Fièvres Nocturnes - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 05 Septembre 2022

Après Rêve écarlate en février 2016 et, dans un autre format, l'ouvrage culte Red Box (son plus célèbre livre au Japon) en mars 2019, l'illustre Toshio Saeki a enfin fait son retour chez Cornélius en juin dernier, l'éditeur continuant donc de donner l'occasion à tout un public de découvrir ou redécouvrir un artiste incontournable de sa catégorie. Car Saeki a beau nous avoir malheureusement quittés en novembre 2019 à l'âge de 74 ans, il laisse derrière lui une oeuvre riche de très nombreuses illustrations formant une pierre angulaire de l'ero-guro, ce courant entremêlant l'érotisme et le grotesque (d'où son nom) et né au Japon dans les années 1930 sous l'impulsion, principalement, d'Edogawa Ranpo. A l'instar d'un Hideshi Hino dans le manga, Toshio Saeki a su, dans les années 70, mettre ses talents d'illustrateur au service de ce courant, permettant à la fois de braver les censures nippones de l'époque qui brimaient quelque part la liberté de création artistique, et de métaphoriser les angoisses des jeunes de sa génération à travers des images où la part gore et étrange, en provoquant le dégoût ou le rire, permettait une sorte de catharsis face aux déviances, à la violence, à la cruauté de la société humaine.

Dans la directe continuité de Rêve écarlate (l'ouvrage est d'ailleurs proposé dans le même format cartonné rigide avec jaquette, papier légèrement cartonné et excellente impression), Fièvres nocturnes réunit, sur environ 200 pages, que ce soit tantôt en pleines pages tantôt en doubles-pages, les illustrations que Toshio Saeki a réalisées entre août 1972 et mars 1974 pour la célèbre revue SM Selecto, magazine underground ayant permis, à son époque, à la jeunesse artistique nippone de s'exprimer librement, en étant bien souvent tourné vers le sadomasochisme sous toutes ses formes comme le laisse deviner son nom. Au fil des illustrations où le trait et les aplats de couleurs un peu pop et acidulées peuvent souvent rappeler la célèbre ligne claire chère au belge Hergé ou au hollandais Joost Swarte, Saeki laisse libre cours à son imagination pour dévoiler des scènes folles et débridées, évidemment réservées à un public averti, et où généralement les jeunes filles sont les sujets de fantasmes de figures masculines prenant bien des formes, que celles-ci soient plus ou moins humaines, adoptent des éléments freaks voire nous évoquent certains yôkai.

Sans trop de surprise de la part du regretté maître, il s'agit d'un régal d'imagination, souvent provocatrice et au style visuel toujours ravissant.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction