Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 14 Décembre 2017
Publiée de 1997 à 1999 dans le magazine Big Comic de Shôgakukan et lauréate d'un prix chez son éditeur, la série en deux volumes Honjitsu mo Kyûshin arrive en France aux éditions Black Box sous le titre Fermé pour la journée. Au programme, une tranche de vie épisodique se déroulant dans la campagne japonaise reculée.
Nous voici donc à Nasu, un village situé dans les hauteurs montagneuses de la préfecture de Tochigi, au nord de Tokyo. C'est dans ce patelin situé 1000 mètres au-dessus du niveau de la mer que le Docteur Mikawa tient, depuis de nombreuses années, sa clinique, la plus petite clinique du Japon, une petite bâtisse en bois. Il a rarement des clients, non seulement parce que les gens préfèrent aller à l'hôpital en ville, mais aussi parce que beaucoup le prennent pour un charlatan ! Il faut dire que si cet homme se plaît tant dans ce village de montagnes, c'est pour son cadre ! Il ne manque pas une occasion d'afficher son panneau "fermé pour la journée", pour aller se promener, ou pour s'adonner à sa passion qu'est la pêche aux ayu. Ainsi, même s'il a le revenu le plus bas du pays pour un docteur, il mène une vie paisible. Comme quoi, pas forcément besoin d'avoir beaucoup d'argent pour être heureux !
Basée sur une histoire de Taizan Mikawa, l'oeuvre se découpe en chapitres d'environ une vingtaine de pages et plutôt indépendants, où à chaque fois il arrive une nouvelle chose au docteur. Il s'agit parfois d'une simple sortie, de souvenirs qui se rappellent à lui concernant certaines personnes, ou de différentes rencontres avec les personnes habitant dans le village ou dans les kilomètres aux alentours. Si certains passages permettent d'entrevoir un petit peu des éléments du passé (jusqu'à l'enfance) de Mikawa, d'autres sont marqués par la découverte de personnages secondaires assez bien campés dans leur genre. Certains sont récurrents, comme l'agent de police rustre et idiot Chabatake avec qui le docteur (et un peu tout le village) s'entend très mal tant il est strict et coincé. D'autres n'apparaissent que le temps d'un chapitre, et on les découvre avec un certain intérêt, dans leurs moeurs parfois très libres (certains baisent un peu à tout-va) et très décalées par rapport au monde moderne, mais aussi dans l'humanité qu'ils peuvent avoir au fond d'eux. Ici, on pense par exemple à l'enfant attardé mental annonçant la mort de sa courageuse mère comme si de rien n'était, ou à la dénommée Yuki, femme de bonne famille qui a passé toute sa vie avec un rustre de basse condition sans jamais vraiment avouer ce qu'elle ressentait. Ces habitants paraissent tantôt étranges, tantôt un peu bizarres, tantôt familiers et attachants, et il se dessine alors un microcosme intéressant, témoignant sans doute d'un certain quotidien dans le Japon reculé d'il y a plusieurs années. Mais dans tout ça, on ne peut s'empêcher de regretter parfois la brièveté de certains récits, certaines chutes trop rapides, voire certaines situations qui laissent vraiment trop circonspect. Par exemple, on pense au passage où le docteur laisse entrer chez eux en pleine nuit et pendant une tempête de neige deux petits garçons qui doivent faire 4km à pieds pour entrer chez eux, en leur disant de revenir le voir les jours suivants. Il n'a finalement jamais de nouvelles d'eux, et ne s'en inquiète pas du tout...
On retrouve ici le dessin un peu old school du mangaka, très expressif et efficace pour offrir des tronches assez marquées et réussies (par exemple, Chabatake avec sa tête carrée pas très chaleureuse). Ishikawa s'est beaucoup appliqué sur les décors de la région, avec sa ruralité, les montagnes aux alentours, la forêt... Il accentue son travail sur le cadre en évoquant bien les saisons qui passent avec leurs lots d'éléments spécifiques (tempêtes de neige, floraison...), mais aussi en nous immisçant dans certains recoins ou en les évoquant : le bar, l'onsen, le rotenburo, le vieux temple, le hameau...
Du côté de l'édition, dommage que les textes soient ponctués de plusieurs petites coquilles. Hormis ceci, le travail effectué est plaisant avec une traduction très claire de Mélissa Millithaler, un travail de lettrage soigné, un papier souple et une bonne impression.