Heart Gear - Collector Vol.1 - Actualité manga
Heart Gear - Collector Vol.1 - Manga

Heart Gear - Collector Vol.1 : Critiques

Heart Gear

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 08 Octobre 2019

Chronique 2

En février 2018, les éditions Ki-oon nous proposaient de découvrir Black Torch, la toute première série d'un jeune auteur du nom de Tsuyoshi Takaki. Lancée en grandes pompes par l'éditeur, cette petite série d'action se révélait extrêmement classique dans son fond, mais avait surtout pour intérêt de révéler en Takaki d'indéniables talents sur le plan visuel, avec des planches denses, des moments d'action très bien rendus et un bon travail de design sur les personnages et leur expressivité. Malheureusement pour les fans, l'aventure Black Torch a plutôt tourné court, en prenant fin après seulement 5 volumes, en laissant de côté pas mal de pistes possibles. Mais et si cette première expérience avait surtout permis à Takaki de peaufiner son style pour ensuite offrir une série plus ambitieuse ?

C'est ce que l'on peut se dire en découvrant Heart Gear, récit lancé au Japon en avril dernier dans le Shônen Jump+ de Shûeisha, et qui arrive déjà dans nos contrées, toujours chez Ki-oon. Croyant fortement en cet auteur, l'éditeur a mis les bouchées doubles pour le lancement de cette nouvelle oeuvre, avec la venue à Japan Expo, en juillet dernier, du mangaka, aussi bien pour parler de Black Torch que pour déjà porter Heart Gear, mais aussi avec la conception, pour le tome 1, d'une très intéressante édition collector limitée sur laquelle nous reviendrons plus bas.

Ici, Tsuyoshi Takaki a décidé de s'essayer à un tout autre genre, qu'il avoue avoir toujours adoré: la science-fiction. Plus précisément, le mangaka nous plonge dans un univers post-apocalyptique, où cela fait déjà 200 ans qu'une guerre planétaire a décimé l'espèce humaine. A présent, l'humanité semble avoir entièrement disparu, laissant livrés à eux-même les Gears, entités que, de notre temps, on appelait plutôt Intelligences Artificielles. Conçus à l'époque pour diverses tâches domestiques ou guerrières, ces robots errent désormais sur notre planète, sans avoir de but, en exerçant leur folie destructrice dans le cas de ceux nommés "insane", ou alors en poursuivant inlassablement la mission que leur avaient confiée les humains deux siècles auparavant.

C'est dans un tel contexte que, dans un petit coin du continent ravagé, vit pourtant une jeune fille d'une grosse dizaine d'années, Roue, qui a une particularité: elle est humaine, dans un monde où l'humanité n'est pourtant plus. Voici plus de dix ans que cette enfant vit aux côté de Zett, un robot pacifique qui est un véritable père de substitution pour elle et qui la couvre d'attentions. Vivant dans une certaine insouciance aux côté de ce robot aimant, la fillette va pourtant voir sa vie basculer suite à deux événements successifs. Tout d'abord, la découverte et l'activation de Chrome, un étrange robot de forme cubique, qui semble comme un bébé, comme un petit frère venant naître, qui a tout à découvrir de la vie avec naïveté. Ensuite, bien des jours plus tard, alors que Roue s'est attachée à Chrome et que ce dernier s'est assez bien adapté, l'attaque redoutable d'un "insane" qui détruit Zett, laissant Roue dans le stupeur et la douleur. Face à la situation, Chrome prend alors une décision, en se basant sur ce qu'il a vécu depuis sa "naissance": sa mission sera de protéger Roue, envers et contre tout. Et c'est ainsi que tous deux partent pour un long voyage, avec en leur possession l'unité centrale de Zett (l'équivalent de sa mémoire ou de son coeur), élément qui pourrait leur permettre, un jour, de ressusciter le papa de la jeune fille...

Takaki commence par poser aussi vite que bien tout ce qu'il faut afin de nous plonger comme il se doit dans son univers. Un univers classique des récits de SF et de robotique, mais néanmoins bien pensé, comme l'auteur saura nous le démontrer sur la longueur à travers de nombreux détails: les petites explications entre les chapitres sur le déroulement de la guerre 200 ans auparavant (avec quelques réflexions sur la bêtise humaine, en prime), l'extinction de l'espèce humaine dans un ponde post-apo où Roue semble donc être l'unique humaine parmi les robots, l'énigme de la naissance et de la découverte de Roue dix ans auparavant, la nature des différents robots...

Dans l'ensemble, c'est bien ce dernier point que Takaki met le plus en avant pour l'instant. Il y a bien sûr le travail sur les différents types de robots: d'un côté il y a les "insane" simplement fous et destructeurs ainsi que d'autres robots cantonnés à leur rôle guerrier dicté par les humains à l'époque de la guerre, mais il existe aussi des robots domestiques comme la dénommée Marie, ou, plus important encore, des robots qui, dans ce monde et grâce à leur intelligence, ont continué d'évoluer par eux-mêmes, tels le professeur Isaac, ou l'ingénieur en fusées Kidd. Des robots qui, parfois nourris par leurs expériences passées auprès des humains (c'est le cas de Kidd), ont entretenu leur propre rêve, tout en développant leur propre "mode de pensée", si bien qu'ils peuvent facilement paraître aussi humains voire plus humains que les humains eux-mêmes. L'humanité des robots semble alors devoir être un point central de l'oeuvre, que ce soit via Kidd par exemple (c'est à travers lui que Roue s'initie pour la première fois à l'idée d'avoir un rêve, chose pourtant on ne peut plus humaine), ou plus encore, bien sûr, à travers Chrome. Le fait qu'il prenne forme humaine après avoir choisi de protéger Roue est déjà un signe, mais c'est bien son évolution dans l'ensemble qui devrait être intéressante. Au départ aussi ignorant du monde et naïf qu'un enfant, il va se révéler sous d'autres facettes dès lors qu'il entame son voyage avec la petite fille. Des facettes reflétant sa lente humanisation, pour un récit rappelant facilement des classiques de ce sujet comme les écrits d'Isaac Asimov, même si Takaki nous disait en interview avoir surtout été influencé par le film Androïde.

Avec ce seul premier volume, l'auteur s'ouvre donc déjà pas mal de possibilités dans son immersif univers, entre l'aspect post-apocalyptique, le voyage de nos deux héros, leurs découvertes, les énigmes autour du statut humains de la fillette dans ce monde où plus aucun humain n'était censé exister, et tout ce qui tourne autour du statut des robots et de leur part humaine ou, au contraire, purement de machines. Un monde bien posé que le mangaka porte efficacement par son travail visuel. Soyons clairs tout de suite: la seule chose que l'on peut réellement reproche côté dessins, ce sont des trames parfois trop basiques et manquant de finesse. Pour le reste, Takaki développe une très bonne patte. Le design de Roue est réussi, tout comme sa tenue, et son caractère très expressif rend immédiatement attachante cette petite fille, quitte à flirter par instant avec un léger SD. Côté robots et machines, l'auteur en manque pas d'idées: le look initial très robotique de Chrome possède une certaine pureté qui lui correspond bien avant qu'il ne prenne une forme humaine, les autres Gears rencontrés plus loin (Isaac, Marie, Kidd) ont tous un design bien étudié au croisement entre éléments humains et éléments de machines, les "insane" n'ont aucun mal à être imposants... Le dessinateur soigne aussi assez ses décors ravagés, éléments importants de tout manga post-apocalyptique, même si ici le mangaka les met avant tout au service de l'immersion dans la quête de ses personnages. Les quelques premiers moments d'action, très brefs, se cantonnent à l'essentiel mais s'avèrent vifs. Enfin, un mot sur la construction narrative, où le mangaka parvient vraiment bien à disséminer les détails, informations et différentes petites facettes de son univers, afin de nous laisser assimiler le tout très facilement.

Il s'agit donc d'un début très réussi. Comme il l'avoue lui-même Takaki veut faire un manga de SF capable de plaire à la fois aux fans du genre et à celles et ceux qui n'y seraient pas forcément habitués. Cela donne un ensemble qui ne herche pas forcément à renouveler quoi que ce soit, mais qui s'avère déjà être un très bon divertissement, ayant aussi sa part de questionnements un peu plus profonds, et s'avérant bien construit par l'auteur.

Revenons à présent sur l'édition collector limitée sortie par Ki-oon parallèlement à l'édition standard. En plus de proposer une belle jaquette réversible, celle-ci a surtout pour intérêt de nous inviter à découvrir, dans une superbe édition (un petit livre d'une grosse cinquantaine de pages, à couverture cartonnée rigide et avec une très bonne qualité de papier et d'impression), "Freaks", la toute première histoire courte de Takaki, qu'il a conçue et publiée dans le Jump SQ. Crown de Shûeisha en 2016 juste avant de se lancer dans Black Torch. Jouant sur quelques références religieuses chrétiennes, ce petit récit narre la quête des leurs origines par l'être au physique monstrueux et brimé Abel et sa soeur la caractérielle Caïn, au sein de l'abbaye où ils sont nés. le temps de cette cinquantaine de pages, le mangaka livre un récit au rythme rapide et fluide, se suffisant bien à lui-même, et témoignant déjà bien de sa maîtrise graphique, entre designs réussis (ne serait-ce qu'Abel) et moments de tension ou d'action vifs, directs et francs. Pour même pas 3€ de plus par rapport à l'édition standard, cette édition collector se révèle être une belle petite aubaine !

Pour le reste, l'édition de Heart Gear en elle-même est tout à fait satisfaisante. L'impression et le papier sont très bons, la traduction de Sébastien Ludmann est aussi limpide que vivante, et l'adaptation graphique de Clair Obscur est adéquate. N'oubliez pas de retirer la jaquette, pour découvrir le verso de celle-ci bien sûr, mais aussi pour découvrir sur la couverture une petite scène cachée et, surtout, l'assez longue postface du mangaka.


Chronique 1

Tsuyoshi Takaki est sans doute possible l'un des auteurs chouchous des éditions Ki-oon actuellement. Après le très bon (mais un peu court) Black Torch, terminé en 5 tomes, et après la venue du mangaka à Japan Expo, l'éditeur nous propose la nouvelle série de l'artiste : Heart Gear. Lancé début avril au Japon sur la plateforme de lecture en ligne Shônen Jump+, le titre paraît chez nous dans un temps assez record puisque le premier volume est publié à peine trois mois après sa sortie japonaise. Et pour marquer le coup, Ki-oon propose deux versions distinctes : le premier tome dans sa version classique, ainsi qu'une édition collector sur laquelle nous reviendrons...

Dans un monde futuriste, la troisième guerre mondiale a vu l'émergence des Gears, des entités robotiques devenues peu à peu douées de parole et de conscience. Les armes étant ainsi devenues bien plus puissante, l'humanité s'est éteinte, et les Gears sont les seules existences humanoïdes à peupler la planète, désormais.
Roue est une jeune humaine, et l'une des rares survivantes de son espèce si ce n'est l'unique survivante. Elle mène une existence paisible aux côté de Zett, un Gear qui veille sur la jeune fille depuis son plus jeune âge. Un jour, Roue trouve un autre robot, nommé Chrome, mais celui-ci est dénué de programme de base. L'entité s'en trouve un lorsqu'ils sont attaqués par un Insane, un Gear devenu fou : protéger Roue. Au cours de la bataille, Zett perd la vie, mais la sauvegarde de son unité centrale donne l'espoir de lui trouver un nouveau corps. C'est pour atteindre cet objectif que Roue et Chrome entament un long voyage...

Après le shônen de baston à pouvoirs pur jus, Tsuyoshi Takaki s'essaie à un tout autre genre, à savoir l'aventure de type SF. Pas de pouvoirs destructeurs cette fois, mais un monde post-apocalyptique où les robots dotés d'intelligences artificielles sont l'espèce dominante. Un cadre qui puise largement dans d'autres œuvres du genre, mais qui se révèle sympathique grâce au traitement que lui réserve l'auteur. Ainsi, ce premier tome de Heart Gear se présente comme une quête initiatique d'une humaine et d'un Gear tous deux innocents et ne connaissaient rien des mystères de ce monde, qui vont justement le découvrir au gré de leurs péripéties.

L'un des points forts de ce premier opus est sans doute son atmosphère, oscillant entre voyage en des terres abandonnées et action pure jus. Tsuyoshi Takaki rend particulièrement bien son monde, souvent désolé et isolé, mais souvent greffé d'éléments mécaniques qui retranscrit efficacement cette domination par les machines. Mais contrairement à un certain Terminator, pas d'humanité, ni de guerre. L'Homme est quasiment éteint, et c'est plutôt dans un climat doux, voire presque bucolique d'une certaine mantière, que vont évoluer nos deux compères. Il ne manque parfois pas grand chose pour que ce premier opus partent dans des élans contemplatifs, par exemple des gros plans sur les vestiges de la civilisation humaine, preuve que ce début de série se dote d'une ambiance très réussie.

Un cadre vraiment plaisant donc, bien que les prémices de la quête de Roue et Chrome se révèle, pour l'heure, très classique dans la forme. Nous suivons ici les premières étapes de leur voyage, à base de rencontres, chacune d'elles permettant de nous en dire plus sur l'univers, sur les circonstances de la disparition de l'humanité, et même sur l'immense thématique qu'est l'évolution de l'intelligence artificielle. La frontière entre l'Humain et la Machine, classique dans ce type d'oeuvre, est ici très bien abordée, grâce à des personnages qui apparaissent finalement très humanisés malgré leurs caractéristiques robotiques. Tant de traitements inspirés par d'autres œuvres pour l'auteur, preuve en est une certaine référence : le personnage d'Isaac qui renvoie évidement au célèbre écrivain de SF Isaac Asimov dont bien des œuvres parlent justement de robot.

Bien entendu, ce sera à l'ensemble de la série de confirmer ces thématiques, entretenir ces univers, nourrir l'ambiance et développer nos deux personnages principaux déjà très attachants. Mais en attendant, Heart Gear part sur d'excellentes bases ! Évidemment, ceux qui espéraient un titre dans la veine de Black Torch seront sûrement dépaysés (ce qui n'est peut-être pas plus mal étant donné tout le travaille graphique d'ambiance par moments). Et en parlant de dessin, point qui ravira les fans de la précédente série de l'auteur, Tsuyoshi Takaki n'a en rien perdu de sa superbe. Si son travail global sur les personnages est excellent, celui sur les entités mécaniques est ahurissant. Il en ressort un aspect crayonné et déstructuré qui fait écho au climat post-apocalyptique de la série, tandis que les scènes d'action sont d'une narration impressionnante, à couper le souffle. On attendait le mangaka au tournant de ce côté, et celui-ci ne déçoit nullement.

Clou du spectacle (ou plutôt de la lecture) : deux éditions sont proposées. La première est classique et ne contient que le volume, dont on saluera d'ailleurs la qualité d'édition entre un papier de belle épaisseur, et une jaquette bénéficiant d'un papier couché mât qui donne un bel effet à l'ouvrage. La traduction, signée Sébastien Ludmann, est elle aussi réussie et très percutante dans sa manière d'apporter différentes tonalités dans les parlers des différents personnages.

Ki-oon propose aussi ce premier opus dans une édition collector qui inclus une jaquette réversible reprenant le visuel promotionnel principal de la série en plus du visuel classique. Pour une meilleure homogénéité sur les étagères, beaucoup préfèreront sans doute la face standard de la jaquette, mais laisser le choix au lecteur est un gros plus.
Aussi, cette version limitée comprend un récit inédit : Freaks. Récit d'une cinquantaine de page, cette histoire courte fut publiée en 2016 dans le magazine Jump SQ. C'est ce titre, bien accueilli, qui permettra à l'auteur de poursuivre sa carrière avec Black Torch, dans le même magazine. Freaks n'a encore jamais été publié au format relié au Japon, l'avoir en France dans un petit ouvrage exclusive est donc un vrai plaisir pour ceux qui apprécient le style du mangaka, et qui aimeraient découvrir son tout premier travail publié professionnellement.

S'appuyait sur un contexte chrétien, faisant ponctuellement écho aux récits de la Bible, Freaks dépeint l'existence de Caïn et Abel, une sœur et un frère nés du démon. Rejeté pour son apparence de monstre, Abel est sans cesse protégée par sa sœur, Caïn, dont l'apparence physique est totalement humaine.
Bien que courte, l'histoire s'avère parfaitement rythmée, et passionnante pour ceux qui aimeraient les récits fantastiques s'appuyant sur des climats religieux. Sans moquer le christianisme, le one-shot utilise habilement ses codes pour nourrir un manga d'action efficace, mais aussi très touchant dans sa relation entre les deux personnages principaux, et abordant l'idée des différences de manière originale. Le plus gros dommage, c'est que Freaks n'ait pas été reconduit au format série...

Concernant Heart Gear, il en résulte un début d'aventure particulièrement prometteur, aussi bien pour son univers bien pensé et minutieusement dépeint, une esthétique léchée et des personnages principaux plus qu'attachants. On attend avec curiosité de voir ce que Tsuyoshi Takaki fera de cet ensemble, mais l'aventure présentée est particulièrement enthousiasmante.
Concernant l'édition limitée, celle-ci ne s'avère pas indispensable pour ceux qui ne seraient intéressés que par Heart Gear, mais est à ne pas louper pour les lectrices et lecteurs suivant l'auteur chez nous depuis Black Torch, notamment parce que Freaks est un petit récit prenant qui vaut le détour.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs