Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 12 Juin 2023
"On ne peut pas goûter au bonheur sans avoir connu le malheur."
Prononcée par Kawashina dans ce deuxième volume, cette phrase pourrait visiblement s'appliquer à Mahiro: en utilisant le pouvoir de chance de Kiwa pour punir son odieux chef, la jeune femme a subi en contrepartie un violent accident de voiture l'ayant envoyée à l'hôpital. Tandis qu'elle se remet de ses blessures et reçoit des visites régulières de Kiwa, notre héros, lui, a les résultats de son affection au travail: le voici envoyé au service éditorial d'un magazine de manga où, d'emblée, on lui demande de s'occuper de Haruki Tomita. Si ce mangaka a eu ses heures de gloire autrefois en ayant été un grand nom, voici des années qu'il n'a plus de succès et qu'il se laisse aller au point d'avoir mis en pause ses activités, ce qui en a désormais fait un boulet aux yeux du service éditorial. Mais en fréquentant jour après jour cet homme, Kiwa finit par entendre de sa bouche une étrange confession, comme quoi une déesse aux cheveux noirs lui aurait autrefois apporté la chance pour rencontrer le succès après lequel il courait...
Après le climax inquiétant de la fin du tome 1 qui se voit finalement vite levé, le scénariste Michihaku Kusunoki empreinte une voie différente en allant mettre Kiwa au contact de Tomita, ce mangaka passé de mode qui lui fait une bien étonnante confession sur une soi-disant déesse. A la fois pour enquêter sur cette divinité qui est peut-être similaire à la sienne, et pour tenter de sortir Tomita de sa torpeur, le jeune homme et Mahiro entreprennent alors, au fil de ce volume, de retrouver la trace de cette fameuse déesse, pour un résultat oscillant entre le très intéressant et le prévisible. Ainsi, au vu des indices régulièrement disséminés au fil des pages sans subtilité particulière, on comprend très vite que la fameuse déesse recherchée a un lien étroit avec un autre personnage de la série, si bien que les recherches en deviennent un peu longuettes et que le rebondissement des toutes dernières pages, en plus d'être facile, n''est pas du tout surprenant. En revanche, le cas de Tomita pique bien la curiosité en soulevant de nouvelles réflexions chez Kiwa et Mahiro. Cette déesse en est-elle vraiment une ? Si ce n'est pas le cas, Tomita pourrait-il bel et bien avoir rencontré le succès autrefois simplement grâce à son talent, ou y a-t-il encore autre chose ? Et quel contrecoup peut-il y avoir après connu la déesse de la chance ?
A ces interrogations suffisamment stimulantes, il faut ajouter la petite incursion dans un monde du travail pas toujours idéal, entre les difficultés d'intégration rencontrées par Kawashina au service marketing (elle garde ses distances et est refermée sur elle-même, si bien qu'on la pense peu motivée), la façon dont on se sert du petit nouveau Kiwa pour gérer un auteur dont on n'attend plus rien, la part d'hypocrisie des éditeurs vis-à-vis de Tomita dont ils n'attendent plus rien, les sacrifices faits pour la réussite sociale... Certaines réalités du travail sont ainsi évoquées en filigranes, en permettant un bref portrait assez nuancé à la fois de ce milieu et de ses acteurs, en tête Tomita lui-même qui semble loin d'être tout blanc.
Malgré certaines facilités et des avancées prévisibles, Joker of Destiny nous interpelle toujours grâce à certains sujets de réflexion, mais aussi grâce au trait si plaisant de Mizu Sahara (et cela, même si l'on sent qu'elle s'adapte à un scénario qui n'est pas d'elle). On lira donc avec un certain intérêt le troisième et ultime opus de cette courte série.