Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 24 Avril 2014
Chronique 1
En ce mois d'avril, une nouvelle série courte en 3 tomes débarque aux éditions Ki-oon, après avoir pas mal attisé notre curiosité, ne serait-ce que par l'identité des deux auteurs se cachant derrière, deux artistes assez différents, que l'on n'aurait sans doute jamais imaginé ensemble sur un même projet : le scénariste multi-récompensé Issei Eifuku qui signe ici son deuxième scénario après celui du remarqué Samourai Bambou, et Kojino (ou Go Jin Ho, Kojino étant son nom d'artiste au Japon), un dessinateur coréen que l'on a pu découvrir il y a quelques années en France avec le pas très finaud mais plutôt jouissif Jack Frost.
Mais au-delà de cette association d'auteurs un peu improbable, c'est encore plus l'intrigue de base de leur série qui suscite la curiosité, Evil Eater nous promettant une incursion dans les tréfonds de l'esprit humain pour le moins originale...
A la manière d'autres séries d'anticipation psychologiques comme The Top Secret de Reiko Shimizu, la base d'Evil Eater part d'une idée aussi tordue qu'intéressante : dans un Tokyo futuriste, les progrès scientifiques permettent désormais de faire revenir les morts à la vie... en échange d'une autre vie. Pour exploiter au mieux ce principe et éviter tout dérapage, a été promulguée la "loi de compensation", réservée aux autorités judiciaires. Celle-ci autorise la mise à mort des meurtriers, afin de ressusciter l'une de leurs victimes. Les victimes revenues à la vie, nommées Returners, passent ensuite par une étape où le souvenir de leur mort est effacé, car ce souvenir est jugé trop traumatisant pour permettre aux ressuscités de prétendre à une vie normale. Mais cette étape ne suffit pas, car malgré tout, les Returners possèdent bien souvent en eux ce que l'on appelle un "bug", une sorte d'anomalie psychique exacerbant les pires sentiments négatifs qui animaient les victimes avant leur mort ou au moment de leur assassinat, à tel point que celles-ci peuvent devenir de véritables bombes à retardement dont les tourments intérieurs peuvent exploser à tout moment en semant le chaos sur leur passage...
C'est à ce moment précis qu'interviennent les Sorceristes, des individus travaillant pour l'Institut ressuscitant les victimes. Sous forme de binôme, ils ont pour mission d'utiliser leurs pouvoirs pour pénétrer dans le subconscient des Returners afin d'y détruire le bug qui les ronge, avant que le pire n'arrive. Kento Nagumo est l'un de ceux-là. Surnommé le "tueur d'équipier" à cause de son passé dramatique avec ses anciens partenaires, il se voit offrir une nouvelle partenaire, une bleusaille nommée Yôko Amagi, petite demoiselle tout juste sortie de l'Académie, au pouvoir de destruction de bug extrêmement prometteur...
Evil Eater débute avec la rencontre entre Nagumo et Amagi, le statut de nouvelle Sorceriste de la jeune fille étant évidemment un excellent moyen de nous immerger dans la complexité du récit, puisque le lecteur a tout le loisir de découvrir en même temps qu'elle le fonctionnement de l'Institut, les "bugs" pourrissant l'esprit des Returners, et la manière dont les Sorceristes doivent débarrasser les esprits humains de ces fléaux. Issei Eifuku et Kojino parviennent à tout mettre en place de façon claire, à bien nous faire comprendre les enjeux et le contexte, grâce à, dès la première mission, une habile utilisation des deux personnages principaux, très classiques (le Sorceriste expérimenté un peu désabusé, et la petite nouvelle pleine de bonne volonté mais qui ne connaît encore que la théorie), et à une bonne mise en avant de toute le la complexité des missions, avec une première victime déjà assez particulière.
Par la suite, les missions s'enchaînent et ne se ressemblent pas. Celles-ci sont courtes, vont à l'essentiel, peut-être un peu trop parfois, et ne souffrent d'aucune répétitivité, si l'on excepte le rappel systématique à chaque début de chapitre du contexte de l'histoire, ce qui peut rapidement paraître un peu lourd. Très vite, les auteurs nous offrent des cas très différents, et Amagi découvrira aux côtés de Nagumo que l'esprit humain, loin d'être parfait et d'être totalement prévisible, peut réserver bien des surprises. Il faut avouer que, du fait de la courte durée des missions, les incursions de nos héros dans l'esprit humain sont brèves, mais cela n'empêche pas les auteurs d'en dégager l'essentiel : la manière dont les esprits humains peuvent évoluer face aux choses qui les tourmentent. Dans un cas le conditionnement d'une secte pousse à la paranoïa puis à la peur de tout le monde, dans un autre la mise à l'écart entraîne une forme de narcissisme, dans un autre encore le Returner ne souhaite tout simplement pas revenir à la vie pour des raisons précises, etc... En faisant un peu plus dans l'analytique que dans l'ambiance (les petits éléments malsains sont présents mais très discrets dans leur représentation, et le trait de Kojino, jouant beaucoup sur les contrastes noir/blanc, reste propre) ou que dans l'action (les affrontements contre les "bugs" sont expéditifs bien que ceux-ci soient assez stylisés), les auteurs offrent un équilibre intéressant, qui a en plus le mérite de soulever, petit à petit, pas mal d'interrogations encore discrètes, sur les limites de ce procédé, sur l'utilisation presque douteuse qu'en fait parfois l'Institut à ses propres fins, sur la moralité de ce "jeu" avec la vie et la mort... et sur nos deux personnages principaux, tous deux rongés par un passé loin d'être joyeux, que l'on découvre par bribes.
La base d'anticipation et le côté fantastique/magique sont donc utilisés à bon escient pour offrir une oeuvre psychologique suffisamment prometteuse pour donner envie de lire la suite. Parallèlement aux brèves missions, les auteurs soulèvent des petites questions intéressantes, intriguent sur leurs deux personnages principaux, et accélèrent même déjà le rythme dans une fin de tome où l'arrivée d'un nouveau personnage particulier et inquiétant risque bien de mettre à mal les convictions de la jeune Amagi... Affaire à suivre !
Chronique 2
Ki-oon continue de surfer sur la vague seinen fantastique horrifique (qui lui réussit plutôt bien pour le moment) avec ce nouveau titre court de trois volumes seulement avec aux commandes un scénariste de talent qu’on n’aurait pas forcément imaginé sur ce genre de titre : Issei Eifuku, auteur du très surprenant « Samourai Bambou » qui va radicalement changer de cadre avec ce titre mélangent magie et psychologie.
Dans un futur peut être pas si éloigné, la magie sous toutes ses formes est devenue une science à part entière, encadrée par l’état : le sorcerisme. Les fonctionnaires d’un nouveau genre chargés d’encadrer ces pratiques sont les sorceristes, ils veillent à éviter tout débordements liés à la magie.
Cette nouvelle science, reposant sur des règles élémentaires, offre de nouvelles possibilités à l’humanité. Par exemple, les morts peuvent être rappelés, mais à une condition très stricte, la vie ne naît pas à partir de rien, en respectant le principe de « une vie contre une vie », communément appelée « la loi de compensation ». Ainsi les assassins sont exécutés pour ressusciter leurs victimes, et dans le cas où il y aurait plusieurs victimes, c’est la première qui est rappelée. Les revenants, nommés « Returners », reviennent dans notre monde avec un bug qui pourrait faire d’eux des individus dangereux, c’est là qu’interviennent les sorceristes.
Travaillant en binôme, ces magiciens utilisent leurs pouvoirs pour identifier le bug en pénétrant au plus profond de la conscience des returners et l’éliminer.
Et c’est ce que nos deux héros seront appelés à faire : Kento Nagumo « Deep Searcher » aussi surnommé « le tueur d’équipiers » à cause d’un passé trouble ; et une nouvelle recrue, la naïve Yoko Amagi, « Evil Eater » qui malgré son inexpérience possède un pouvoir incroyable…
Après quelques premières pages assez confuses, on rencontre immédiatement les protagonistes principaux, qui d’entrée de jeu apparaissent assez clichés : le sorceriste expérimenté, pas spécialement avenant, cachant un lourd fardeau, en opposition avec la novice enjouée qui malgré un fort potentiel a encore tout à apprendre. C’est un artifice assez classique mais le personnage de Yuko va permettre aux auteurs d’expliquer les tenants et aboutissants de leur concept, de nous donner un maximum de détails grâce justement à cette novice qui découvre un monde qui lui est étranger, un peu comme pour le lecteur, justifiant ainsi toutes les explications qui seront données. Et très rapidement nous entrons dans le vif du sujet avec une première mission qui ne se déroule pas comme elle aurait du et qui va permettre d’expliquer ce qu’il en est des retours à la vie, des bugs et de la façon de les combattre.
On se rend compte que ce que les auteurs (et les personnages donc) appellent des bugs ne sont rien d’autres que des traumatismes psychologiques survenus avant la mort du sujet. Ces derniers, ayant oublié les évènements liés à leur mort, se focalisent sur un traumatisme antérieur qui va prendre une place beaucoup trop importante dans leur psyché jusqu’à ce que cela tourne à la psychopathie. Ainsi les returners sont susceptibles de devenir aussi dangereux, sinon plus, que leurs assassins, du fait de ces affects refoulés prêt à ressurgir à tout moment, faisant d’eux de véritables bombes à retardements. Ainsi, bien que représentés de manière très imagé dans le titre, les sorceristes sont un peu des psychologues d’un nouveau genre : ils plongent au plus profond de l’inconscient des patients pour identifier le problème, le traumatisme, le bug, afin de le faire ressurgir pour mieux s’y confronter. Ici la thérapie est particulièrement violente, et, comme précisé auparavant, très imagée. En effet on assiste réellement à la plongée dans le subconscient représentée de différentes manières en fonction du sujet, ce sera Nagumo qui s’y risquera, il va s’y ancrer et exploiter ce qu’il va y trouver afin de faire ressurgir le véritable problème, un peu à la manière d’une véritable thérapie. Lorsque le traumatisme refait surface, il prend l’apparence d’un monstre (différent en fonction du sujet) que seuls les sorceristes peuvent voir, le returner ne change pas d’apparence mais il abrite alors un monstre qui prend le contrôle de son être, et seuls les sorceristes peuvent le voir et lutter, un peu comme un psychologue qui peut identifier la pathologie et tenter d’y faire face. Là où le parallèle se termine c’est qu’en thérapie le sujet est acteur alors qu’ici les returners se contentent de subir. Là où le travail sur un traumatisme est long, Amagi le dévore en quelques secondes, d’où son surnom de Evil Eater.
Les missions vont donc s’enchaîner, toujours avec le même point de départ mais avec des conséquences bien différentes. A chaque chapitre sa mission, et pour le moment on évite la redondance, malgré un contexte similaire. A chaque mission sa pathologie, cela va vite, peut être un peu trop, et si les auteurs ont choisis de développer leur concept en multipliant les missions et donc les cas différents, on aurait peut être souhaité que certains cas soient davantage développés.
Chaque cas est différent, mais pour le moment nous n’assistons qu’à des prises en charges de returners…Certes c’est la mission de nos héros, mais on aurait aimé que le concept de sorcerisme soit davantage développé, qu’on découvre d’autres applications de la magie sur le quotidien des gens, d’autres conséquences de sa vulgarisation…
Cependant certaines questions sont soulevées, des questions morales notamment, malgré l’éthique des sorceristes, les auteurs distillant ça et là des éléments laissant apparaître un passé difficile pour nos deux héros, avant de conclure ce tome par l’apparition d’un returner ayant conservé son bug et se montrant extrêmement dangereux (un psychopathe donc)…
Nous avons ici affaire à un titre surprenant, qui titille notre curiosité, possédant une ambiance rare, à la fois malsaine et mélancolique, plutôt sombre, avec le trait du dessinateur jouant à merveille avec les effets d’ombres, où le mélange d’anticipation, de magie et de psychologie fonctionne correctement, bien que peut être pas suffisamment exploité.
Un titre prometteur à suivre qui nous réserves sans doute de belles surprises!
En ce mois d'avril, une nouvelle série courte en 3 tomes débarque aux éditions Ki-oon, après avoir pas mal attisé notre curiosité, ne serait-ce que par l'identité des deux auteurs se cachant derrière, deux artistes assez différents, que l'on n'aurait sans doute jamais imaginé ensemble sur un même projet : le scénariste multi-récompensé Issei Eifuku qui signe ici son deuxième scénario après celui du remarqué Samourai Bambou, et Kojino (ou Go Jin Ho, Kojino étant son nom d'artiste au Japon), un dessinateur coréen que l'on a pu découvrir il y a quelques années en France avec le pas très finaud mais plutôt jouissif Jack Frost.
Mais au-delà de cette association d'auteurs un peu improbable, c'est encore plus l'intrigue de base de leur série qui suscite la curiosité, Evil Eater nous promettant une incursion dans les tréfonds de l'esprit humain pour le moins originale...
A la manière d'autres séries d'anticipation psychologiques comme The Top Secret de Reiko Shimizu, la base d'Evil Eater part d'une idée aussi tordue qu'intéressante : dans un Tokyo futuriste, les progrès scientifiques permettent désormais de faire revenir les morts à la vie... en échange d'une autre vie. Pour exploiter au mieux ce principe et éviter tout dérapage, a été promulguée la "loi de compensation", réservée aux autorités judiciaires. Celle-ci autorise la mise à mort des meurtriers, afin de ressusciter l'une de leurs victimes. Les victimes revenues à la vie, nommées Returners, passent ensuite par une étape où le souvenir de leur mort est effacé, car ce souvenir est jugé trop traumatisant pour permettre aux ressuscités de prétendre à une vie normale. Mais cette étape ne suffit pas, car malgré tout, les Returners possèdent bien souvent en eux ce que l'on appelle un "bug", une sorte d'anomalie psychique exacerbant les pires sentiments négatifs qui animaient les victimes avant leur mort ou au moment de leur assassinat, à tel point que celles-ci peuvent devenir de véritables bombes à retardement dont les tourments intérieurs peuvent exploser à tout moment en semant le chaos sur leur passage...
C'est à ce moment précis qu'interviennent les Sorceristes, des individus travaillant pour l'Institut ressuscitant les victimes. Sous forme de binôme, ils ont pour mission d'utiliser leurs pouvoirs pour pénétrer dans le subconscient des Returners afin d'y détruire le bug qui les ronge, avant que le pire n'arrive. Kento Nagumo est l'un de ceux-là. Surnommé le "tueur d'équipier" à cause de son passé dramatique avec ses anciens partenaires, il se voit offrir une nouvelle partenaire, une bleusaille nommée Yôko Amagi, petite demoiselle tout juste sortie de l'Académie, au pouvoir de destruction de bug extrêmement prometteur...
Evil Eater débute avec la rencontre entre Nagumo et Amagi, le statut de nouvelle Sorceriste de la jeune fille étant évidemment un excellent moyen de nous immerger dans la complexité du récit, puisque le lecteur a tout le loisir de découvrir en même temps qu'elle le fonctionnement de l'Institut, les "bugs" pourrissant l'esprit des Returners, et la manière dont les Sorceristes doivent débarrasser les esprits humains de ces fléaux. Issei Eifuku et Kojino parviennent à tout mettre en place de façon claire, à bien nous faire comprendre les enjeux et le contexte, grâce à, dès la première mission, une habile utilisation des deux personnages principaux, très classiques (le Sorceriste expérimenté un peu désabusé, et la petite nouvelle pleine de bonne volonté mais qui ne connaît encore que la théorie), et à une bonne mise en avant de toute le la complexité des missions, avec une première victime déjà assez particulière.
Par la suite, les missions s'enchaînent et ne se ressemblent pas. Celles-ci sont courtes, vont à l'essentiel, peut-être un peu trop parfois, et ne souffrent d'aucune répétitivité, si l'on excepte le rappel systématique à chaque début de chapitre du contexte de l'histoire, ce qui peut rapidement paraître un peu lourd. Très vite, les auteurs nous offrent des cas très différents, et Amagi découvrira aux côtés de Nagumo que l'esprit humain, loin d'être parfait et d'être totalement prévisible, peut réserver bien des surprises. Il faut avouer que, du fait de la courte durée des missions, les incursions de nos héros dans l'esprit humain sont brèves, mais cela n'empêche pas les auteurs d'en dégager l'essentiel : la manière dont les esprits humains peuvent évoluer face aux choses qui les tourmentent. Dans un cas le conditionnement d'une secte pousse à la paranoïa puis à la peur de tout le monde, dans un autre la mise à l'écart entraîne une forme de narcissisme, dans un autre encore le Returner ne souhaite tout simplement pas revenir à la vie pour des raisons précises, etc... En faisant un peu plus dans l'analytique que dans l'ambiance (les petits éléments malsains sont présents mais très discrets dans leur représentation, et le trait de Kojino, jouant beaucoup sur les contrastes noir/blanc, reste propre) ou que dans l'action (les affrontements contre les "bugs" sont expéditifs bien que ceux-ci soient assez stylisés), les auteurs offrent un équilibre intéressant, qui a en plus le mérite de soulever, petit à petit, pas mal d'interrogations encore discrètes, sur les limites de ce procédé, sur l'utilisation presque douteuse qu'en fait parfois l'Institut à ses propres fins, sur la moralité de ce "jeu" avec la vie et la mort... et sur nos deux personnages principaux, tous deux rongés par un passé loin d'être joyeux, que l'on découvre par bribes.
La base d'anticipation et le côté fantastique/magique sont donc utilisés à bon escient pour offrir une oeuvre psychologique suffisamment prometteuse pour donner envie de lire la suite. Parallèlement aux brèves missions, les auteurs soulèvent des petites questions intéressantes, intriguent sur leurs deux personnages principaux, et accélèrent même déjà le rythme dans une fin de tome où l'arrivée d'un nouveau personnage particulier et inquiétant risque bien de mettre à mal les convictions de la jeune Amagi... Affaire à suivre !
Chronique 2
Ki-oon continue de surfer sur la vague seinen fantastique horrifique (qui lui réussit plutôt bien pour le moment) avec ce nouveau titre court de trois volumes seulement avec aux commandes un scénariste de talent qu’on n’aurait pas forcément imaginé sur ce genre de titre : Issei Eifuku, auteur du très surprenant « Samourai Bambou » qui va radicalement changer de cadre avec ce titre mélangent magie et psychologie.
Dans un futur peut être pas si éloigné, la magie sous toutes ses formes est devenue une science à part entière, encadrée par l’état : le sorcerisme. Les fonctionnaires d’un nouveau genre chargés d’encadrer ces pratiques sont les sorceristes, ils veillent à éviter tout débordements liés à la magie.
Cette nouvelle science, reposant sur des règles élémentaires, offre de nouvelles possibilités à l’humanité. Par exemple, les morts peuvent être rappelés, mais à une condition très stricte, la vie ne naît pas à partir de rien, en respectant le principe de « une vie contre une vie », communément appelée « la loi de compensation ». Ainsi les assassins sont exécutés pour ressusciter leurs victimes, et dans le cas où il y aurait plusieurs victimes, c’est la première qui est rappelée. Les revenants, nommés « Returners », reviennent dans notre monde avec un bug qui pourrait faire d’eux des individus dangereux, c’est là qu’interviennent les sorceristes.
Travaillant en binôme, ces magiciens utilisent leurs pouvoirs pour identifier le bug en pénétrant au plus profond de la conscience des returners et l’éliminer.
Et c’est ce que nos deux héros seront appelés à faire : Kento Nagumo « Deep Searcher » aussi surnommé « le tueur d’équipiers » à cause d’un passé trouble ; et une nouvelle recrue, la naïve Yoko Amagi, « Evil Eater » qui malgré son inexpérience possède un pouvoir incroyable…
Après quelques premières pages assez confuses, on rencontre immédiatement les protagonistes principaux, qui d’entrée de jeu apparaissent assez clichés : le sorceriste expérimenté, pas spécialement avenant, cachant un lourd fardeau, en opposition avec la novice enjouée qui malgré un fort potentiel a encore tout à apprendre. C’est un artifice assez classique mais le personnage de Yuko va permettre aux auteurs d’expliquer les tenants et aboutissants de leur concept, de nous donner un maximum de détails grâce justement à cette novice qui découvre un monde qui lui est étranger, un peu comme pour le lecteur, justifiant ainsi toutes les explications qui seront données. Et très rapidement nous entrons dans le vif du sujet avec une première mission qui ne se déroule pas comme elle aurait du et qui va permettre d’expliquer ce qu’il en est des retours à la vie, des bugs et de la façon de les combattre.
On se rend compte que ce que les auteurs (et les personnages donc) appellent des bugs ne sont rien d’autres que des traumatismes psychologiques survenus avant la mort du sujet. Ces derniers, ayant oublié les évènements liés à leur mort, se focalisent sur un traumatisme antérieur qui va prendre une place beaucoup trop importante dans leur psyché jusqu’à ce que cela tourne à la psychopathie. Ainsi les returners sont susceptibles de devenir aussi dangereux, sinon plus, que leurs assassins, du fait de ces affects refoulés prêt à ressurgir à tout moment, faisant d’eux de véritables bombes à retardements. Ainsi, bien que représentés de manière très imagé dans le titre, les sorceristes sont un peu des psychologues d’un nouveau genre : ils plongent au plus profond de l’inconscient des patients pour identifier le problème, le traumatisme, le bug, afin de le faire ressurgir pour mieux s’y confronter. Ici la thérapie est particulièrement violente, et, comme précisé auparavant, très imagée. En effet on assiste réellement à la plongée dans le subconscient représentée de différentes manières en fonction du sujet, ce sera Nagumo qui s’y risquera, il va s’y ancrer et exploiter ce qu’il va y trouver afin de faire ressurgir le véritable problème, un peu à la manière d’une véritable thérapie. Lorsque le traumatisme refait surface, il prend l’apparence d’un monstre (différent en fonction du sujet) que seuls les sorceristes peuvent voir, le returner ne change pas d’apparence mais il abrite alors un monstre qui prend le contrôle de son être, et seuls les sorceristes peuvent le voir et lutter, un peu comme un psychologue qui peut identifier la pathologie et tenter d’y faire face. Là où le parallèle se termine c’est qu’en thérapie le sujet est acteur alors qu’ici les returners se contentent de subir. Là où le travail sur un traumatisme est long, Amagi le dévore en quelques secondes, d’où son surnom de Evil Eater.
Les missions vont donc s’enchaîner, toujours avec le même point de départ mais avec des conséquences bien différentes. A chaque chapitre sa mission, et pour le moment on évite la redondance, malgré un contexte similaire. A chaque mission sa pathologie, cela va vite, peut être un peu trop, et si les auteurs ont choisis de développer leur concept en multipliant les missions et donc les cas différents, on aurait peut être souhaité que certains cas soient davantage développés.
Chaque cas est différent, mais pour le moment nous n’assistons qu’à des prises en charges de returners…Certes c’est la mission de nos héros, mais on aurait aimé que le concept de sorcerisme soit davantage développé, qu’on découvre d’autres applications de la magie sur le quotidien des gens, d’autres conséquences de sa vulgarisation…
Cependant certaines questions sont soulevées, des questions morales notamment, malgré l’éthique des sorceristes, les auteurs distillant ça et là des éléments laissant apparaître un passé difficile pour nos deux héros, avant de conclure ce tome par l’apparition d’un returner ayant conservé son bug et se montrant extrêmement dangereux (un psychopathe donc)…
Nous avons ici affaire à un titre surprenant, qui titille notre curiosité, possédant une ambiance rare, à la fois malsaine et mélancolique, plutôt sombre, avec le trait du dessinateur jouant à merveille avec les effets d’ombres, où le mélange d’anticipation, de magie et de psychologie fonctionne correctement, bien que peut être pas suffisamment exploité.
Un titre prometteur à suivre qui nous réserves sans doute de belles surprises!