Face aux étoiles Vol.1 : Critiques

Hoshizora no Karasu

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 11 Octobre 2024

S'évertuant à explorer, depuis toujours, la diversité du shôjo, les éditions Akata nous proposent cette fois-ci de découvrir, en ce mois d'octobre, un manga féminin de sport cérébral, achevé en huit volumes et mettant en avant l'univers du jeu de go. De son nom original "Hoshizora no Karasu" (littéralement "Le Corbeau Etoilé"), Face aux étoiles est la toute première publication française de Satoshi Morie, une mangaka très prolifique dans le genre depuis le milieu des années 2000 et qui, pour la petite anecdote, est la soeur jumelle de Shigeyoshi Takagi/Chise Ogawa (connue en France pour plusieurs boy's love dont Caste Heaven et Les talons aiguilles rouges). L'oeuvre a été prépubliée d'août 2012 à octobre 2015 dans le Hana to Yume des éditions Hakusensha, magazine parmi les plus essentiels du shôjo depuis sa création en 1974,et qui a vu passer dans ses pages un paquet de chefs d'oeuvre à commencer par Fruits Basket, L'Académie Alice ou encore Reincarnations - Please save my Earth.

L'histoire nous immisce auprès d'une collégienne de 13 ans, Waka Karasuma, bien plus grande que les autres filles de son âge, et qui nourrit en son for intérieur une passion assez peu commune pour quelqu'un de son âge. En effet, depuis qu'elle a été initiée dans son enfance à ce sport cérébral par son grand-père qui était lui-même un joueur professionnel, la jeune fille ne vit quasiment que pour le go, fascinée par ces pierres noires et blanches ressemblant à autant d'étoiles sur le goban, et par les possibilités infinies qu'offre chaque partie. A son jeune âge, elle profite même de sa grande taille pour emprunter les vêtements de sa cousine lycéenne Ritsu et jouer avec des personnes plus âgées, c'est dire ! Et quand elle croise sur sa route un autre talentueux joueur un tout petit peu plus âgé qu'elle en la personne de Sagisaka, un prodige, elle voit en lui une stimulation supplémentaire pour se surpasser, veut à tout prix l'affronter et, alors, passer pro. Mais pour ça, il lui faudra non seulement faire ses preuves et progresser lors de tournois, mais aussi composer avec sa mère, une femme qui hait le go pour certaines raisons (expliquées dès ce premier tome) et qui semble déterminée à l'éloigner de cet univers...

Contrairement au cultissime Hikaru no Go qui se voulait très didactique dans la découverte du go, via les avancées du novice Hikaru auprès de l'expérimenté fantôme Sai, ne vous attendez pas forcément à ça ici: même si Satoshi Morie présente quand même les grandes lignes des règles du go, il n'est pas vraiment question pour elle de décortiquer les coups et les techniques. Cela ne l'empêche toutefois pas de très bien mettre en valeur tout ce que Waka trouve de bon voire de salvateur sans ce sport cérébral: les possibilités infinies tant quasiment aucune partie ne peut exactement se ressembler, et surtout l'absence de barrière entre les genres et les âges. Il y a pour elle comme un sentiment de grande liberté et d'émancipation dans ce jeu, et c'est précisément cette émancipation qui nous interpelle peut-être le plus au fil de la lecture de ce premier volume. On sent une jeune héroïne qui, alors qu'elle entre dans la période charnière de l'adolescence, veut s’exprimer et se confronter au monde et aux autres à travers le go, pour un résultat d'autant plus efficace que Waka est très spontanée, expressive, passionnée, voire un peu à fleur de peau dans ses émotions, et déterminée à faire ses preuves dans le go même si elle devra pour ça s'opposer à sa mère, entre autres.

Et cette personnalité emballante de l'héroïne ne manque pas d'avoir aussi un impact sur son entourage, en particulier sur les premières personnes qu'elle est amenée à affronter. même si c'est rapide, certaines figures secondaires se voient déjà stimulées et influencées par Waka, pour peut-être elles-mêmes progresser et évoluer. Et c'est également le cas pour le fameux Sagisaka: les choses partent pourtant mal avec lui, et le bonhomme a même de quoi faire tiquer via certains comportements déplacés envers la jeune fille dont il ignore d'abord qu'elle n'a que 13 ans (ce qui n'excuse en rien certains de ses gestes, car le problème reste le même quel que soit l'âge de Waka). Mais dès la fin de ce tome, on sent que le lien entre les deux personnages, à condition d'éviter certains poncifs sentimentaux qui seraient un brin malsains, a du potentiel pour évoluer dans le bon sens: de rival exécrable, Sagisaka pourrait devenir un soutien se retrouvant un peu en Waka.

Enfin signalons aussi qu'il est appréciable devoir une héroïne telle que Waka sur le plan physique: avec sa grande taille pour une ado de seulement 13 ans, si bien qu'on lui donne souvent beaucoup plus que son âge, elle sort un peu des sentiers battus, et en plus cette particularité permet aussi d'aborder un peu le regard premiers que les autres (les garçons en tête) peuvent poser sur elle.

Il y a donc un petit paquet de bonnes choses dans ce début emballant. L'oeuvre devra confirmer, d'autant plus que son déroulement est pour l'instant plutôt téléphoné, mais les thématiques intéressantes sont là, et la personnalité attachante, déterminée et passionnée de Waka a tout pour nous emporter !

Côté édition, on trouve le format shôjo/shônen habituel d'Akata avec un papier souple et peu transparent ainsi qu'une qualité d'impression tout à fait convaincante. Anaïs Fourny livre une traduction très vivante et naturelle, tandis qu'Audrey Martor propose un lettrage très soigné. Enfin, la jaquette reprend fidèlement l'illustration de la version originale japonaise, tout en se parant d'un logo-titre très bien pensé de la part de Tom "spAde" Bertrand, avec ses ronds (pierres de go) reliés comme une constellation d'étoiles.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.25 20
Note de la rédaction