Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 20 Mars 2025
Avec son frère Rayan, le jeune Naïm embarque depuis le Maroc aux côtés de son frère Rayan pour l’Europe, en quête d’une vie meilleure. À peine arrivés sur le sol espagnol, les deux frères sont séparés, et Naïm se retrouve embarqué malgré lui dans un véritable tumulte digne des films de gangsters, jusqu’à atteindre la France où un foyer pour jeunes accepte de le prendre en charge. Bien que dépaysé, Naïm, passionné de football et déjà un talentueux joueur, voit la chance de sa vie de profiler quand il a l’occasion de participer aux sélections du Charmy Racing Club, une équipe locale qui a le vent en poupe, mais qui semble cacher quelques secrets…
Nouvelle création des éditions Paquet, « Golden Goal » a vu le jour ce mois-ci dans nos librairies et n’a peut-être pas manqué d’interpellé par sa couverture au doré chatoyant ainsi qu’à son petit prix d’appel donnant l’envie de tenter l’aventure. Derrière cette œuvre originale se cache le scénariste suisse Guillaume Main, auteur sur les bandes dessinées « Les scandaleuses » et « Red Stone », ainsi que le dessinateur chinois Weijun Ni, artiste passionné de films policiers et de football, fan du FC Barcelone et qui a déjà signé quelques petits succès dans son pays avec les récits « The White Spirit Killer » et « The Crow ».
Dès ses premières pages, ce premier tome de « Golden Goal » ne manque pas de nous interpeller par son entrée en matière présentant son héros, Naïm, immigré clandestin qui cherche aussi bien une belle épanouissante aux côtés de son frère qu’à concrétiser son amour du football, sport pour lequel il présente un talent certain en plus de son admiration pour le ballon rond qu’il considère comme un fétiche. Étant donné l’alarmante montée de l’extrême droite dans le monde et le racisme ambiant qui va avec, choisir un tel héros n’est pas anodin. Est-ce que le récit est voué à croquer à pleines dents une telle portée politique ? Difficile de le dire à ce stade, mais cela n’empêche pas ce choix d’être réussi par sa manière de nous introduire un Naïm extrêmement attachant, craintif envers ce qui l’attend dans une Europe qui ne veut pas forcément de lui, et particulièrement émouvant dans son affection qu’il porte au football. À côté, choisir un protagoniste dépaysé et sans attaches a du sens par rapport aux péripéties abracadabrantes qui l’attendent dans ce premier tome. Entre un début d’ascension sportive et un embrigadement malgré lui dans les activités illicites de la pègre locale, l’aventure de Naïm est particulièrement mouvementée, et lui retirer un foyer natal permet à l’intrigue de lui imposer ces événements, sans retour en arrière possible. Dès lors, le lecteur ne peut que rester attentif à son parcours qui se joue sur des deux fronts diamétralement opposés de prime abord, mais qui permettent à « Golden Goal » de naviguer entre le manga sportif et le récit d’action en terrain criminel. Improbable, mais efficace !
Une action donc réussie pour un volume finalement dense, mais particulièrement bien équilibré. De telles transitions, entre l’arrivée de Naïm en Europe, son court séjour en Espagne et son voyage rocambolesque vers la France où il fera ses débuts sportifs, était un vrai pari à assumer en un seul volume. Mais l’équilibre narratif est là, l’opus va à l’essentiel quand il le faut et sait insister sur des scènes d’action ou de football à des moments clés, pour nous immerger dans l’ambiance tantôt haletante, tantôt posée, et ainsi mettre en relief habilement ses enjeux. À ce sujet, le style de Weijun Ni est particulièrement efficace. Son storyboard est particulièrement clair, son train fin et ses compositions dynamiques, servant très bien le récit proposé par Guillaume Main. L’alchimie entre les deux auteurs semble présente, et on ne peut que se ravir de cette efficacité puisque ce démarrage est teinté de promesses qui laissent espérer un beau succès, et par conséquent une longévité. Car nous savons que le jugement des œuvres de création francophone est parfois sévère et que le couperet peut être aussi hâtif qu’impitoyable. Parce que ce premier tome offre des enjeux intéressants et de réelles prises de risque, ne serait-ce pour son mélange des genres et son protagoniste dont le parcours est plein de sens, on souhaite à « Golden Goal » la réussite qui lui permettra d’aller au bout de son histoire et de ses idées.
Côté édition, on peut saluer la jolie conception des éditions Paquet qui semblent croire en ce titre, ne serait-ce pour l’élégante couverture et sa dorure à chaud. On apprécie aussi la présence de quelques petits bonus tels que la conception des characters-designs, des planches tests ou encore plusieurs storyboards. Mais afin d’en connaître davantage sur la genèse de la série et sur l’ambition des auteurs, avouons que nous aimerions lire quelques commentaires de leur part dans les prochains opus.