Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 03 Janvier 2022
Après Quand la neige m'appelle en 2019 et Country Girl un peu plus tôt dans l'année 2021, les éditions Chattochatto ont accueilli, à la fin du mois de novembre, la troisième oeuvre japonaise de leur catalogue: Endroll Back (ou End roll back) un manga à suspense bouclé en trois volumes, qui a vu la dessinatrice Haruna Nakazato (inédite en France jusque-là, mais active au Japon depuis quelques années et ayant notamment dessiné en 2014 un court manga de l'univers de Tenchi Muyo) mettre en images un scénario imaginé par Kantetsu, un auteur déjà connu dans notre pays pour l'histoire du thriller Prison Lab publié par Panini.
Initialement prépublié au Japon de fin 2019 à début 2021 chez Square Enix sur le site Manga Up ! (qui a aussi accueilli les mangas Children et Wandering Witch), ce récit démarre sur quelques pages-choc: une jeune fille est en train de pleurer et de vomir dans les toilettes de son lycée, en laissant entrevoir à ses poignets de vieilles marques d'automutilation. Juste après, visiblement à bout suite à de nombreuses brimades, et s'accusant de tous les maux, elle met fin à ses jours en se jetant du toit de son établissement scolaire.
Cette élève de première s'appelait Yûka Mamiya, et elle laisse derrière lui Asaharu, un grand frère aussi triste qu'enragé. Enragé, car il n'a pas pu protéger sa précieuse petite soeur, alors qu'il le lui avait promis. Tous deux ont effectivement grandi quasiment seuls: leur père, violent et alcoolique, a fini par être emprisonné pour meurtre, en laissant derrière lui ses deux enfants qui furent longtemps rejetés et cibles de rumeurs, simplement car ils sont des enfants de criminel. Le temps aidant, Asaharu et Yûka avaient pourtant réussi à se relever, grâce à leur promesse de toujours se protéger l'une(e) l'autre, du moins c'est ce qu'Asaharu croyait... Et en plus de s'en vouloir lui-même, le jeune homme sent également son sang bouillir quand il surprend certaines conversations de camarades de classe venus à l'enterrement, entre certains laissant sous-entendre que personne ne regrettera Yûka, et d'autres se vantant de l'avoir brimée et poussée à bout jusqu'à son suicide. Bref, c'est alors qu'il est en proie au désespoir et à la colère qu'Asaharu voit l'impensable arriver, quand un ange surgit devant lui en lui proposant un étonnante "contrat": s'il arrive à tuer le responsable de la mort de Yûka, elle sera ressuscitée. Le jeune homme accepte, le voici plongé dans un passé où Yûka est encore vivante, et où il n'existe pas. Il se retrouve soudainement dans un rôle de prof remplaçant, sous le nom de Monsieur Hiyoshi, pour 3 mois et quelques, au sein de la classe de sa soeur, et avec un "avantage" surprenant: à chaque boucle temporelle, il peut avoir droit à 3 compétences ou "capacités spéciales" accordées par l'ange dans une liste de 15, et les utiliser une seule fois par boucle. Mais évidemment, rien ne sera simple pour autant: à chaque fois qu'il fera une erreur dans la personne à tuer ou qu'il arrivera au bout des 3 mois, la boucle temporelle reviendra au début (quand il est présenté en tant que prof remplaçant) et Asaharu pourra reprendre ses investigations... mais en perdant dix ans de son espérance de vie.
Ne serait-ce que via l'isekai à succès Re:Zero, le concept de retour dans le passé ou de boucle temporelle est loin d'être nouveau dans le manga et l'animation, et il l'est peut-être encore moins dans le registre du thriller/polar/manga à suspense quand on se rappelle de jolis représentants du genre comme Erased, Time Shadows ou Le Bateau de Thésée. Pour son scénario, Kantetsu cherche à se démarquer en jouant sur une idée précise: des boucles au fil desquelles Asaharu va devoir "enquêter" afin de déterminer qui peut être considéré comme la personne responsable de la mort de sa soeur, qui plus est en comptant sur ce fameux système de "capacités spéciales" qui pourrait s'avérer assez utile, si tant est qu'il sache bien les utiliser.
Après le tout début efficace avec son introduction-choc, il faut avouer qu'Asaharu pourrait un peu agacer au tout début, tant il commence à agir avant de réfléchir, au point de perdre d'emblée dix ans de vie très bêtement, même si l'on peut aisément mettre ça sur le coup de sa rage après avoir perdu sa soeur. Heureusement, par la suite, le récit commence à se peaufiner (même si notre héros a encore des réactions/raisonnements trop hâtifs parfois), et même si le déroulement reste pour l'instant un peu gros, il met peu à peu en exergue certaines choses avec efficacité. Ainsi, Asaharu devra apprendre à ne pas agir sur des suppositions, à trouver des preuves, à juger les informations par lui-même, à apprendre de ses erreurs, à ne pas se montrer trop impatient... Mais il devra également comprendre la complexité d'une situation scolaire malsaine où il sera peut-être plus difficile que prévu de trouver un seul coupable. Et c'est peut-être sur ce dernier aspect que le récit séduit le plus pour l'instant, tant on comprend vite que plus d'une personne pourrait avoir des torts dans l'affaire: entre les personnes brimant réellement Yûka pour certaines raisons (raisons peut-être montées de toutes pièces par d'autres encore ?), la faible Akane contrainte de "piéger" son amie pour ne pas être elle-même brimée, ou encore les profs faisant mine de rien, le scénariste livre une vision crédible de cet engrenage silencieux et infernal que peut être au Japon, l'ijime (le système de harcèlement scolaire). Et à tout ceci, il faudra ajouter le possible retournement de situation très intrigant qui pourrait être amené par les révélations des toutes dernières pages.
A part ça, le fait est que l'on n'a jamais le temps de s'ennuyer lors de la lecture. Ce premier opus a beau être assez épais avec ses 260 pages environ, il se lit assez vite car la dessinatrice y enchaîne des cases assez grandes et entretenant assez bien le suspense, au gré de différents petits moments de tension faisant du tome un plutôt bon page turner. C'est, en somme, facilement haletant, d'autant plus qu'il faut encore ajouter à tout ça quelques alternances de points de vue (on ne vit pas le récit exclusivement à travers Asaharu, par exemple il y a tout un passage nous plaçant depuis le point de vue d'Akane) accentuant le dynamisme, ou tout simplement l'ambiguïté de cet ange qui, loin d'être tout blanc, semble surtout prendre un plaisir presque sadique à se divertir de cette situation...
A l'arrivée, ce premier volume d'Endroll Back fait plutôt bien son boulot. Une fois passés quelques détails pouvant faire tiquer sur le coup, on se retrouve avec un récit à suspense qui va crescendo, qui joue efficacement sur ce gros problème de société qu'est l'ijime, et dont on a très facilement envie de découvrir la suite.
Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
Initialement prépublié au Japon de fin 2019 à début 2021 chez Square Enix sur le site Manga Up ! (qui a aussi accueilli les mangas Children et Wandering Witch), ce récit démarre sur quelques pages-choc: une jeune fille est en train de pleurer et de vomir dans les toilettes de son lycée, en laissant entrevoir à ses poignets de vieilles marques d'automutilation. Juste après, visiblement à bout suite à de nombreuses brimades, et s'accusant de tous les maux, elle met fin à ses jours en se jetant du toit de son établissement scolaire.
Cette élève de première s'appelait Yûka Mamiya, et elle laisse derrière lui Asaharu, un grand frère aussi triste qu'enragé. Enragé, car il n'a pas pu protéger sa précieuse petite soeur, alors qu'il le lui avait promis. Tous deux ont effectivement grandi quasiment seuls: leur père, violent et alcoolique, a fini par être emprisonné pour meurtre, en laissant derrière lui ses deux enfants qui furent longtemps rejetés et cibles de rumeurs, simplement car ils sont des enfants de criminel. Le temps aidant, Asaharu et Yûka avaient pourtant réussi à se relever, grâce à leur promesse de toujours se protéger l'une(e) l'autre, du moins c'est ce qu'Asaharu croyait... Et en plus de s'en vouloir lui-même, le jeune homme sent également son sang bouillir quand il surprend certaines conversations de camarades de classe venus à l'enterrement, entre certains laissant sous-entendre que personne ne regrettera Yûka, et d'autres se vantant de l'avoir brimée et poussée à bout jusqu'à son suicide. Bref, c'est alors qu'il est en proie au désespoir et à la colère qu'Asaharu voit l'impensable arriver, quand un ange surgit devant lui en lui proposant un étonnante "contrat": s'il arrive à tuer le responsable de la mort de Yûka, elle sera ressuscitée. Le jeune homme accepte, le voici plongé dans un passé où Yûka est encore vivante, et où il n'existe pas. Il se retrouve soudainement dans un rôle de prof remplaçant, sous le nom de Monsieur Hiyoshi, pour 3 mois et quelques, au sein de la classe de sa soeur, et avec un "avantage" surprenant: à chaque boucle temporelle, il peut avoir droit à 3 compétences ou "capacités spéciales" accordées par l'ange dans une liste de 15, et les utiliser une seule fois par boucle. Mais évidemment, rien ne sera simple pour autant: à chaque fois qu'il fera une erreur dans la personne à tuer ou qu'il arrivera au bout des 3 mois, la boucle temporelle reviendra au début (quand il est présenté en tant que prof remplaçant) et Asaharu pourra reprendre ses investigations... mais en perdant dix ans de son espérance de vie.
Ne serait-ce que via l'isekai à succès Re:Zero, le concept de retour dans le passé ou de boucle temporelle est loin d'être nouveau dans le manga et l'animation, et il l'est peut-être encore moins dans le registre du thriller/polar/manga à suspense quand on se rappelle de jolis représentants du genre comme Erased, Time Shadows ou Le Bateau de Thésée. Pour son scénario, Kantetsu cherche à se démarquer en jouant sur une idée précise: des boucles au fil desquelles Asaharu va devoir "enquêter" afin de déterminer qui peut être considéré comme la personne responsable de la mort de sa soeur, qui plus est en comptant sur ce fameux système de "capacités spéciales" qui pourrait s'avérer assez utile, si tant est qu'il sache bien les utiliser.
Après le tout début efficace avec son introduction-choc, il faut avouer qu'Asaharu pourrait un peu agacer au tout début, tant il commence à agir avant de réfléchir, au point de perdre d'emblée dix ans de vie très bêtement, même si l'on peut aisément mettre ça sur le coup de sa rage après avoir perdu sa soeur. Heureusement, par la suite, le récit commence à se peaufiner (même si notre héros a encore des réactions/raisonnements trop hâtifs parfois), et même si le déroulement reste pour l'instant un peu gros, il met peu à peu en exergue certaines choses avec efficacité. Ainsi, Asaharu devra apprendre à ne pas agir sur des suppositions, à trouver des preuves, à juger les informations par lui-même, à apprendre de ses erreurs, à ne pas se montrer trop impatient... Mais il devra également comprendre la complexité d'une situation scolaire malsaine où il sera peut-être plus difficile que prévu de trouver un seul coupable. Et c'est peut-être sur ce dernier aspect que le récit séduit le plus pour l'instant, tant on comprend vite que plus d'une personne pourrait avoir des torts dans l'affaire: entre les personnes brimant réellement Yûka pour certaines raisons (raisons peut-être montées de toutes pièces par d'autres encore ?), la faible Akane contrainte de "piéger" son amie pour ne pas être elle-même brimée, ou encore les profs faisant mine de rien, le scénariste livre une vision crédible de cet engrenage silencieux et infernal que peut être au Japon, l'ijime (le système de harcèlement scolaire). Et à tout ceci, il faudra ajouter le possible retournement de situation très intrigant qui pourrait être amené par les révélations des toutes dernières pages.
A part ça, le fait est que l'on n'a jamais le temps de s'ennuyer lors de la lecture. Ce premier opus a beau être assez épais avec ses 260 pages environ, il se lit assez vite car la dessinatrice y enchaîne des cases assez grandes et entretenant assez bien le suspense, au gré de différents petits moments de tension faisant du tome un plutôt bon page turner. C'est, en somme, facilement haletant, d'autant plus qu'il faut encore ajouter à tout ça quelques alternances de points de vue (on ne vit pas le récit exclusivement à travers Asaharu, par exemple il y a tout un passage nous plaçant depuis le point de vue d'Akane) accentuant le dynamisme, ou tout simplement l'ambiguïté de cet ange qui, loin d'être tout blanc, semble surtout prendre un plaisir presque sadique à se divertir de cette situation...
A l'arrivée, ce premier volume d'Endroll Back fait plutôt bien son boulot. Une fois passés quelques détails pouvant faire tiquer sur le coup, on se retrouve avec un récit à suspense qui va crescendo, qui joue efficacement sur ce gros problème de société qu'est l'ijime, et dont on a très facilement envie de découvrir la suite.
Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.