En attendant lundi Vol.2 - Manga

En attendant lundi Vol.2 : Critiques

Getsuyôbi no tomodachi

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 02 Février 2022

Depuis qu'elle s'est rapprochée de Tooru Tsukino et que tous deux ont commencé à se retrouver secrètement chaque lundi soir dans la cour du collège pour s'amuser, se défouler et faire progresser les "pouvoirs" du jeune garçon, Akane Mizutani s'est mise à envisager le routinier quotidien avec plus de bonheur. Et ainsi, après n'avoir croisé son camarade de classe qu'une seule fois pendant les vacances d'été, elle se réjouit même à l'idée de la reprise des cours, et donc de leurs libérateurs rendez-vous hebdomadaires. D'autant plus que différents événements, comme la fête du sport, la fête culturelle ou même un concours de chorale, devraient eux aussi briser un peu la monotonie du quotidien à l'école. Mais tout en pensant à tout ça avec optimisme, notre héroïne constate aussi que quelque chose a changé depuis la rentrée: Hiki, la camarade de classe qui semblait si souvent embêter Tsukino, n'est plus accompagnée par ses "potes", qui semblent l'avoir lâchée, peut-être las de la voir toujours s'en prendre au jeune garçon. C'est donc seule que Hiki continue de tourner autour de Tsukino... et face à ça, Mizutani ressent comme un sentiment négatif, sur lequel elle peine à mettre un nom. Pourquoi donc Hiki continue-t-elle seule de tourner autour de Tsukino ? Pourquoi donc Tsukino ne finit-il pas par se révolter un peu face à cette fille qui, selon notre héroïne, l'embête et lui a même pris son jeu vidéo préféré ? En laissant s'exprimer la colère qui naît en elle, Mizutani ne sait pas encore qu'elle fait peut-être fausse route, et que cette fausse route pourrait mettre en péril ses précieux rendez-vous du lundi avec Tsukino...

Dans ce deuxième volume qui doit déjà achever la série, une chose frappe en premier lieu, à savoir la prise d'importance très forte d'un personnage en particulier, à savoir Kaori Hiki. Alors qu'on pouvait ne la considérer que comme une simple petite peste harcelant Tsukino avec sa bande de "sbires", celle-ci, dès lors qu'elle se retrouve prise à partir par Mizutani, celle-ci va finir, petit à petit, par dévoiler son véritable fond: la manière dont elle considère Tsukino en réalité, la raison pour laquelle elle ne lui a toujours pas rendu son jeu... et, surtout, une vérité terrible, tragique, concernant son grand frère. Ce frangin que tant de monde semble admirer, qui est considéré comme un loubard et donc potentiellement comme une violente racaille, et qui s'est pourtant toujours montré gentil et attentif envers une petite soeur qui le chérit.

Hiki est alors un personnage que, au fil du tome, en particulier à certains moments précis, Tomomi Abe va nous inviter à redécouvrir sous un jour différent, plus nuancé. Mais il s'agit donc aussi de celle par qui l'amitié entre Mizutani et Tsukino va être mise à mal au point de mettre en danger les rendez-vous du lundi, dès lors que notre héroïne s'énerve contre sa camarade de classe au point de trahir l'une des promesses faites à son ami, le plus cruel étant que c'est précisément parce qu'elle s'inquiétait pour Tsukino que Mizutani a trahi cette promesse. Bien sûr, sous l'angle de Tomomi Abe, cette brouille a des buts bien précis, à commencer par la mise en parallèle des deux personnages principaux en tant que jeunes ne parvenant pas à s'adapter au moule "adulte" qu'on attend d'eux à partir du collège. Tsukino se considère comme un garçon qui est juste un peu excentrique et solitaire, mais finalement, qu'en est-il pour Mizutani ? Est-elle vraiment comme lui ? Après tout, son côté plus "enfantin" ou atypique ne l'empêche pas de garder sa fraîcheur, d'être sensible, d'être curieuse, d'être souvent bien entourée par ses amis et par d'autres camarades de classe qui apprécient d'être avec elle. Alors, ne serait-elle pas bien plus lumineuse et forte qu'elle ne le croit ?

En filigranes, c'est alors un thème bien particulier qui devient plus central dans le récit: la difficulté d'être au centre de sa propre histoire, comme le dit si bien sur le bandeau du tome le talentueux Shûzô Oshimi, l'auteur des Fleurs du Mal et de Dans l'intimité de Marie vantant ici les mérites de la série en affirmant avoir été profondément ému face à celle-ci. Que ce soit Tsukino et Mizutani qui ne s'adaptent pas totalement au moule collégien de façons différentes, Hiki que l'on considère moins pour elle-même que comme la "petite soeur de", ou même son grand frère sur qui beaucoup ont sûrement une vision biaisée...

Mais bien sûr, dans tout ça, Tomomi Abe n'oublie jamais l'importance du lien entre ses deux personnages principaux, un lien certes mis à mal dans ce deuxième tome, mais qui pourrait en ressortir d'autant plus fort et sincère, au gré des nouvelles avancées de Tsukino et de Mizutani, l'un ayant pu percer un peu sa coquille, tandis que l'autre affirmer la voie qu'elle se trace sans rejeter ses désirs et sans s'isoler... Dans le fond, comme le dit la meilleure amie de Mizutani, n'est-ce pas ça que l'on appelle grandir ? Une chose est sûre: jusqu'au bout, c'est bien par le prisme de leurs rendez-vous du lundi que nos deux jeunes héros évoluent encore, à travers des phases où Abe laisse à nouveau libre cours à des visuels pleins de poésie et d'imagination, portés par le fameux "pouvoir" de Tsukino, pouvoir sur lequel la mangaka a même l'intelligence de brouiller les pistes (n'est-ce qu'un jeu d'enfant, ou existe-t-il vraiment ?), comme pour mieux titiller l'âme d'enfant qui est encore au fond de nous, pour un résultat assez touchant, et même teinté d'une forte mélancolie jusque dans ses dernières pages vraiment marquantes à leur façon.

En attendant lundi n'est pas forcément un titre facile d'accès, mais l'oeuvre mérite largement qu'on lui laisse une chance, d'autant plus qu'elle est courte. En seulement deux tomes, Tomomi Abe, dans un style visuel personnel permettant des émotions variées oscillant entre imagination, poésie et spleen, parvient à aborder avec une certaine émotion plusieurs sujets existentiels suffisamment profonds, et nous laisse sur une expérience de lecture assez unique.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction