvrant une deuxième grande partie dans la série, ce deuxième tome commence donc doucement, avant d'aller crescendo et de nous proposer quelques scènes d'anthologie (le pétage de câble de Ki-itchi en tête) dégageant à nouveau leur lot de critiques acerbes de la société. Et si celles de l'ijime et du rejet de la différence sont évidentes, c'est, en filigranes, celle de la notion de groupe tel que beaucoup l'entendent qui attire toute l'attention. Au sein de celui-ci, toute personnalité forte tend à se fondre, comme le montrera Kai, leader de la classe mais ignorant le sort de la martyre Misato. Et toute personnalité réellement trop marginale se voit écartée ou prise à parti, Misato en fera les frais. Et si être à plusieurs nous rendait plus lâches ?
Face à cela, Ki-itchi constitue l'exemple à suivre selon l'auteur. Si sa façon d'agir peut être critiquée, elle est pourtant la plus percutante, la plus vraie, peut-être même la seule à pouvoir avoir un réel effet, si bien que l'on pourrait se remettre aisément en question en voyant ça. Et quoi qu'il en soit, le fond, lui, est bel et bien là : plutôt que de se fondre dans la masse, Ki-itchi assume sa personnalité sans montrer les faiblesses d'une Misato ou d'un Kai. Ce héros, plus grand qu'avant mais qui n'est encore âgé que de dix ans, continue de nous en mettre plein la figure, nous renvoyant dans la face quelques-uns de nos pires défauts, y compris ceux dont on n'a pas forcément conscience.