Harcèlement scolaire : La méthode du détective Imamura Vol.1 : Critiques

Ijime Tantei

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 03 Décembre 2024

Une quinzaine d'années après le percutant et excellent (bien qu'un peu rallongé parfois) Life de Keiko Suenobu, les éditions Kurokawa s'intéressent à nouveau, depuis le mois de novembre, au délicat sujet du harcèlement scolaire, à travers une série dont le titre est sans équivoque: Harcèlement scolaire : La méthode du détective Imamura. Également connu sous le nom de "Detective of Bullying" à l'international, Ijime Tantei (de son nom original) est publié au Japon par les éditions Shogakukan depuis 2021 via les pages du magazine Yawaraka Spirits, et suit là-bas un rythme très tranquille et irrégulier puisque seul trois tomes sont parus à ce jour: les deux premiers en 2021, et le troisième en août de cette année. Mais si cette longue attente est le prix à payer pour avoir une oeuvre bien construite et soigneusement réfléchie dans son si important sujet de société, on fera avec !

L'oeuvre se présente donc comme un manga social écrit par Hirotaka Abe, qui s'inspire de son expérience réelle dans la gestion des cas de harcèlement scolaire, et illustré par Katsumasa Enokiya, connu auparavant pour son travail sur le manga Hibi Rock (inédit en France à l'heure où ces lignes sont écrites). L'intrigue suit le détective Imamura, un personnage chargé de lutter contre le harcèlement, en particulier dans le contexte scolaire. La série aborde des thèmes difficiles comme le vol, le racket, la violence, et les agressions sexuelles. Imamura aide les victimes en leur apprenant à se défendre, devenant ainsi un héros atypique dans cette lutte sociale.

Dans ce premier volume, l'affaire qui attend le "détective harcèlement" (comme il est surnommé) concerne de violentes brimades subis par un enfant en dernière année de primaire: le petit Kôji, qui doit subir au quotidien les violences et humiliations d'une petite bande de quatre garçons dont le leader se sent intouchable. Après une tentative de suicide de Kôji, sa mère célibataire et son grand frère Shintarô ont pris pleinement conscience de ce que connaît jour après jour le pauvre enfant... et pourtant, le petit garçon s'entête à ne rien avouer et à dire que tout va bien, prétextant qu'il est juste tombé du toit en voulant attraper un insecte. Alors, comment faire pour pousser Kôji à ouvrir son coeur, afin d'ensuite chercher un moyen de mettre fin à ce harcèlement ? En s'adressant à Imamura dont il a déniché l'adresse et qui s'occupe de ce type d'affaires gratuitement (car à côté de ça, il est suffisamment payé pour ses autres affaires), son grand frère Shintarô a peut-être trouvé la bonne personne...

Tout au long de ce tome d'environ 200 pages, les auteurs frappent fort en entrant immédiatement dans le vif du sujet, à travers une affaire de violences particulièrement impactante, entre la tentative de suicide de Kôji dès les premières pages et les représentations graphiques brutes de Katsumasa Enokiya, le dessinateur ayant le mérite d'afficher un rendu sans concessions sans pour autant tomber dans la violence gratuite. Résultat: on est tout de suite imprégné par la gravité de ce qui se joue... et, de ce fait, on est immédiatement révolté par certaines injustices qui apparaissent, principalement du côté de le direction de l'école qui fait tout pour ne pas trop s'en mêler, pour éviter les problèmes et pour ne pas ternir sa réputation.

Le combat d'Imamura a, alors, lieu sur tous les fronts: il faudra d'abord parvenir à faire ouvrir son coeur à Kôji, à le sécuriser, à lui montrer qu'il n'est pas seul, à lui faire trouver le courage de se révolter. Puis il faudra trouver le moyen de faire prendre leurs responsabilités aux adultes de l'école en faute. Enfin, il faudra veiller à ce que les brimades cessent réellement même après ça, et à ce que les coupables paient d'une manière ou d'une autre. Sur tous ces plans, le "détective harcèlement" la joue avant tout avec une franchise sans pareille (surtout pour redonner confiance en lui à Kôji et pour le pousser à aller de l'avant) et avec une certaine finesse, quitte à employer des moyens détournés quand les moyens plus normaux/légaux montrent leurs limites ou leur hypocrisie (coucou les réunions de réconciliation, assez typiques de la société nippone, et qui ne servent généralement à rien de concret sauf pour calmer très temporairement les choses ou pour permettre au corps enseignant de soulager sa conscience). On ne le croirait pas, mais derrière sa bonhommie et son positivisme rassurants se cache un homme prêt à tout pour sauver les victimes en détresse ! Et évidemment, l'expérience personnelle du Hirotaka Abe dans le domaine lui permet d'être très juste dans l'abord de ces sujets critiques et dans l'accompagnement des victimes: trouver comment réagir, savoir trouver les mots pour mettre la victime en confiance, l'écouter réellement en n'infantilisant et en en ne dédramatisant rien... Le rôle de l'oeuvre est alors triple : non seulement alerter sur ces harcèlements souvent trop passés sous silence jusqu'à ce que le pire arrive, mais aussi donner le courage aux victimes de s'opposer à leur condition, et enfin donner à l'entourage des clés pour savoir comment réagir. Et sur ce dernier point, Hirotaka Abe va plus loin via ses textes inter-chapitres dans lesquels il explique comment reconnaître les signes de harcèlement, comment rassembler des preuves, que faire dans telle situation, comment prendre en charge psychologiquement un enfant harcelé...

Véritable manga d'utilité publique, Harcèlement scolaire : La méthode du détective Imamura frappe donc fort dès son premier volume, au fil duquel les expériences de Hirotaka Abe permettent un abord très juste, rigoureux et salvateur du sujet, tandis que le travail visuel de Katsumasa Enokiya est là pour rendre les choses très impactantes. Un titre social à conseiller au plus grand nombre, et à placer dans tous les bons CDI d'établissements scolaires.

Côté édition, la copie proposée par Kurokawa est très propre: derrière une jaquette adaptant soigneusement l'originale japonaise, on trouve un papier à la fois souple et bien opaque, une très bonne qualité d'impression, un lettrage soignée de Véronique Pérez, et une traduction impeccable, limpide et très juste de la part de Fédoua Lamodière.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction