Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 11 Avril 2023
Alpha a enfin fini de retaper le café, et l'espèce d'abri d'autrefois a laissé place à une construction qui a plus qu'avant des allures de vrai café, grâce aux portes, aux fenêtres, aux planches qu'elle a récupérées sur d'autres bâtisses délabrées, et à la façade qu'elle a choisi de repeindre en blanc. Elle doit tout de même s'adapter à certaines contraintes: les grains de café devenant rares, elle se contentera désormais de servir du café instantané ou du thé. Mais ce n'est certainement pas cela qui va troubler son rythme de vie paisible, en nous emmenant toujours avec elle dans différents instants quotidiens et divers petits événements qui, à chaque fois, ont le don d'être apaisants sous la narration calme et le travail graphique habituel de Hitoshi Ashinano.
Dans ce volume, les choses sont tout d'abord marquées par le retour au café de Kokone qui est, cette fois-ci, accompagnée d'une autre femme-robot déjà croisée par notre héroïne: la dénommée Maruko, qui a de bien étonnantes remarques à faire à Alpha sur sa façon de tenir son café. Notre héroïne négligerait-elle son café, tandis que d'autres robots s'activent tant à leurs tâches ailleurs ? Cela permet surtout de confronter Maruko à la vision des choses qu'a Alpha: elle vit certes à son rythme (et elle a bien raison), mais elle ne néglige pas pour autant son café, et adresse à ses clients des sourires toujours sincères. Alpha est telle qu'elle est et c'est très bien, ce qui pourrait même finir par toucher Maruko elle-même, notre héroïne ayant décidément le don d'apaiser les gens qu'elle croise et de les emmener dans son rythme de vie paisible. Et puis, cela n'empêche aucune la gérante du café de réfléchir à sa façon sur son activité, que ce soit en essayant de trouver de l'eau plus pure pour la préparation du café, ou en se demandant si son nouveau café est vraiment bien tel qu'il est.
Au-delà de ça, ce sont aussi, comme dit plus haut, certains petits événements qui attendent Alpha. Ici, elle cherche à observer dans le ciel le tarpon, objet volant blanc qui ne repassera ensuite plus avant au moins six ans. Là, elle voit naître en elle de surprenantes émotions en goûtant un sucre noir apporté d'un voyage par l'un de ses habitués. Puis l'odeur des planches de son nouveau café au contact de la pluie éveille des sentiments contradictoires en elle. Dans ces trois cas, entre la vue, le goût et l'odorat (voire l'ouïe, avec le bruit des gouttes d'eau sur les planches), Ashinano met en lumière certains sens, comme il a déjà su si bien le faire dans certains volumes précédents.
Ainsi, au gré de ce quotidien propice à l'éveil des sens, où chaque petit chose peut susciter des émotions, on continue de suivre notre attachante Alpha dans une atmosphère un peu hors du temps... et pourtant, ce temps passe, inexorablement. Et là où notre héroïne reste toujours la même, certains proches autour d'elle évoluent, grandissent, doivent faire des choix de vie. Inévitablement, c'est alors un au revoir qui nous attend dans les dernières dizaines de pages, et peut-être même un adieu. Et toute la magie de l'auteur est de ne pas en faire des caisses là-dessus: c'est dans la logique des choses, tout simplement.
A l'arrivée, on a une nouvelle fois droit à un volume particulièrement rassérénant, apaisant à lire grâce à tout le travail d'ambiance effectué par l'auteur, mais aussi grâce à son héroïne fidèle à elle-même.