Là-bas et plus loin - Manga

Là-bas et plus loin : Critiques

Soko to Kashiko

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 29 Novembre 2024

Bien que discrètes, les éditions Atelier Akatombo ont souvent un don pour proposer en France des mangas intéressants voire très importants (on pense notamment à la nouvelle édition de Helter Skelter, sortie l'année dernière), pour remettre en avant des auteurs trop rares (Naoki Yamamoto en tête), ou pour nous faire découvrir de véritables petites curiosités pleines de charme. Là-bas et plus loin, leur nouveauté de cette fin novembre, fait partie de cette dernière catégorie.


Sorti au Japon en octobre 2022 aux éditions Kôbunsha sous le titre "Soko to Kashiko" (dont le titre français est une traduction plutôt proche), ce recueil est le tout premier manga de Yuka Osada, une artiste qui est diplômée en arts graphiques de l'école polytechnique de Tokyo, qui exerce aussi ses talents d'illustratrice pour la littérature, la littérature jeunesse, des revues littéraires et le web, et qui tient régulièrement des expositions collectives ou individuelles depuis 2014. Riche d'un peu plus de 100 pages, ce recueil regroupe 12 histoires très courtes (6 pages chacune à l'exception de la dernière qui en compte 13), qui sont entièrement en couleurs et totalement muettes, et dont 10 furent initialement prépubliées sur le site Comic Nettai tandis que les deux autres sont des exclusivités.


Le principe de chaque histoire est simple: il s'agit, pour l'autrice, de mettre en images des petits instants de vie doux et anodins, oscillant à la frontière de la rêverie, de l'imaginaire ou du fantastique, le tout à travers des personnages créateurs (mangakas, artistes...) ou alors jeunes voire très jeunes puisqu'il s'agit le plus souvent d'enfants: deux fillettes prenant vie sur la planche où elles sont dessinées, deux enfants s'amusant sous la pluie, une femme tombant sur une maison penchée en se promenant, un petit garçon imaginant des enfants qui bondissent sur son encre lors d'un cours de calligraphie, un gosse recevant un fruit de la part de l'esprit d'un kaki, une jeune fille surprise par le vent à la balançoire, une femme prenant un café en terrasse dans un monde où tout a l'allure de croquis, un beau moment de confection d'un gros lapin de neige, le temps qui passe pour deux adolescentes à l'arrêt de bus, un gamin jouant avec son ombre, deux petits êtres s'aventurant sur la couette d'un enfant qui dort et, enfin, le retour des deux fillettes de la première histoire et qui se retrouvent menacée par une tâche de café.


Le recueil étant muet, tout le pari de l'autrice est donc de parvenir à nous faire ressentir la beauté de ces petits instants éphémères par la simple force de son travail visuel, et elle y parvient parfaitement: non seulement sa narration visuelle nous permet de comprendre très facilement tout ce qui se passe sans qu'il y ait besoin de texte, mais en plus son trait assez rond et naïf ainsi que ses colorisations nuancées et jamais agressives font ressortir beaucoup de douceur, histoire de vraiment sublimer chaque moment anodin afin de le rendre précieux. Et ce qu'il y a de précieux ici, c'est sans doute à la fois la jeunesse et/où la créativité des personnages enfants ou artistes, la façon dont ils peuvent mettre en lumière des choses si simples et si réconfortantes (avoir sa mère veillant sur soi à l'heure de se coucher, récupérer un fruit...), et ce que ces personnages nous disent constamment sur la beauté, l'importance et les vertus de l'imagination enfantine comme adulte) et de la création artistique. Sur ce dernier point, Yuka osada s'appuie même, très souvent, sur beaucoup d'inventivité de graphismes et de découpages, en faisant jouer ses personnages avec les cases, ou en jouant elle-même sur les styles de dessin.


Tout est question d'ambiance dans cette oeuvre à la beauté saisissante: celle-ci étant muette et courte, elle pourrait se parcourir extrêmement vite si on ne se laissait pas happer en douceur par tout ce que l'artiste parvient à évoquer avec une économie totale de mots. Il s'agit d'un vrai petit ravissement, qui est en plus servi dans une édition convaincante: si l'on excepte un doublon des quatre dernières pages de la deuxième histoire (heureusement, aucune page ne manque à la place) et l'absence de précisions claires sur l'imprimeur (on sait juste que le livre a été imprimé dans l'Union Européenne), on a droit à un grand format avec rabats qui est assez idéal pour bien profiter du travail visuel de l'autrice, à un papier à la fois souple, assez épais et bien opaque, à une très bonne qualité d'impression, et à une couverture soigneusement adaptée de l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs