Genesis Vol.1 - Actualité manga
Genesis Vol.1 - Manga

Genesis Vol.1 : Critiques

Sôsei no Taiga

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 04 Mars 2022

Grand ami du regretté Kentarô Miura, qu'il connaissait depuis le lycée et dont il fut l'assistant à une époque, Kouji Mori est un auteur dont la carrière de mangaka a démarré tardivement, après avoir notamment été mûrie suite à son accident de moto, à l'âge de 25 ans, où il faillit perdre la vie et qui l'a poussé à prendre un nouveau départ. Réellement lancée en 2000 (même s'il avait commencé à écrire sa toute première série, Holyland, depuis quelques années), sa carrière professionnelle dans le manga compte, à ce jour, 5 séries (la plupart étant assez longues), dont une seule avait été publiée en France jusqu'à présent: Suicide Island, série en 17 tomes publiée entre 2011 et 2017 par Kazé Manga et qui, malgré de grosses rallonges et répétitions, développait tout un propos assez philosophique et profond autour de la vie. Il aura donc fallu attendre ce mois de mars 2022 pour enfin retrouve l'auteur dans notre langue, grâce aux éditions Vega-Dupuis qui ont décidé de nous faire découvrir Genesis. Lancée au Japon en 2017, sous le titre Sousei no Taiga (littéralement "Taiga de la Genèse"), dans les pages du magazine Evening des éditions Kôdansha (le magazine de Gunnm Last Order et Mars Chronicle, de Coq de combat et de Last Hero Inuyashiki, entre autres), l'oeuvre compte actuellement 9 volumes.

Genesis nous immisce auprès de Taiga, un étudiant japonais en anthropologie, et de 6 de ses amis de promo. Tous ensemble, en vue de leur thèse de fin d'études, ils ont décidé d'effectuer un voyage en Australie, pour découvrir les coutumes et l'art des aborigènes du pays. Ca n'aurait dû être qu'un voyage entre étudiants, mais aucun d'eux n'aurait pu s'attendre aux événements voués à bouleverser leur vie. Quand ils découvrent, dans une grotte, une peinture rupestre visiblement très ancienne mais bien différente des peintures aborigènes habituelles, ils sont forcément excités et persuadés d'avoir fait une grande découverte... mais cette découverte, ils n'auront pas l'occasion d'en faire part. Bientôt, un violent effondrement a lieu dans la grotte. Et quand le petit groupe parvient enfin à l'extirper du lieu, le paysage extérieur n'a plus rien à voir avec ce qu'ils connaissaient: la forêt et la nature sauvage s'étendent partout, des créatures sorties d'une autre époque très lointaines s'agitent devant eux... Bientôt, le doute n'est plus permis: ils ont mystérieusement été propulsés dans un monde ancien et primitif, sans doute situé quelque part pendant la très vaste Préhistoire...

Les histoires de jeune gens de notre époque soudainement projetés dans un monde préhistorique où il n'existe aucune trace de civilisation moderne, c'est loin d'être nouveau, et ça peut généralement donner tout ou rien, partir sur du nanar ou, au contraire, développer des sujets particulièrement intéressants, comme nous l'a encore prouvé la réédition en 2021 de l'excellent manga Blue Hole de Yukinobu Hoshino. Fort heureusement, Genesis semble partir dans une voie réfléchie, où Mori tâche d'éviter pas mal d'écueils pour lancer un manga de survie ayant déjà tout, à terme, pour développer certaines réflexions. Et cela, on le ressent très vite à travers le portrait qui nous est fait du personnage principal, Taiga. Dans les premières pages, le jeune étudiant nous est présenté comme un garçon en perte de repères et ne ressentant pas grand chose dans son existence: son ex l'a plaquée quelques mois auparavant car il semblait incapable d'exprimer des sentiments réels, il ne s'est jamais senti spécialement ému par ce qui l'entoure comme si tout était banal et déjà tout tracé, il ne trouve pas vraiment sa voie, a le sentiment de n'être personne, d'être une coquille vide... mais cela risque fort de changer au fil de ce qu'il découvre dans le monde primitif où il est projeté avec ses amis. Un monde qui le rend désespéré au départ mais qui a aussi quelque chose qui le fascine et l'appelle, de par sa sauvagerie, sa nature, son retour aux sources... son combat permanent pour simplement vivre. Et où , précisément, il pourrait bien, enfin, saisir la vie à pleines dents et se sentir vivant. Celles et ceux ayant lu Suicide Island ne seront pas surpris par cette manière d'aborder les choses: Kouji Mori propose, dans ces deux séries, exactement le même type de personnage principal, et dès lors on a facilement envie de lui faire confiance pour continuer d'aborder, à travers Genesis, ses réflexions sur le fait de vivre.

Mais cette vie, forcément, nos étudiants perdus devront l'organiser. Une fois les premières interrogations passées (où sont-ils ? A quelle époque ? Tout cela est-il bien réel ? Pourront-ils rentrer chez eux ?), ils comprennent bien que, dans ces contrées sauvages, il leur faudra se battre en permanence pour ne pas mourir. Analyser et comprendre ce nouveau cadre de vie, flairer les dangers, penser à l'eau, à la nourriture et à un habitat un minimum sûr... des choses qui sont efficacement installées au fil de ce tome d'introduction. Mais le récit ne s'arrête pas à ça, l'auteur tâchant de soigner le cadre primitif dans lequel le groupe doit désormais vivre, entre découverte de différentes créatures dessinées le plus fidèlement possible (à l'image des chalicotherium ou des mammouths), ou les prémisses de premiers contacts avec l'espèce qui est peut-être la plus dangereuse de l'époque: l'homme lui-même. Néandertaliens et homo sapiens sont effectivement déjà brièvement au programme, et même si on pourra tiquer un peu sur l'allure un peu idéale/sexy de la jeune femme homo sapiens apparaissant dans les dernières pages, le fait est que Mori essaie généralement d'être crédible dans les anatomies, comme en attestent sûrement ses outils de documentation précisés en fin de tome. Enfin, alors que certains connaisseurs pourraient éventuellement tiquer sur la cohabitation entre des espèces qui ne se sont peut-être jamais côtoyées dans le temps ou sur leur répartition géographique, là aussi le mangaka apporte une petite justification: la paléobiologie se basant sur l'étude des fossiles qui peuvent être retrouvés, rien ne dit que ce qu'il met en scène est impossible à 100%.

A l'arrivée, Genesis s'offre une mise en place convaincante. Immersive, l'oeuvre voit Kouji Mori déjà distiller ses thématiques emblématiques autour de la vie, à travers un récit pour la survie qui devrait réserver son lot d'événements. Espérons que ses belles promesses se confirmeront !

L'édition française proposée par Vega-Dupuis est, qui plus est, tout à fait honnête, entre une jaquette légèrement retravaillée par rapport à l'originale nippone et dotée d'un logo-titre bien dans le ton imaginé par Daphné Belt, une traduction impeccable de Satoko Fujimoto, un lettrage très propre (lui aussi signé Daphné Belt), un papier certes fin mais souple et sans transparence, et une qualité d'impression honorable malgré quelques légers moirages par moments.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs