Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 06 Février 2020
Après l'excellent Mauvaise Herbe de Keigo Shinzo, le catalogue du Lézard Noir accueille en ce début d'année un autre manga récent et moderne dans son sujet: Elle n'entre pas, celle de mon mari. Derrière ce nom, on trouve avant tout Otto no Chinpo ga Hairanai (on vous épargne la traduction littérale plus crue que le nom français), un roman autobiographique signé Kodama, sorti au Japon en 2018, ayant rencontré un vif succès et ayant gagné des prix, si bien que l'année suivante il fut adapté en un drama disponible en France sur Netflix sous le titre My Husband won’t fit. L'adaptation manga, elle, a été lancée au Japon dès 2018 dans le Young Magazine des éditions Kôdansha, et elle est toujours en cours à ce jour. Elle est dessinée par Yukiko Gotô, une mangaka jusque-là inédite en France mais officiant depuis 2010, essentiellement dans de la tranche de vie réaliste.
Ici, tout commence par des toutes premières pages en couleurs assez troublantes et pleines d'impact, dominée par le rouge vif du sang s'écoulant de l'entrejambe de l'héroïne nue. Cette héroïne, il s'agit de Sachiko Torii. On la retrouve en 1998, alors qu'elle vient tout juste d'emménager dans une résidence étudiante en ville, en provenance de sa campagne profonde où elle a toujours vécu. Sa chambre a beau être très modeste et il a beau y avoir peu d'autres étudiants dans ce vieil établissement traditionnel, cela lui convient, et elle souhaite ainsi entamer ses années d'université sur un ton positif. D'autant que, d'emblée, elle fait la rencontre d'un autre étudiant de la résidence, Shin Kuramoto, d'un an son aîné. Plutôt du genre sociable, ce jeune homme se plaît à s'incruster chez elle, à lui parler, à se promener et manger avec elle... tant et si bien que, tout naturellement, le temps passé ensemble fait grandir leurs sentiments l'un pour l'autre, et qu'ils finissent pas entamer ensemble une relation de couple aussi simple que sincère. De 1998 à 2001, de l'arrivée de Sachiko à l'université jusqu'aux débuts de Shin dans la vie active, ce premier volume nous propose sur un ton assez doux et quotidien de suivre les 3 premières années de cette relation de couple, avec quelques étapes importantes comme la question du mariage. Sachiko et Shin entament ensemble une nouvelle vie pleine de promesses... et pourtant, entre eux deux subsiste un problème: à chaque fois qu'ils veulent s'unir, impossible pour la jeune femme de parvenir à laisser la "queue" de celui qu'elle aime entrer en elle.
Le récit se présente avant tout comme une tranche de vie où Yukiko Gotô, en adaptant le récit d'origine grandement autobiographique de Kodama, pose sur le couple un regard assez doux et bienveillant, où elle s'applique vite et bien à présenter les grandes lignes de leur relation amoureuse et de son évolution. Dans un style visuel ravissant où les omniprésents décors réalistes se marient bien à l'expressivité nuancée et contenue des deux personnages, on suit avec attachement la naissance de cet amour puis sa consolidation, entre le comportement parfois un peu imprévisible mais sincère de Shin, la manière dont Sachiko se retrouve à la fois troublée et attirée par ce garçon, leurs petites maladresses, la méconnaissance de certaines choses pour notre héroïne qui vient de la campagne profonde... Surtout, le récit s'applique à retranscrire avec clarté une certaine introspection sur Sachiko, les choses étant racontées de son point de vue, e tla jeune femme étant amenée à se poser des questions toutes naturelles, parfois conditionnées par ce qu'elle a elle-même pu vivre par le passé. Ainsi, par exemple, se questionne-t-elle doucement sur l'utilité du mariage, quand elle se remémore les incessantes disputes de ses parents, un questionnement qui sonne on ne peut plus vrai et juste.
Néanmoins, si la vie semble presque s'écouler comme un fleuve tranquille pour ce couple dont on ressent bien la sincérité, il y a régulièrement ce remous, ce problème autour de leur impossibilité à faire l'amour normalement, problème offrant tout son enjeu à l'oeuvre. S'il est souvent délicat voire difficile de parler de problèmes sexuels, la romancière d'origine a fait le choix salvateur de briser le tabou, et la mangaka prend soin d'adapter son histoire dans un style aussi impactant que subtil. Ainsi, la question du sexe est évoquée de front, les actes sont montrés directement dans un trait fin qui toutefois laisse une petite part de suggestion, Sachiko (tout comme Kodama dans son roman) parle sans cesse de la "queue" de son aimé... Mais tout en abordant la chose sans complexe, le récit s'applique à y distiller une forme de poésie, de finesse bienvenue, au travers notamment de certaines métaphores visuelles ou textuelles. Surtout, dans tout ça, le ton reste toujours doux, et la version manga de Gotô n'a aucune difficulté à retranscrire les doutes que Sachiko ne peut s'empêcher d'avoir en son for intérieur, au fil du temps. Malgré la situation Shin reste toujours doux et rassurant avec elle, malgré leurs différents essais infructueux pour passer à l'acte on sent la sincérité de leur relation qui leur permet de résister, on apprécie de voir les deux jeunes adultes tâcher de se procurer par d'autres moyens que la pénétration le plaisir propre à tout couple...
Ce premier volume se présente ainsi comme le début particulièrement réussi d'un témoignage précieux, en ceci qu'il sait briser un certain tabou, en mariant habilement un abord frontal de la chose, une évocation subtile des doutes tout naturels de l'héroïne, et une tonalité où se mêlent régulièrement quotidien, douceur et poésie. Côté édition, nous sommes dans les standards de l'éditeur: grand format sans jaquette mais avec rabats, couverture souple, papier et impression de qualité, et traduction très soignée de Miyako Slocombe qui parvient à retranscrire toutes les subtilités de ton du récit.
Ici, tout commence par des toutes premières pages en couleurs assez troublantes et pleines d'impact, dominée par le rouge vif du sang s'écoulant de l'entrejambe de l'héroïne nue. Cette héroïne, il s'agit de Sachiko Torii. On la retrouve en 1998, alors qu'elle vient tout juste d'emménager dans une résidence étudiante en ville, en provenance de sa campagne profonde où elle a toujours vécu. Sa chambre a beau être très modeste et il a beau y avoir peu d'autres étudiants dans ce vieil établissement traditionnel, cela lui convient, et elle souhaite ainsi entamer ses années d'université sur un ton positif. D'autant que, d'emblée, elle fait la rencontre d'un autre étudiant de la résidence, Shin Kuramoto, d'un an son aîné. Plutôt du genre sociable, ce jeune homme se plaît à s'incruster chez elle, à lui parler, à se promener et manger avec elle... tant et si bien que, tout naturellement, le temps passé ensemble fait grandir leurs sentiments l'un pour l'autre, et qu'ils finissent pas entamer ensemble une relation de couple aussi simple que sincère. De 1998 à 2001, de l'arrivée de Sachiko à l'université jusqu'aux débuts de Shin dans la vie active, ce premier volume nous propose sur un ton assez doux et quotidien de suivre les 3 premières années de cette relation de couple, avec quelques étapes importantes comme la question du mariage. Sachiko et Shin entament ensemble une nouvelle vie pleine de promesses... et pourtant, entre eux deux subsiste un problème: à chaque fois qu'ils veulent s'unir, impossible pour la jeune femme de parvenir à laisser la "queue" de celui qu'elle aime entrer en elle.
Le récit se présente avant tout comme une tranche de vie où Yukiko Gotô, en adaptant le récit d'origine grandement autobiographique de Kodama, pose sur le couple un regard assez doux et bienveillant, où elle s'applique vite et bien à présenter les grandes lignes de leur relation amoureuse et de son évolution. Dans un style visuel ravissant où les omniprésents décors réalistes se marient bien à l'expressivité nuancée et contenue des deux personnages, on suit avec attachement la naissance de cet amour puis sa consolidation, entre le comportement parfois un peu imprévisible mais sincère de Shin, la manière dont Sachiko se retrouve à la fois troublée et attirée par ce garçon, leurs petites maladresses, la méconnaissance de certaines choses pour notre héroïne qui vient de la campagne profonde... Surtout, le récit s'applique à retranscrire avec clarté une certaine introspection sur Sachiko, les choses étant racontées de son point de vue, e tla jeune femme étant amenée à se poser des questions toutes naturelles, parfois conditionnées par ce qu'elle a elle-même pu vivre par le passé. Ainsi, par exemple, se questionne-t-elle doucement sur l'utilité du mariage, quand elle se remémore les incessantes disputes de ses parents, un questionnement qui sonne on ne peut plus vrai et juste.
Néanmoins, si la vie semble presque s'écouler comme un fleuve tranquille pour ce couple dont on ressent bien la sincérité, il y a régulièrement ce remous, ce problème autour de leur impossibilité à faire l'amour normalement, problème offrant tout son enjeu à l'oeuvre. S'il est souvent délicat voire difficile de parler de problèmes sexuels, la romancière d'origine a fait le choix salvateur de briser le tabou, et la mangaka prend soin d'adapter son histoire dans un style aussi impactant que subtil. Ainsi, la question du sexe est évoquée de front, les actes sont montrés directement dans un trait fin qui toutefois laisse une petite part de suggestion, Sachiko (tout comme Kodama dans son roman) parle sans cesse de la "queue" de son aimé... Mais tout en abordant la chose sans complexe, le récit s'applique à y distiller une forme de poésie, de finesse bienvenue, au travers notamment de certaines métaphores visuelles ou textuelles. Surtout, dans tout ça, le ton reste toujours doux, et la version manga de Gotô n'a aucune difficulté à retranscrire les doutes que Sachiko ne peut s'empêcher d'avoir en son for intérieur, au fil du temps. Malgré la situation Shin reste toujours doux et rassurant avec elle, malgré leurs différents essais infructueux pour passer à l'acte on sent la sincérité de leur relation qui leur permet de résister, on apprécie de voir les deux jeunes adultes tâcher de se procurer par d'autres moyens que la pénétration le plaisir propre à tout couple...
Ce premier volume se présente ainsi comme le début particulièrement réussi d'un témoignage précieux, en ceci qu'il sait briser un certain tabou, en mariant habilement un abord frontal de la chose, une évocation subtile des doutes tout naturels de l'héroïne, et une tonalité où se mêlent régulièrement quotidien, douceur et poésie. Côté édition, nous sommes dans les standards de l'éditeur: grand format sans jaquette mais avec rabats, couverture souple, papier et impression de qualité, et traduction très soignée de Miyako Slocombe qui parvient à retranscrire toutes les subtilités de ton du récit.