Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 03 Février 2022
Chronique 2 :
Editeur lancé en 2010 tout d'abord avec des albums jeunesse asiatique avant de se lancer toujours plus dans le manga, et qui a connu un nouveau virage il y a quelques années en étant racheté par Pika Edition afin d'en devenir le label jeunesse (tout en conservant une certaine indépendance dans le choix des oeuvres publiées), nobi nobi! est devenu, en un petit peu plus d'une décennie, l'un des principaux acteurs dans le domaine des mangas dédiés au jeune public. Mais en ce début d'année 2022, l'éditeur a décidé de franchir un nouveau cap, quelque part assez logique car répondant à une évolution naturelle de son lectoart, en créant une nouvelle collection nommée Genki. S'accompagnant d'un nouveau logo-titre modernisé, cette collection non genrée devrait permettre à nobi nobi! d'accompagner dans l'adolescence son premier lectorat qui a désormais grandi, en proposant des mangas pouvant être lus à partir de (plus ou moins) 14 ans. Avec cette collection, l'éditeur affirme également vouloir s’affranchir de la classification des magazines japonais tout en conservant l’ADN du catalogue nobi nobi!, c'est-à-dire une ligne éditoriale faite de titres bienveillants, émouvants et divertissants avec une exigence de contenu sans caractère érotique ni violence excessive. Les thématiques et les personnages des séries Genki seront, selon l'éditeur, en phase avec les thèmes qui intéressent les jeunes adultes d’aujourd’hui, et aborderont un large éventail de sujets allant de la vie quotidienne à la fantasy en passant par le suspense, le sport ou encore la découverte d’autres cultures. Et pour inaugurer cette collection, quoi de mieux, donc, que l'une des tranches de vie adolescentes les plus pétillantes et les plus populaires de ces derniers temps ?
C'est bien ce que nous propose nobi nobi! avec le lancement, en janvier dernier, de Horimiya, un nom qui dira forcément quelque chose à tout fan d'animation japonaise, puisque l'oeuvre a connu, entre janvier et avril 2021 une adaptation animée de 13 épisodes qui fut diffusée en France sur la plateforme Wakanim, et qui a joui d'une très forte notoriété. On peut aussi noter que Horimiya s'est décliné en drama de 8 épisodes en février-mars de l'année dernière, mais que ce drama est inédit en France.
Mais avant la popularité internationale permise par l'anime qui en a fait l'un des mangas les plus réclamés en France sur les réseaux sociaux ces derniers mois, il faut remonter plus loin pour découvrir les origines de Horimiya puisque, à la base, l'oeuvre était un webcomic de type yonkoma (ou 4-koma, type de bande dessinée typiquement nippon se constituant de strips en 4 cases à lire à la verticale) écrit et dessiné à titre amateur par une certaine HERO en 2007-2008 sous le nom Hori-san to Miyamura-kun. Rencontrant un joli succès à son échelle, cette oeuvre tape dans l'oeil de l'éditeur Square Enix, qui décide alors, en collaboration avec HERO, de lui offrir un reboot sous la forme d'une série professionnelle dont le dessin est confié à Daisuke Hagiwara, un mangaka alors en tout début de carrière et ayant, depuis, participé à divers autres projets. C'est ainsi que la nouvelle version de Horimiya, celle que l'on connaît et qui est publiée par nobi nobi!, voit le jour à partir de 2011 dans le magazine GFantasy (magazine déjà connu dans notre pays pour plusieurs autres séries dont Toilet-bon Hanako-kun, Black Butler ou encore Nabari), pour s'achever dix ans plus tard, en 2021, avec son 16e volume.
Cette longue présentation passée, laissons-nous à présent plonger dans le petit univers de deux adolescents qui, à première vue, sont on ne peut plus classiques du genre. D'un côté, on a Izumi Miyamura, un lycéen tout ce qu'il y a d'impopulaire: avec sa touffe de cheveux et ses lunettes cachant son visage, son côté renfermé et son manque d'interactions avec les autres, il passe pour l'otaku sinistre de service, si bien que personne ne cherche vraiment à l'approcher. Autant dire qu'il semble à des années-lumière de sa camarade de classe Kyôko Hori: jolie, prenant soin de son allure en restant à la mode, tête de classe, elle est clairement la fille la plus populaire de la classe, voire du lycée. Mais entre les apparences et la réalité, il peut y avoir un sacré gouffre...
Quand elle n'est pas au lycée, Hori redevient effectivement une adolescente tout à fait banale, qui pense avant tout à sa famille en toute simplicité. Rangé son look à la mode, elle arbore sa dégaine la plus standard pour s'adonner aux tâches ménagères, et pour s'occuper de son petit frère en l'absence de ses parents. Et c'est précisément par l'intermédiaire de son frère qu'elle fait la rencontre d'un jeune garçon venu le raccompagner chez lui suite à une bagarre: cet adolescent a un style qui détonne, avec ses longs cheveux en arrière, ses nombreux piercings et sa dégaine très cool... si bien que la jeune fille ne capte absolument pas qu'il est Miyamura, avant que celui-ci ne le lui dise ! Alors que rien n'aurait dû les rapprocher si l'on se fie à leur comportement au lycée, Hori et Miyamura, désormais liés par leurs petits secrets respectifs, vont apprendre toujours mieux à se connaître en se retrouvant régulièrement, jusqu'à nouer une amitié toujours plus sincère.
Le rapprochement entre deux personnes que tout semblait opposer au départ, quoi de plus classique, surtout dans le registre de la tranche de vie adolescente/romantique ? Seulement, d'emblée, dès son premier chapitre aussi rythmé qu'emballant, HERO et Hagiwara nous font bien sentir que leur oeuvre saura se démarquer, trouver sa propre voie et son propre charme, en premier lieu en mettant en valeur une idée directrice aussi limpide qu'essentielle: ne jamais juger l'autre sur les a priori et sur l'apparence. Horimiya est une invitation à découvrir l'autre au-delà de ses préjugés, en se donnant la peine d'aller vers lui/elle pour apprendre à le/la connaître, et c'est ce que les deux personnages principaux font fort bien dès le départ, en grande partie grâce à leur caractère et à la vraie personnalité de Miyamura, garçon qui, bien loin de son allure sinistre au lycée, se présente en réalité comme un adolescent assez franc et avenant (pour preuve, au début il aurait pu simplement ne pas dire à Hori qu'il est Miyamura avec tous ses piercings, et pourtant il le lui a dit).
A partir de là, Miyamura et Hori vont se montrer toujours plus sincères l'un(e) envers l'autre et bâtir une amitié basée sur la franchise, pour un résultat lumineux qui permet une vertu supplémentaire: aborder sans lourdeur, sur une tonalité positive, la façon dont, en groupe (ici le lycée), face aux conventions sociales qui peuvent nous étouffer, on peut peiner à laisser s'exprimer son vrai soi. C'est bien pour ça que Miyamura, quand il est au lycée, préfère se taire face aux ragots et laisser les autres penser qu'il est une espèce d'otaku sinistre.
Et cette tonalité rayonnante, elle trouve d'autant plus de consistance à travers les premières petites péripéties vécues par notre duo principal: quand ils ne passent pas du temps ensemble en dehors du lycée afin de s'entraider ou de toujours mieux se découvrir et se parler, Hori et Miyamura tâchent autant que possible de préserver les secrets de l'autre dans le cadre scolaire, ce qui n'est pas toujours évident et donne lieu à plus d'un petit moment amusant. Et c'est d'autant plus délicat qu'il leur faut évidemment composer avec leurs amis (enfin, plus précisément, avec les amis de Hori, puisque Miyamura est un solitaire au départ), où se dégagent déjà deux figures vouées à prendre peu à peu de l'importance: l'adorable Yuki Yoshikawa, aussi joyeuse que tête en l'air, et Tôru Ishikawa, qui ne semble pas insensible à l'"inaccessible" Hori.
Pour accompagner le tout, Daisuke Hagiwara offre un rend visuel aussi simple qu'efficace. Certes, les décors sont très standards, et on sent que l'auteur était en début de carrière dans ce tome 1 en constatant diverses petites inégalités. En revanche, l'expressivité que dégagent les personnages s'avère particulièrement communicative, et le style clair colle lui aussi très bien à l'ambiance positive et rythmée de ce début de série.
Longtemps attendu, Horimiya s'offre donc un excellent départ, grâce à un premier volume vraiment emballant, attachant, lumineux qui parvient déjà à dépoussiérer un peu le genre en partant pourtant d'une base classique, et en véhiculant des idées-phares qui font un bien fou. Le mieux étant que l'histoire de Hori, de Miyamura et de leurs amis ne fait que commencer, et que celles et ceux ayant vu l'anime savent déjà qu'elle saura encore se bonifier.
Enfin, saluons la qualité de l'édition française, portée avant tout par une traduction particulièrement emballante de Gaëlle Ruel, qui apparaît naturelle et qui colle franchement bien à l'ambiance de l'oeuvre. A part ça, on a droit à une première page en couleurs, à un papier souple et sans transparence permettant une qualité d'impression tout à fait honnête, à un travail de lettrage très soigné, et à une jaquette restant très proche de l'originale japonaise.
Chronique 1 :
Le genre de la comédie sentimentale adolescente se porte plus que bien comme en attestent les récents succès de Rent-A-Girlfriend, Kaguya-sama : Love is War : We Never Learn ou encore The Quintessential Quintuplets. Alors, quand une série se démarque au Japon et rencontre son succès, il y a fort à parier que nous y aurons droit chez nous, pour le plus grand bonheur des friands de ce type d’œuvre. Et ce, même si un certain Komi-san Komushyô desu manque encore à l'appel.
Alors, la belle sortie comédie romantique de ce début d'année est sans nuls doutes Horimiya. Initialement, l’œuvre est un manga amateur de type 4-kome, ces fameuses bandes-dessinées humoristiques en quatre cases, dessiné par HERO. En 2011, une adaptation en série est actée aux éditions Square Enix et sous la dessin de l'artiste Daisuke Hagiwara. Le manga s'est fraichement achevé au Japon avec son 16e volume, tandis qu'une adaptation animée par le studio CloverWorks et dirigée par Masashi Ishihama fut diffusée l'année dernière. C'est d'ailleurs par elle que le public francophone a d'abord découvert le titre, plantant d'emblée l'attente du manga chez nous, un vœu que l'éditeur nobi nobi! honore aujourd'hui.
Prenant place dans un lycée ordinaire, Horimiya est avant tout l'histoire de Hori, jolie fille branchée qui figure peut-être parmi les demoiselles les plus populaires de son établissement. A son exact opposé, il y a Miyamura, un adolescent solitaire et lugubre dont tout le monde devine la nature d'otaku.
La fin des cours actée, Hori devient une autre personne : Loin d'être pimpante qu'en journée, elle devient une fille ordinaire, se consacrant aux tâches ménagères et à la gare de son petit frère en l 'absence de parents constamment pris par leur travail. Si l'idée de vivre un temps libre digne d'une adolescente travers son esprit, la demoiselle ne peut pas se le permettre. Un jour, son frère est ramené à la maison par un jeune garçon à l'allure singulière : Cheveux longs et en arrière, air rockeur et affublés de piercings, l'homme s'avère être en réalité... Miyamura ! Comme Hori, ce dernier cache qui il est vraiment lors des heures de cours. De cette découverte mutuelle, celle de la véritable nature de l'autre, une sincère amitié s'apprète à naître entre les deux adolescents. Car c'est en présence de l'autre que Hori et Miyamura vont pouvoir s'assumer sans se cacher.
Dans un enrobage parfois classique, certaines comédies romantiques tirent leur épingle du jeu, par de petites idées qui feront la différences et donneront au titre sa personnalité. C'est totalement le cas de Horimiya qui, dès son premier chapitre, plante son leitmotiv à travers le binôme formé par Hori et Miyamura, deux adolescents qui, une fois les cours finis, deviennent des individus totalement différents, et cachent leurs vraies natures à leurs camarades. Il n'en faut pas tellement plus pour donner naissance à une jolie histoire d'amitié (même si on devine déjà la probable évolution) qui impactera leurs vies. Des bons moments passés ensemble jusqu'à la manière dont ils s'épauleront pour cacher leurs secrets à leurs amis de classe, le quotidien des deux protagoniste est rapidement soumis à tout un tas de péripéties du quotidien, dans une ambiance aussi drôle que touchante, quand les moments s'y prêtent. Des tons qui font d'autant plus mouche que ce premier volume propose un rythme parfaitement calibré : Hero et Daisuke Hagiwara ne font jamais de remplissage, tant la situation évolue et les deux protagonistes, de par leur union, s'ouvriront à leur entourage, de manière aussi naturelle que sincère.
Et si cette formule est une réussite, au-delà des jolies ambiances dépeintes par l'auteur et sa narration efficace qui vient pallier à un trait qui manque encore un poil d'assurance, c'est pour la thématique clé du manga. Par les autres facettes de Hori et Miyamura, les auteurs abordent la question du soi véritable que l'on cherche à cacher car « non conforme » à une vie parfaite en société. Alors, le garçon préfère être pris pour un otaku taciturne plutôt que de montrer sa singularité d'apparence et de caractère. L'idée est donc forte, celle-ci jouant sur une société des apparences par laquelle chacun est à un moment confronté un jour ou l'autre. De simple comédie romantique, Horimiya bascule directement dans la fable sociable, autour de deux personnages toujours plus attachants dans leur rapport l'un à l'autre, mais aussi à autrui. Car tous deux sont bien entourés, par des figures qui prendront peu à peu plus d'importance, présentant un message positif d'acceptation de soi comme de l'autre.
Horimiya s'offre donc une bien belle amorce, peut-être parmi l'une des plus jolies et touchantes du genre parmi les titres de ce registre récemment lancés. Loin d'être une comédie romantique simpliste et affriolante, le manga de Hero et Daisuke Hagiwara présence un ton et un propos aux côtés de personnages ordinaires mais saisissants, si bien qu'il ne faut pas une miette supplémentaire pour nous convaincre de poursuivre la lecture. Et quelle chance, nobi nobi! ayant justement joué sur ce départ accrocheur pour lancer le manga avec les deux premiers opus en simultanée.
Côté édition, c'est une belle copie qui nous est proposé. L'ouvrage profite d'un papier fin mais de qualité, qui ne laisse pas place à la transparence, avec une page couleur en prime. Le Studio Charon signe une adaptation graphique de qualité, sobre mais colorée, à l'image du récit et de l'illustration de couverture. Enfin, Gaëlle Ruel fait un très bon travail de traduction, ne serait-ce dans les ambiances et dans la retranscription de la sincérité du titre.
Editeur lancé en 2010 tout d'abord avec des albums jeunesse asiatique avant de se lancer toujours plus dans le manga, et qui a connu un nouveau virage il y a quelques années en étant racheté par Pika Edition afin d'en devenir le label jeunesse (tout en conservant une certaine indépendance dans le choix des oeuvres publiées), nobi nobi! est devenu, en un petit peu plus d'une décennie, l'un des principaux acteurs dans le domaine des mangas dédiés au jeune public. Mais en ce début d'année 2022, l'éditeur a décidé de franchir un nouveau cap, quelque part assez logique car répondant à une évolution naturelle de son lectoart, en créant une nouvelle collection nommée Genki. S'accompagnant d'un nouveau logo-titre modernisé, cette collection non genrée devrait permettre à nobi nobi! d'accompagner dans l'adolescence son premier lectorat qui a désormais grandi, en proposant des mangas pouvant être lus à partir de (plus ou moins) 14 ans. Avec cette collection, l'éditeur affirme également vouloir s’affranchir de la classification des magazines japonais tout en conservant l’ADN du catalogue nobi nobi!, c'est-à-dire une ligne éditoriale faite de titres bienveillants, émouvants et divertissants avec une exigence de contenu sans caractère érotique ni violence excessive. Les thématiques et les personnages des séries Genki seront, selon l'éditeur, en phase avec les thèmes qui intéressent les jeunes adultes d’aujourd’hui, et aborderont un large éventail de sujets allant de la vie quotidienne à la fantasy en passant par le suspense, le sport ou encore la découverte d’autres cultures. Et pour inaugurer cette collection, quoi de mieux, donc, que l'une des tranches de vie adolescentes les plus pétillantes et les plus populaires de ces derniers temps ?
C'est bien ce que nous propose nobi nobi! avec le lancement, en janvier dernier, de Horimiya, un nom qui dira forcément quelque chose à tout fan d'animation japonaise, puisque l'oeuvre a connu, entre janvier et avril 2021 une adaptation animée de 13 épisodes qui fut diffusée en France sur la plateforme Wakanim, et qui a joui d'une très forte notoriété. On peut aussi noter que Horimiya s'est décliné en drama de 8 épisodes en février-mars de l'année dernière, mais que ce drama est inédit en France.
Mais avant la popularité internationale permise par l'anime qui en a fait l'un des mangas les plus réclamés en France sur les réseaux sociaux ces derniers mois, il faut remonter plus loin pour découvrir les origines de Horimiya puisque, à la base, l'oeuvre était un webcomic de type yonkoma (ou 4-koma, type de bande dessinée typiquement nippon se constituant de strips en 4 cases à lire à la verticale) écrit et dessiné à titre amateur par une certaine HERO en 2007-2008 sous le nom Hori-san to Miyamura-kun. Rencontrant un joli succès à son échelle, cette oeuvre tape dans l'oeil de l'éditeur Square Enix, qui décide alors, en collaboration avec HERO, de lui offrir un reboot sous la forme d'une série professionnelle dont le dessin est confié à Daisuke Hagiwara, un mangaka alors en tout début de carrière et ayant, depuis, participé à divers autres projets. C'est ainsi que la nouvelle version de Horimiya, celle que l'on connaît et qui est publiée par nobi nobi!, voit le jour à partir de 2011 dans le magazine GFantasy (magazine déjà connu dans notre pays pour plusieurs autres séries dont Toilet-bon Hanako-kun, Black Butler ou encore Nabari), pour s'achever dix ans plus tard, en 2021, avec son 16e volume.
Cette longue présentation passée, laissons-nous à présent plonger dans le petit univers de deux adolescents qui, à première vue, sont on ne peut plus classiques du genre. D'un côté, on a Izumi Miyamura, un lycéen tout ce qu'il y a d'impopulaire: avec sa touffe de cheveux et ses lunettes cachant son visage, son côté renfermé et son manque d'interactions avec les autres, il passe pour l'otaku sinistre de service, si bien que personne ne cherche vraiment à l'approcher. Autant dire qu'il semble à des années-lumière de sa camarade de classe Kyôko Hori: jolie, prenant soin de son allure en restant à la mode, tête de classe, elle est clairement la fille la plus populaire de la classe, voire du lycée. Mais entre les apparences et la réalité, il peut y avoir un sacré gouffre...
Quand elle n'est pas au lycée, Hori redevient effectivement une adolescente tout à fait banale, qui pense avant tout à sa famille en toute simplicité. Rangé son look à la mode, elle arbore sa dégaine la plus standard pour s'adonner aux tâches ménagères, et pour s'occuper de son petit frère en l'absence de ses parents. Et c'est précisément par l'intermédiaire de son frère qu'elle fait la rencontre d'un jeune garçon venu le raccompagner chez lui suite à une bagarre: cet adolescent a un style qui détonne, avec ses longs cheveux en arrière, ses nombreux piercings et sa dégaine très cool... si bien que la jeune fille ne capte absolument pas qu'il est Miyamura, avant que celui-ci ne le lui dise ! Alors que rien n'aurait dû les rapprocher si l'on se fie à leur comportement au lycée, Hori et Miyamura, désormais liés par leurs petits secrets respectifs, vont apprendre toujours mieux à se connaître en se retrouvant régulièrement, jusqu'à nouer une amitié toujours plus sincère.
Le rapprochement entre deux personnes que tout semblait opposer au départ, quoi de plus classique, surtout dans le registre de la tranche de vie adolescente/romantique ? Seulement, d'emblée, dès son premier chapitre aussi rythmé qu'emballant, HERO et Hagiwara nous font bien sentir que leur oeuvre saura se démarquer, trouver sa propre voie et son propre charme, en premier lieu en mettant en valeur une idée directrice aussi limpide qu'essentielle: ne jamais juger l'autre sur les a priori et sur l'apparence. Horimiya est une invitation à découvrir l'autre au-delà de ses préjugés, en se donnant la peine d'aller vers lui/elle pour apprendre à le/la connaître, et c'est ce que les deux personnages principaux font fort bien dès le départ, en grande partie grâce à leur caractère et à la vraie personnalité de Miyamura, garçon qui, bien loin de son allure sinistre au lycée, se présente en réalité comme un adolescent assez franc et avenant (pour preuve, au début il aurait pu simplement ne pas dire à Hori qu'il est Miyamura avec tous ses piercings, et pourtant il le lui a dit).
A partir de là, Miyamura et Hori vont se montrer toujours plus sincères l'un(e) envers l'autre et bâtir une amitié basée sur la franchise, pour un résultat lumineux qui permet une vertu supplémentaire: aborder sans lourdeur, sur une tonalité positive, la façon dont, en groupe (ici le lycée), face aux conventions sociales qui peuvent nous étouffer, on peut peiner à laisser s'exprimer son vrai soi. C'est bien pour ça que Miyamura, quand il est au lycée, préfère se taire face aux ragots et laisser les autres penser qu'il est une espèce d'otaku sinistre.
Et cette tonalité rayonnante, elle trouve d'autant plus de consistance à travers les premières petites péripéties vécues par notre duo principal: quand ils ne passent pas du temps ensemble en dehors du lycée afin de s'entraider ou de toujours mieux se découvrir et se parler, Hori et Miyamura tâchent autant que possible de préserver les secrets de l'autre dans le cadre scolaire, ce qui n'est pas toujours évident et donne lieu à plus d'un petit moment amusant. Et c'est d'autant plus délicat qu'il leur faut évidemment composer avec leurs amis (enfin, plus précisément, avec les amis de Hori, puisque Miyamura est un solitaire au départ), où se dégagent déjà deux figures vouées à prendre peu à peu de l'importance: l'adorable Yuki Yoshikawa, aussi joyeuse que tête en l'air, et Tôru Ishikawa, qui ne semble pas insensible à l'"inaccessible" Hori.
Pour accompagner le tout, Daisuke Hagiwara offre un rend visuel aussi simple qu'efficace. Certes, les décors sont très standards, et on sent que l'auteur était en début de carrière dans ce tome 1 en constatant diverses petites inégalités. En revanche, l'expressivité que dégagent les personnages s'avère particulièrement communicative, et le style clair colle lui aussi très bien à l'ambiance positive et rythmée de ce début de série.
Longtemps attendu, Horimiya s'offre donc un excellent départ, grâce à un premier volume vraiment emballant, attachant, lumineux qui parvient déjà à dépoussiérer un peu le genre en partant pourtant d'une base classique, et en véhiculant des idées-phares qui font un bien fou. Le mieux étant que l'histoire de Hori, de Miyamura et de leurs amis ne fait que commencer, et que celles et ceux ayant vu l'anime savent déjà qu'elle saura encore se bonifier.
Enfin, saluons la qualité de l'édition française, portée avant tout par une traduction particulièrement emballante de Gaëlle Ruel, qui apparaît naturelle et qui colle franchement bien à l'ambiance de l'oeuvre. A part ça, on a droit à une première page en couleurs, à un papier souple et sans transparence permettant une qualité d'impression tout à fait honnête, à un travail de lettrage très soigné, et à une jaquette restant très proche de l'originale japonaise.
Chronique 1 :
Le genre de la comédie sentimentale adolescente se porte plus que bien comme en attestent les récents succès de Rent-A-Girlfriend, Kaguya-sama : Love is War : We Never Learn ou encore The Quintessential Quintuplets. Alors, quand une série se démarque au Japon et rencontre son succès, il y a fort à parier que nous y aurons droit chez nous, pour le plus grand bonheur des friands de ce type d’œuvre. Et ce, même si un certain Komi-san Komushyô desu manque encore à l'appel.
Alors, la belle sortie comédie romantique de ce début d'année est sans nuls doutes Horimiya. Initialement, l’œuvre est un manga amateur de type 4-kome, ces fameuses bandes-dessinées humoristiques en quatre cases, dessiné par HERO. En 2011, une adaptation en série est actée aux éditions Square Enix et sous la dessin de l'artiste Daisuke Hagiwara. Le manga s'est fraichement achevé au Japon avec son 16e volume, tandis qu'une adaptation animée par le studio CloverWorks et dirigée par Masashi Ishihama fut diffusée l'année dernière. C'est d'ailleurs par elle que le public francophone a d'abord découvert le titre, plantant d'emblée l'attente du manga chez nous, un vœu que l'éditeur nobi nobi! honore aujourd'hui.
Prenant place dans un lycée ordinaire, Horimiya est avant tout l'histoire de Hori, jolie fille branchée qui figure peut-être parmi les demoiselles les plus populaires de son établissement. A son exact opposé, il y a Miyamura, un adolescent solitaire et lugubre dont tout le monde devine la nature d'otaku.
La fin des cours actée, Hori devient une autre personne : Loin d'être pimpante qu'en journée, elle devient une fille ordinaire, se consacrant aux tâches ménagères et à la gare de son petit frère en l 'absence de parents constamment pris par leur travail. Si l'idée de vivre un temps libre digne d'une adolescente travers son esprit, la demoiselle ne peut pas se le permettre. Un jour, son frère est ramené à la maison par un jeune garçon à l'allure singulière : Cheveux longs et en arrière, air rockeur et affublés de piercings, l'homme s'avère être en réalité... Miyamura ! Comme Hori, ce dernier cache qui il est vraiment lors des heures de cours. De cette découverte mutuelle, celle de la véritable nature de l'autre, une sincère amitié s'apprète à naître entre les deux adolescents. Car c'est en présence de l'autre que Hori et Miyamura vont pouvoir s'assumer sans se cacher.
Dans un enrobage parfois classique, certaines comédies romantiques tirent leur épingle du jeu, par de petites idées qui feront la différences et donneront au titre sa personnalité. C'est totalement le cas de Horimiya qui, dès son premier chapitre, plante son leitmotiv à travers le binôme formé par Hori et Miyamura, deux adolescents qui, une fois les cours finis, deviennent des individus totalement différents, et cachent leurs vraies natures à leurs camarades. Il n'en faut pas tellement plus pour donner naissance à une jolie histoire d'amitié (même si on devine déjà la probable évolution) qui impactera leurs vies. Des bons moments passés ensemble jusqu'à la manière dont ils s'épauleront pour cacher leurs secrets à leurs amis de classe, le quotidien des deux protagoniste est rapidement soumis à tout un tas de péripéties du quotidien, dans une ambiance aussi drôle que touchante, quand les moments s'y prêtent. Des tons qui font d'autant plus mouche que ce premier volume propose un rythme parfaitement calibré : Hero et Daisuke Hagiwara ne font jamais de remplissage, tant la situation évolue et les deux protagonistes, de par leur union, s'ouvriront à leur entourage, de manière aussi naturelle que sincère.
Et si cette formule est une réussite, au-delà des jolies ambiances dépeintes par l'auteur et sa narration efficace qui vient pallier à un trait qui manque encore un poil d'assurance, c'est pour la thématique clé du manga. Par les autres facettes de Hori et Miyamura, les auteurs abordent la question du soi véritable que l'on cherche à cacher car « non conforme » à une vie parfaite en société. Alors, le garçon préfère être pris pour un otaku taciturne plutôt que de montrer sa singularité d'apparence et de caractère. L'idée est donc forte, celle-ci jouant sur une société des apparences par laquelle chacun est à un moment confronté un jour ou l'autre. De simple comédie romantique, Horimiya bascule directement dans la fable sociable, autour de deux personnages toujours plus attachants dans leur rapport l'un à l'autre, mais aussi à autrui. Car tous deux sont bien entourés, par des figures qui prendront peu à peu plus d'importance, présentant un message positif d'acceptation de soi comme de l'autre.
Horimiya s'offre donc une bien belle amorce, peut-être parmi l'une des plus jolies et touchantes du genre parmi les titres de ce registre récemment lancés. Loin d'être une comédie romantique simpliste et affriolante, le manga de Hero et Daisuke Hagiwara présence un ton et un propos aux côtés de personnages ordinaires mais saisissants, si bien qu'il ne faut pas une miette supplémentaire pour nous convaincre de poursuivre la lecture. Et quelle chance, nobi nobi! ayant justement joué sur ce départ accrocheur pour lancer le manga avec les deux premiers opus en simultanée.
Côté édition, c'est une belle copie qui nous est proposé. L'ouvrage profite d'un papier fin mais de qualité, qui ne laisse pas place à la transparence, avec une page couleur en prime. Le Studio Charon signe une adaptation graphique de qualité, sobre mais colorée, à l'image du récit et de l'illustration de couverture. Enfin, Gaëlle Ruel fait un très bon travail de traduction, ne serait-ce dans les ambiances et dans la retranscription de la sincérité du titre.