Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 03 Mai 2023
Avec Les Héritiers des Enfers, les éditions Hana ont offert en novembre 2022 sa toute première publication française à tacocasi, une mangaka active professionnellement depuis 2016 exclusivement dans le boys' love, et que l'on a ensuite pu retrouver dans notre pays en février dernier avec l'ouvrage La librairie des Mystères.
De son nom original Nidaime Jigoku Brothers, (littéralement "Les Frère de Deuxième Génération des Enfers"), Les Héritiers des Enfers est une oeuvre totalisant environ 190 pages, que l'autrice prépublia au Japon pendant l'année 2019 dans les pages du magazine Cab de l'éditeur Tokyo Mangasha.
Comme son nom le laisse deviner, ce manga nous plonge aux sein des enfers japonais, où les dix rois infernaux exercent ensemble leur rôle: celui de juger les péchés des âmes et de déterminer si elles se réincarneront ou non. Les défunts apparaissent ainsi devant devant les dix souverains à des dates précises et, après plusieurs épreuves s'étalant sur trois années, connaissent leur sort. Mais avec la surpopulation, le nombre de pécheur a tellement augmenté que les rois, débordés et inquiets pour l'avenir, ont demandé au ciel de leur donner chacun un héritier. Devenus grands, les dix futurs souverains de deuxième génération suivent ainsi, désormais, une formation visant à bien les préparer, et c'est ce petit groupe de beaux garçons infernaux que l'oeuvre nous propose de suivre.
Le manga se divise, grosso modo, en trois parties de longueurs variables, chacune d'entre elles s'intéressant plus spécifiquement à deux ou trois de ces héritiers infernaux qui, au-delà de leur formation, connaissent quelques petites péripéties qui tournent essentiellement autour de trois choses: la formation elle-même, leur désir de comprendre pourquoi les humains sont si obsédés par le sexe, et leurs propres tourments sentimentaux à un âge où l'on commence forcément à s'éveiller à ça. La première partie nous invite ainsi à suivre Enma, un peu cancre mais obnubilé par ses études, si bien qu'il ne calcule pas forcément les sentiments que lui porte son ami Sôtei derrière ses incessantes taquineries. La deuxième partie, elle, nous fait suivre la frustration amoureuse de Byôdô qui rêve souvent de Godô, alors que ce dernier semble intéressé par un autre... Le massif Taizan saura-t-il alors en profiter pour lui-même ouvrir son coeur à Byôdô ? Enfin, la troisième partie nous invite à suivre Shinkô: alors que son père, qui préside les procès pour meurtre, est le roi le plus craint des Enfers, ce jeune homme préfère largement s'occuper de petites êtres mignons, jusqu'au jour où il tombe sur un étrange lutin nommé Kurokasa, dont il voudra percer la malédiction et les mystères.
Si vous faites le compte, vous remarquerez très vite la principale limite de cette oeuvre: bien qu'il y ait dix héros sur le papier, tous sont loin d'avoir droit au même traitement, et certains sont tout bonnement quasiment transparents d'un bout à l'autre de l'ouvrage. On pense particulièrement aux dénommés Henjô, Shokô et Gokan qui ne font qu'apparaître vaguement. De plus, vouloir narrer trois histoires en seulement 190 pages signifie forcément que la mangaka va strictement à l'essentiel, sans gros développements, et avec des évolutions amoureuses qui se font très vite, parfois presque comme un cheveu sur la soupe.
Et pourtant, le fait est que ce manga dégage un certain charme, grâce à son univers de base. En effet, l'idée de nous immiscer dans les enfers japonais est très plaisante et apporte une pointe d'originalité à l'oeuvre, d'autant plus que l'autrice a ainsi l'occasion de ponctuer son récit de quelques brèves références apportant bel et bien une certaine touche folklorique. De plus, dans cette optique le dessin se révèle agréable: malgré certaines planches plus basiques dans les visages, les héros ont tous une allure bien différente, et surtout la dessinatrice a accordé un certain soin aux décors et vêtements traditionnels et folkloriques, ainsi qu'aux quelques créatures croisées ici et là.
Ce manga est donc à prendre pour ce qu'il: en un seul tome la mangaka n'a aucunement le temps de développer grand chose, mais l'oeuvre a pour elle sa part d'originalité ainsi qu'un certain charme visuel, le tout étant surtout dû à l'ancrage dans les enfers nippons.
Enfin, du côté de l'édition française, on a droit à une jolie copie: la jaquette est propre et reste proche de l'originale japonaise, les quatre premières pages en couleurs sont un petit plus sympathique, le papier ainsi que l'impression sont d'honnête qualité, le lettrage est convaincant, et la traduction de Delphine Desusclade est très claire.