Elles : Critiques

La cohabitation de Eiki Eiki et Taishi Zaou nous avait manqué, étant toujours ou presque un gage de qualité. Pour une fois, ce n’est pas dans le yaoi que l’on plonge mais dans le yuri. Et ça c’est une bonne idée, le yuri nous manque dans le paysage manga français. C’est un recueil d’histoires au sein d’un lycée de filles que les deux amies mangakas nous proposent. Dans un premier temps, on découvre Haruka et Akiho. La première est l’idole du lycée, admirée de toutes. Elle adore les jeunes filles et particulièrement leurs poitrines. Akiho se laisse prendre au piège, elle la nouvelle, et tombe aussi sous le charme de la demoiselle qu’elle croit cependant peu intéressée car identique avec ses autres camarades … Mais on va aussi assister à une histoire plus mature, entre deux amies et professeur dans le lycée. Elles ont chacune de leur côté vécu leur vie mais se rendent compte que voir l’autre avec un homme et heureuse ne peut leur convenir. Qu’elles ne peuvent vivre l’une sans l’autre. Enfin, Fuyuka et Natsuki sont deux élèves plutôt opposées. L’une croque tout ce qui bouge, l’autre est plutôt du genre réservée. Comment arriveront-elles à gérer les sentiments qui les prennent sans trop qu’elles sachent les gérer ? 

Ce petit recueil d’histoires ne se disperse pas trop, en n’exploitant que trois couples, et heureusement. Parce que si on en avait vu de partout cela nous aurait vite agacé. Ici, les couples ont le temps d’être développés relativement comme il le faut. Même si parfois on aurait aimé encore plus de profondeur … Mais dans l’ensemble, les deux mangakas ne nous laissent pas sur notre fin, insatisfaits et impatients d’une suite qui ne vient pas. Au final, les différents problèmes des filles sont bien expliqués et ils sont variés, exprimant ainsi la variété des possibilités d’une relation. Le tabou de l’homosexualité est le seul point qu’il manque un peu. On observe alors plus de développements autour du couple en général qu’autre chose. C’est très sympathique, mais un peu idéaliste de ne pas du tout aborder ce « détail », même si dans un lycée pour filles c’est plus logique. A noter que les premiers émois, baisers, sont des thèmes classiques mais on se surprend aussi à parler des premières expériences sexuelles, des caresses, des désirs adolescents. Et ça, c’est bon. Venant d’auteurs qui ont l’habitude du yaoi, on ne se surprend pas de voir que ça évolue comme ça. C’est très « fan service » plus que « doucereux », ce qu’on trouve parfois dans le yuri. Et ça, c’est un grand bon point, parce que parfois le yuri se donne un peu trop d’importance en faisant dans le pompeux ou la prise de tête. Là, c’est simple, efficace. En bref, ce qui est tellement réussi dans ce yuri, c’est son approche digne des boy’s love, son style très yaoi qui rend la lecture légère et à la fois intéressante, fraiche. 

Le trait de l’auteur est toujours aussi fin et expressif. Ce qui est bien chez elle c’est que les physiques de ses personnages féminins sont juste parfaits. On est loin des corps androgynes et les illustrations couleur sont magnifiques, les corps sont très sensuels et vraiment beaux … Un bonheur. Bref, rien à redire au niveau de représentation des émotions, que ce soit l’amour, la rage ou la tristesse. Entre passages comiques et moments émouvants, l’auteur sait jongler sur les effets de style et sur la douceur des traits. Les proportions sont respectées, tout comme la réalité des traits et de la dynamique des postures, que ce soit dans un lit ou autre part. On peut toutefois regretter des décors un peu vides ainsi que des textes qui explosent parfois de partout, ou encore des trames de fond un peu simplettes. Taïfu nous offre donc ici un titre très agréable, pour une édition qui arbore des pages suffisamment épaisses pour mettre en valeur le trait de l’auteur et ses contrastes sans gêner la lecture. On bénit les premières pages en papier glacé et encore plus les pages couleur ! Et et et … LES ONOMATOPEES SONT ADAPTEES ! Le miracle. Comme c’est agréable de lire quelque chose de plus clair comme ça … Merci Taifu !

NiDNiM