Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 02 Septembre 2025
La collection One Shot Shojo des éditions Akata a fait son retour fin août avec Help, un récit qui porte le me^me nom dans sa version originale japonaise et qui se compose de six chapitres pour un total d'environ 200 pages. Prépublié dans son pays d'origine pendant l'année 2008 dans feu le magazine mensuel Chorus des éditions Shûeisha (un magazine josei qui a été stoppé en 2011 et a été remplacé par le Cocohana), ce récit est à la fois la première publication française et l'une des toutes dernières oeuvres d'Ai Ueno, une mangaka qui a officié durant les années 1990 et 2000.
On suit ici Mari Kokubun, jeune femme de 27 ans qui a été embauchée en tant que psychologue au sein du cabinet Cocoro Help. Respectant beaucoup son patron Ren Midô auprès de qui elle a elle-même été patiente avant d'être embauchée par ses soins, ainsi que son père dont les souvenirs ressurgissent régulièrement en elle, elle brille par sa capacité à sortir du protocole pour créer des véritables liens humains avec ses patients. Cependant, ses méthodes tout sauf conventionnelles peuvent également ne pas plaire, que ce soit auprès de certains proches de patients ou au sein même du cabinet où, notamment la très sérieuse Seiko estime qu'elle discrédite totalement la profession en agissant comme il le fait.
A l'instar de bien d'autres mangas de qualité comme & - And de Mari Okazaki (pour n'en citer qu'un seul qui nous paraît incontournable dans le genre), Help est un josei nous plongeant pleinement dans le monde du travail, au coeur duquel il sera question non seulement d'aborder le travail de psychologue, mais aussi de mettre petit à petit en lumière le passé, les doutes et les tourments de l'héroïne, et finalement de faire ressortir des valeurs très humaines. Et à condition d'accepter une conclusion somme toute assez abrupte (mais cristallisant suffisamment les grandes idées de l'oeuvre malgré tout), on peut assurément dire qu'Ai Ueno s'en tire très bien sur chacun des différents axes de son histoire.
C'est principalement au travers de deux cas bien différents (un petit garçon qui a du mal à obéir à sa mère, et un ancien commercial soixantenaire cachant beaucoup de choses derrière ses sourires de façade)que vont se révéler chacun des aspect faisant le sel de cette histoire, à commencer par la petite mise en avant du travail de psychologue: non seulement l'autrice fait appel à plusieurs termes spécifiques (et expliqués via des astérisques) pour renforcer la crédibilité et l'immersion (choses pour laquelle elle n'a aucun mal car elle a elle-même suivi un cursus de psychologie plusieurs années auparavant), mais en plus elle s'applique assez à aborder les raisons d'être de ce travail et ses nuances dans la façon dont il faut adapter son comportement selon ce dont les patients ont besoin, avec à la clé une idée très intéressante: si les psychologues ne peuvent généralement pas avoir la prétention de sauver des vie, ils peuvent accompagner au mieux les gens qui en ont besoin pour les aider à se relever.
Dans cette optique, le cas de Mari va vite se révéler passionnant à suivre, elle qui est désormais une psychologue mais qui fut auparavant aussi une patiente. Jeune femme ayant beaucoup souffert par le passé, comme nous le découvrirons à petites doses jusqu'au dernier chapitre plus révélateur, elle est une personne qui, malgré les tourments qui peuvent encore la ronger, tache de faire de ses galères et de ses blessures une force, car elles lui permettent peut-être bien de comprendre en profondeur la douleur que ressentent les gens. Ainsi parvient-elle, certes parfois dans la difficulté voire la douleur, à toucher là où les personnes ont besoin de l'être, pour révéler ce qu'elles peuvent renfermer au plus profond d'elle-même derrière les comportements trop propres et les sourires de façade. Avec, à la clé, l'idée très humaine d'oser extérioriser ses émotions quand on en a besoin et de mieux faire attention les uns aux autres pour ne pas laisser les trompeuses apparences prendre le dessus.
Un peu trop courte à notre goût, mais clairement touchante, assez profonde et humaine dans l'abord de son sujet et de ses personnages, Help est ainsi une lecture mature qui vaut amplement le détour, d'autant plus qu'elle est servie dans une édition française soignée avec un petit format shôjo facile à prendre en main (encore plus avec le papier léger, souple et en même temps suffisamment opaque), une jaquette de Tom "spAde" Bertrand plus moderne et moins tape-à-l'oeil que la version japonaise (qui est plus ancrée dans les années 2000 dans son style), une impression satisfaisante, un lettrage propre d'Isabelle Bovey, et une traduction très efficace (surtout dans le parler naturel et franc de Mari) de la part d'Aude Boyer.