Fleur de l'ombre Vol.1 - Actualité manga
Fleur de l'ombre Vol.1 - Manga

Fleur de l'ombre Vol.1 : Critiques

Sumire Hakusho

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 08 Janvier 2019

Enfin reconnu à sa juste valeur en France depuis l'exposition à Angoulême qui lui a été dédiée en janvier 2017, le regretté Kazuo Kamimura n'a pas attendu cette reconnaissance pour être poussé par Kana, son éditeur historique chez nous: voici déjà plus de 11 ans qu'à travers sa collection Sensei, l'éditeur s'applique petit à petit à explorer la carrière de ce brillant portraitiste d'une jeunesse nippone en recherche d'émancipation. Et cette exploration continue en ce début d'année 2019 avec Sumire Hakusho, une série en 4 tomes publiée en 1976-1977 dans l'excellent magazine Manga Action des éditions Futabasha. En France, l'oeuvre sort sous le nom Fleur de l'Ombre, en deux épais pavés en grand format, le premier d'entre eux faisant un peu oins de 500 pages.

Les jeunes adultes cherchant à sa sortir des carcans imposés par la société japonaise sont très souvent au coeur des séries du maître, et il en est de même ici à travers une nouvelle héroïne belle et fascinante, comme l'auteur sait si bien les faire: dans les années 1970, Sumire Hayashi, la vingtaine, a grandi sans connaître les idéaux sociaux imposés par la norme. Son père, ami d'un politicard assez connu, a vite fait de les abandonner, elle et sa mère, quand Sumire était encore petite. Depuis, la fillette devenue adolescente puis jeune adulte n'a fait que vivre en observant sa mère, devenue à moitié folle et partie en hôpital psychiatrique à force d'attendre en vain que l'homme qu'elle aimait revienne un jour. Quand sa mère finit par se suicider dans sa chambre d'hôpital, Sumire se promet de ne jamais devenir comme elle. De ne jamais dépendre de qui que ce soit, et encore moins d'un homme. Elle a la volonté de vivre comme elle l'entend, de rester libre, quitte à se servir de son propre corps pour atteindre cette liberté. Mais est-il si facile d'échapper aux entraves faites aux femmes par la société ?

La condition féminine dans le Japon des années 70 ou avant est très loin d'être une nouveauté dans la bibliographie de Kamimura, et elle a déjà pu prendre de nombreuses formes différentes, ne serait-ce que dans Lady Snowblood ou Le Club des Divorcés. Toutefois, Fleur de l'ombre est peut-être l'un des travaux du maître où il aborde le plus en profondeur le sujet, tant tout tourne autour de la volonté de la jeune Sumire de s'extirper de ce que la société nippone cherche à lui imposer en tant que femme: mariage, dépendance aux hommes, etc... des choses que l'assez longue postface conçue par Anne Garrigue pour l'édition française expose assez bien dans les grandes lignes, afin de contextualiser au mieux l'oeuvre. On suit donc le parcours de cette héroïne séduisante avec beaucoup d'attachement et d'intérêt, d'autant plus que sa quête de liberté ne peut être si aisée dans un Japon qui reste en plein changement et où ces changements ne cherchent pas forcément l'égalité. Ainsi, en usant de son corps pour s'extraire des normes, ne risque-t-elle pas justement de finir par se retrouver prisonnière de ce qu'elle cherche à éviter ? D'autant plus que la nature humaine est ce qu'elle est, et que d'inévitables sentiments pourraient finir par s'en mêler.

Le récit de Kamimura est bien construit, l'auteur sait notamment très bien exploiter ses personnages secondaires. Comme cet homme d'âge assez mûr avec qui Sumire passe un contrat. Ou tout simplement sa collègue de travail qui, bien qu'elles soient toutes deux amies, est un peu son opposée, autant physiquement que dans ses ambitions où elle cherche un mari, est déjà décidée à arrêter de travailler quand elle en aura un (comme le veut la nome)... bref, à chercher une forme de bonheur dans ce qui est prédéfini par les conventions sociales. Cette femme un peu enrobée, assez modeste et au caractère moins distingué que Sumire s'avère assez attachante à suivre elle aussi, d'autant plus que Sumire ne se montre pas toujours tendre avec elle dans ses paroles.

Visuellement, c'est évidemment superbe, comme toujours de la part de cet artiste à la patte si reconnaissable et affirmée. On pourrait parler longtemps de ses designs ayant parfois des allures d'estampe, de la finesse de son trait, de ses angles de vue typiques (notamment les vues de haut), de ses découpages venant insister sur certaines parties du corps comme les yeux ou la bouche (offrant une sensualité encore plus forte), de ses nombreuses métaphores visuelles, de ses envolées lyriques passant par des chansons, poèmes ou autres... Et comme le suggère le titre français, l'ombre a ici plus d'une fois son importance, que Sumire soit parfois tapie dans la pénombre, au contraire plus en lumière, ou qu'elle ait elle-même le visage ou la silhouette très assombris lors de moments où l'on comprend alors tout de suite toute sa difficulté à s'extirper de certaines épreuves.

Pour un pavé de presque 500 pages en grand format, Kana nous offre un livre facile à prendre en main. La reliure et le papier sont très souples, ce dernier est également très léger et assez fin sans pour autant souffrir de problèmes de transparence... A la traduction, Jacques Lalloz offre un travail honnête, fluide et sans fautes.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs