Femme Serpent (la) - Actualité manga

Femme Serpent (la) : Critiques

Hebi Onna

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 06 Janvier 2017

Après La Maison aux Insectes et Le Voeu Maudit, le troisième recueil de l'anthologie horrifique de Kazuo Umezu à atterrir chez le Lézard est la Femme Serpent, de son nom original Hebi Onna qui est le premier grand succès de l'auteur au Japon.

Au programme de cet imposant pavé de plus de 320 pages, trois récits qui ont originellement vu le jour en 1965 et 1966, et qui tournent tous trois autour d'une même figure horrifique, celle donnant son nom au livre.
La première histoire nous invite à suivre Yumiko, petite fille dont la mère est hospitalisée. Un jour, celle-ci fait part à sa fille d'une rumeur : quelque part dans l'hôpital, il y aurait une femme se prenant pour un serpent et qui aurait des écailles ! Bien qu'un peu effrayée par cette histoire, la fillette, cédant à sa curiosité, part à la recherche de cette sois-disant femme serpent. Elle finit par tomber sur une femme d'apparence tout à fait normale, mais qui lui demande de lui montrer une photo de grenouille dans son manuel scolaire. Yumiko s'exécute, mais ne sait pas encore à quel point ce simple geste va faire basculer sa vie. La nuit suivante, la femme, stimulée par la photo, s'échappe en rampant, et se retrouve nez à nez avec la mère hospitalisée de Yumiko qui lui ressemble beaucoup... A l'heure où sa maman doit sortir de l'hôpital et revenir à la maison, Yumiko aurait dû être heureuse. ais celle-ci semble avoir perdu la mémoire et a des comportements inquiétants... Sa maman est-elle encore sa maman ?
La deuxième histoire est dans la continuité directe de la première, et emmène Yumiko jusque dans un village au fin fond des montagnes, là où vit sa tante qui lui propose de séjourner sur place quelque temps en vacances. Yumiko devrait se réjouir de ce séjour, de revoir sa tante, mais aussi sa jeune cousine Kyôko. Mais dès son arrivée, rien ne se passe comme prévu, l'atmosphère est sombre, les gens sont inquiets, car une prédiction vient d'annoncer le retour d'une femme-serpent...
Quant à la dernière histoire, elle commence sur un bref flashback nous plongeant dans un drame horrifique ayant eu lieu en août 1907, avant de nous inviter à suivre les déboires de deux petites filles, Satsuki et Yôko. Suite à la mort soudaine et dans des conditions étranges de sa seule famille; la petite Yôko se voit adoptée par une femme dont elle ne soupçonne pas la nature. Une femme avide de vengeance...

Pour son époque, et pour son premier grand succès, on peut dire qu'Umezu affiche de belles ambitions à travers cette succession de trois histoires, de par le fait que celles-ci sont étroitement connectées et qu'elles cherchent à construire un certain mythe inscrit sur plusieurs décennies à travers la figure horrifique de la femme-serpent. Mine de rien, l'auteur construit toute une petite chronologie autour de cet être effroyable, ce qui ne fait que la rendre plus "palpable", plus crédible, plus angoissante.

On retrouve au fil des pages des choses qu'Umezu  montrera souvent dans la suite de sa carrière, à commencer par une façon délicieuse de malmener les innocentes figures enfantines. Ici, il s'agit uniquement d'adorables fillettes, un choix qui peut probablement s'expliquer en voyant le magazine de prépublication d'origine des trois histoires : le Shôjo Friend, destiné avant tout aux jeunes filles. Et même si l'on reconnaît facilement le dessin d'Umezu avec son découpage académique et clair et ses encrages profonds, on note un design des héroïnes jouant beaucoup sur leur côté mignon : silhouette innocente, jupette, yeux parsemés d'étoiles, longs cils, impression de fragilité enfantine encore renforcée par certaines astuces (la petite Mariko qui est aveugle, par exemple)... L'objectif est réussi, d'autant plus que ce côté adorable des gamines contraste à merveille avec le monde de noirceur et d'horreur où elles sont plongées, avec notamment quelques scènes de transformation excellentes.
D'autres éléments récurrents d'Umezu sont déjà là eux aussi. On pense surtout à sa façon de transformer en figures d'angoisses des lieux et personnes habituellement rassurants : la famille proche (monstrueux, ou alors incrédules face aux angoisses des enfants), les lieux de vie (la chaleureuse demeure familiale dans la première histoire, dans la 2ème histoire la vieille maison de campagne de la tante où ça craque et où l'on entend ramper sous le plafond, dans la troisième histoire la maison traditionnelle et son pavillon où il est interdit de pénétrer...). Et tout cela, quand le moteur d'angoisse des fillettes ne vient pas... d'elles-mêmes ! A quelques reprises, Umezu s'amuse à brouiller un peu les pistes chez ses jeunes héroïnes entre réalités et angoisses, mais pose également dans la transformation en serpent un phénomène auquel elles ne peuvent rien... et s'il y avait plus de femmes serpents qu'on ne le pense ?

Le résultat est un recueil plaisant, qui accuse peut-être un peu la jeunesse d'Umezu à l'époque, mais qui pose beaucoup de bases qui feront son style. La lecture est addictive, et est une nouvelle fois servie dans une fort belle édition où brillent le papier ou encore la traduction sans fausse note de Miyako Slocombe.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs