Garçon et le Dragon (Le) : Critiques

Hitoribocchi ga Tamaranakattara

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 16 Décembre 2025

Dernière nouveauté de Doki-Doki pour cette année 2025, Le Garçon et le Dragon est arrivé en librairies début décembre, après un report de quelques semaines puisque sa publication était initialement prévue dans les premiers jours du mois de novembre. Prépublié au Japon en 2022-2023 sous le titre "Hitoribocchi ga Tamaranakattara" (ce qui signifie "Si vous ne supportez pas la solitude", une référence à un poème japonais que l'autrice explique dans un mot dans le tome) sur le très artistique site PIE Comic Art de l'éditeur Pie International, ce gros one-shot d'environ 330 pages fut le tout premier manga professionnel d'Idonaka, illustratrice et mangaka aimant mettre en scène de jeunes personnages humains aventureux accompagnés de créatures non humaines.

C'est exactement ce que l'artiste nous propose ici, en nous contant une bien peu commune rencontre: celle du jeune Shitarô, un garçon de 13 ans, avec un dragon divin qu'il va rapidement nommer Yamabuki. Se réveillant dans l'étang où vit cette créature, en ne sachant pas comment il est arrivé là et en étant amnésique, l'enfant prend d'abord, fort logiquement, peur face à cet être qu'il voit comme un monstre prêt à le dévorer ! Mais la réalité va rapidement être tout autre: éternellement seul puisque les gens qu'il aide finissent toujours par l'oublier au fil du temps, le dragon croit voir enfin arriver là l'épouse qu'on lui avait promise il y a bien longtemps. Et même si ce n'est pas le cas, le garçon et le dragon, en quelque sorte liés par une même solitude, vont rapidement se rapprocher, nouer un lien très fort au fil d'une journée qui va bouleverser à tout jamais leur existence.

Prenant la forme d'un conte fantastique ancré dans une part de folklore mais sachant aussi, à travers le passé de Shitarô particulièrement difficile, narrer des choses plus graves, le récit d'Idanaka vise avant tout à narrer la manière dont deux êtres normalement opposés en tout et n'étant même pas de la même espèce vont nouer un lien prenant racine dans leur solitude respective et dans ce qu'ils comprennent l'un de l'autre, pour un résultat très facilement touchant, et animé de plus belle par quelques personnages secondaires suffisamment bien campés.

Mine de rien, l'histoire se veut assez riche en rebondissements et en thématiques assez universelles, en tête desquels la solitude, la découverte de ce qui peut nous lier derrière nos différences, ou même certaines des pires facettes de l'être humain via le passé de Shitarô. De ce fait, même si l'ouvrage se veut épais, le déroulement reste parfois rapide au vu de tout ce qui est raconté, et le fond même du récit n'est pas spécialement surprenant même s'il faut avouer que l'autrice prépare très bien ses révélations sur Shitarô, au vu des quelques indices et autres éléments mystérieux distillés dans la première partie du récit. Et bien que l'ambiguïté de la relation entre les deux protagonistes pourra éventuellement apparaître un petit peu cringe selon la sensibilité de chacun (parce que bon, Yamabuki ne perd jamais de vue son désir de faire de Shitarô son épouse, alors qu'il s'agit d'un gosse), on préférera largement retenir tout ce qu'ils s'apportent, et se régaler face aux différents élans de joie et de candeur de ce dragon resté seul pendant bien trop longtemps.

Enfin, au vu de la jaquette ravissante et de la prépublication japonaise de l'oeuvre sur le PIE Comic Art, on pouvait attendre beaucoup du travail graphique d'Idonaka, et dans l'ensemble l'artiste ne déçoit pas. Derrière des designs assez ronds, légers et plutôt classiques pour ses personnages humains, l'autrice sait surtout jouer, les concernant, sur leur expressivité et sur la douceur qu'ils peuvent dégager. Le design de Yamabuki, lui, est très réussi et très expressif aussi sans être surchargé, tandis que les décors sont généralement bien présents et très soignés, surtout dans le cadre du sanctuaire. Mais par dessus tout, on appréciera peut-être surtout le souffle et les belles envolées que la mangaka proposera à plusieurs reprises, à travers certains pleines planches et plusieurs découpages très beaux.

On ressort alors plutôt satisfait de cette lecture, Idonaka mettant pleinement ses qualités visuelles au service d'un conte bien mené, assez prévisible dans ses avancées mais surtout très attachant et facilement touchant. Qui plus est, Doki-Doki a mis les bouchées doubles pour faire de ce pavé un bel objet pouvant éventuellement finir au pied de certains sapins de noël: le grand format s'applique fort bien à un récit de 330 pages comme celui-ci et met bien à l'honneur les dessins d'Idonaka, la jaquette attire très facilement l'oeil, le papier est à la fois épais, souple et suffisamment opaque, l'impression est de bonne facture, la traduction de Fédoua Lamodière est très naturelle et fluide, le lettrage de Jean-François Leyssène est soigné, les huit pages en couleurs sur papier glacé (quatre au tout début et quatre à la toute fin) sont un vrai plaisir pour les yeux en nous gratifiant de quelques belles illustrations), et la postface de l'autrice pour son public français est également un vrai petit plus.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction