Forêt aux lapins (la) Vol.1 - Actualité manga

Forêt aux lapins (la) Vol.1 : Critiques

Usagi no mori

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 16 Juillet 2020

Découverte en 2018 dans la collection Hana des éditions Boy's Love avec la toute première série de sa carrière Depth of Field, la manga Enjo est revenue chez l'éditeur fin mai dernier avec sa deuxième et à ce jour dernière oeuvre en date: La forêt aux lapins, alias Usagi no Mori, un manga qu'elle poursuit toujours actuellement, depuis 2018, dans les pages du magazine japonais Craft des éditions Taiyô Tosho, magazine ayant accueilli un certain nombre de titres doux et de qualité comme Qualia under the snow, Goodbye Lilac, Tamayura ou encore Seule la fleur sait....

Ce nouveau récit nous plonge aux côtés de Tamaki Yuminaga et Shunta Shii, deux garçons inséparables depuis leur plus tendre enfance. Devenus amis en primaire, ils le sont toujours restés au fil des années, quand bien même ils ont parfois été un peu éloignés l'un de l'autre et Shunta n'est jamais allé chez Tamaki. Cette amitié forte a pourtant, au fil des ans, pris une autre tournure pour Shunta, qui a vu ses sentiments pour Tamaki devenir différents d'une simple amitié... Seulement, comment serait-il capable de lui avouer ces sentiments ? D'autant que toutes les années passées avec Tamaki lui ont aussi permis de comprendre certains tourments chez son ami, notamment sur le plan familial. Pourtant, de prise de conscience en doutes et craintes, peut-être faudra-t-il bien avouer, un jour, cet amour unique, le seul qu'il connaît depuis son existence...

Enjo s'approprie donc ici le sujet déjà largement vu d'une amitié d'enfance forte ayant tourné en amour, mais la mangaka l'aborder à sa manière, et c'est bien ce qui fait toute la beauté de son récit. Car ici, hors de question de précipiter les choses: en jouant parfois volontiers dans le temps, l'autrice s'applique à décortiquer, période par période (primaire, collège, lycée), l'évolution naturelle des sentiments de Shunta, et tout ce que cela a pu impliquer concernant son état d'esprit. L'innocence de la tendre enfance, où il est question de bisous/câlins faits à ceux que l'on aime (sa maman, par exemple), laisse peu à peu place en Shunta une découverte progressive de ce qu'il ressent vraiment... et, en premier lieu, une peur face à ces sentiments. Aimer un autre garçon, est-ce normal ? C'est ainsi qu'il s'interroge, également accompagné, au fil du temps, par des choses typiques de la puberté. Hormis dans le chapitre bonus explicite, pas de voyeurisme chez Enjo: elle aborde chaque étape avec réalisme et douceur, sans pour autant occulter des moments tout naturels (comme la première masturbation/éjaculation de Shunta) qu'elle croque finement, et dont elle sait aussi tirer parti pour travailler de plus belle le ressenti de son héros. C'est de cette manière que l'on suit la découverte de l'orientation sexuelle du garçon, sa peur face à cette découverte, son rejet de soi face à cette situation (par exemple, il tente parfois de s'éloigner longuement de Tamaki, notamment quand il a une petite amie), sa difficile acceptation qui le poussera forcément un jour à avouer la vérité...

Ce qu'il y a de plus joli dans tout ceci, c'est sûrement que Shunta ne raisonne pas forcément en terme d'hétérosexualité/homosexualité. La question n'est pas qu'il aime les garçons ou les filles, mais simplement qu'il aime Tamaki, son ami étant alors une troisième catégorie où il est le seul, l'unique. Mais évidemment, face à tout ceci, Tamaki n'est aucunement oublié dans son développement, bien au contraire. Et au fil des différentes périodes de sa vie, c'est essentiellement à travers le regard que Shunta pose sur lui que l'on découvre ce garçon, que l'on devine ses problèmes familiaux, que l'on comprend ce qui se cache derrière certains de ses comportements (ses sourires cachant quelque chose, sa crainte des filles...), jusqu'à ce qu'il finisse par se confier lui-même (et dès lors, certaines choses, comme sa vision des bisous quand il est enfant, prennent un autre sens quand on découvre mieux sa mère).

Visuellement, Enjo a un trait véritablement beau, surtout pour une mangaka qui est encore en début de carrière. Ses designs sont soignés et portées par une petite palette d'expressions à la fois nuancées et assez typiques pour chaque héros (les sourires doux de Tamaki cachant autre chose, les airs blasés/déconnectés de Shunta...). Très présents, les décors réalistes (extérieurs comme intérieurs) contribuent beaucoup à l'immersion. Les angles sont souvent très soignés (surtout quand il s'agit de faire ressortir les visages des deux héros), et la dessinatrice s'essaie régulièrement à des découpages et mises en scène assez ambitieuses, comme pendant la course vers la fin du tome, vécue à travers le regard de Tamaki.

En somme, il s'agit d'un très bon début, attachant et immersif, abordant avec soin et beauté l'histoire de ces deux garçons, le tout étant servi dans une édition tout à fait satisfaisante. Première page en couleur, papier souple et assez épais, impression correcte, et traduction limpide de Laurie Asin qui sait efficacement mettre en valeur le ressenti des personnages.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction