Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 23 Mars 2009
« La vie, c’est l’instant de miracle qui précéde la mort. »
Un siècle après notre présent, Michuru Saeba et son compagnon de voyage perdent leur chemin au milieu de nulle part. C’est là que commence leur découverte d’une ville perdue, comme un oasis caché au reste du monde. A Lunatic city, tout est différent. Les citoyens voient leur ville comme une utopie merveilleuse, dans laquelle la mort n’a pas sa place. Pourtant, derrière ces affirmations sereines se cache un terrible secret. Les apparences seraient elles vraiment trompeuses ? Sur un fond d’enquête policière très bien menée, c’est un scénario accrocheur que nous proposent Hiroshi Mori, un des grands maîtres du polar japonais, et Yuka Suzuki, qui lui a prêté son trait. L’action est perpétuelle, sans relâchement. Ce manga, par sa densité scénaristique, n’est pas des plus facile à lire. Ce n’est donc pas la distraction banale qui nous attend dans ses pages, mais une profondeur psychologique impressionnante. De plus, à aucun moment de la première lecture on ne peut deviner le dénouement. Il faudra relire ce manga, peut être plusieurs fois, pour saisir toute la portée des nombreuses révélations. En effet, les indices tombent au compte gouttes et ne prennent leur ampleur qu’à la toute fin, après deux révélations coup sur coup. A l’image du caractère instable du héros, sa véritable identité reste longtemps un mystère insoluble.
« Je ne sais plus trop ce qu’est vivre … »
Il est difficile de percevoir le centre nerveux de cette histoire, tant les relations entre les personnages sont complexes. Toutes ont leur importance, et c’est à travers des petits riens que l’auteur nous guide vers la vérité que recherche tant Michuru. L’organisation et le mode de pensée de la cité reste longtemps dans l’ombre, et la découverte progressive de ses mœurs et coutumes trouble le lecteur, tout comme la portée presque philosophique du manga. En effet, Hiroshi Mori s’attarde sur la question de Dieu, de la mort, de la vengeance, de l’humanité en elle-même … Il pose la question de la différence entre homme et chose vivante avec beaucoup de justesse, et éprouve un malin plaisir à mettre en relief toutes les tares de la société actuelle, qui ne vont faire que progresser. A travers un univers futuriste, il séduit l’imagination et dénonce dans un même temps.
« Avant de me juger … Tu dois d’abord essayer de m’aimer ! »
Cet environnement, futuriste mais réaliste, est servi par un graphisme qui a ses particularités. Ce manga se détache réellement des classiques, et ce à tous points de vue. Tout d’abord, la densité de l’intrigue et le dynamisme des péripéties sont mis en valeur par une mise en page convaincante et une alternance entre vide et chargement des pages. Malgré son talent pour rendre compte d’une dimension particulière, ainsi que des sentiments des personnages qui sont rapidement identifiables, Suzuki est irrégulière dans son trait. En effet, l’aspect morbide des graphismes donne de la profondeur au manga mais il arrive que cette qualité devienne parfois gênante. De plus, si les représentations de Michuru sont parfois sublimes, le côté brouillon des autres protagonistes se fait sentir. La profondeur du trait est surtout axée sur les personnages passionnants, tant d’un point de vue psychologique que scénaristique.
En somme, et malgré les quelques fautes d’orthographe relevées dans l’édition ainsi que les inégalités graphiques, God save the Queen est un petit bijou du polar futuriste. Il faut prendre le temps de le lire et de le relire, mais la portée philosophique en vaut la peine. A ne pas prendre à la légère, cette lecture est cependant réservée aux lecteurs avertis, que certains dessins ne choqueront pas, et à qui la réflexion ne fait pas peur.
« La regarder c’est perdre ! En parler c’est mourir … »