Eizôken ! Pas touche à nos animés Vol.1 - Manga

Eizôken ! Pas touche à nos animés Vol.1 : Critiques

Eizouken ni wa Te wo Dasu na!

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 13 Septembre 2023

En hiver 2020, nous avions pu découvrir sur la plateforme Crunchyroll l'une des séries d'animation japonaise les plus cools et atypiques de ces derniers années, réalisée par l'un des meilleurs artistes d'animation des deux dernières décennies, à savoir Keep Your Hands Off Eizouken! par l'illustre Masaaki Yuasa (Devilman Crybaby, Ping Pong, The Tatami Galaxy, Lou et l'île aux sirènes, Inu-Oh... et on passe d'autres chefs d'oeuvre. Un peu plus de trois années plus tard, l'heure est enfin venue, grâce aux éditions nobi nobi! et à leur collection Genki, de découvrir dans notre langue le manga qui est à l'origine de cette folie animée ! Publiée en France depuis ce mois de septembre sous le titre Eizôken !! Pas touche à nos animés !, Eizouken ni wa Te wo Dasu na! est un manga qui suit son cours au Japon depuis septembre 2016 dans le magazine Big Comic Spirits des éditions Shôgakukan, à un rythme assez tranquille (et on comprend pourquoi quand on voit le travail graphique de son auteur) puisque "seulement" 8 tomes sont parus à ce jour, qui plus est à un rythme assez irrégulier (par exemple, il y a fallu 21 mois d'attente entre les tomes 5 et 6). Il s'agit de la toute première série professionnelle de Sumito Ôwara, jeune auteur qui est né en 1993 et qui s'intéresse depuis longtemps au monde de l'audiovisuel: après avoir fréquenté le club de cinéma de son lycée, il a intégré une faculté d'Art puis s'est intéressé à la production d'animation en autodidacte. Et pour la petite anecdote, histoire de boucler la boucle, il a lui-même pu s'occuper de l'animation du générique de fin de l'adaptation de son manga. Jouissant d'un bel accueil dans son pays d'origine, l'oeuvre a également connu des adaptations en film live et en drama en 2020, et a été nominée pour certaines récompenses en finissant 9e au Prix Manga Taisho 2018 et 15e au classement Kono Manga ga Sugoi! de cette même année.

Eizôken, c'est l'histoire de trois adolescentes qui vont se lancer dans un projet fou. Lycéenne en première année qui est passionnée d'animation depuis toujours, Midori Asakusa déborde d'imagination, passe son temps à dessiner toutes sortes de concepts foisonnants, dans son carnet de croquis, et rêve de pouvoir un jour créer son propre dessin animé à partir de l'un de ces concepts, chose qui est impossible seule. Certes, elle pourrait toujours compter sur sa meilleure amie Sayaka Kanamori, une fille qui, en plus d'être obsédée par l'argent, a la tête sur les épaules côté affaires et gestion d'un budget. Mais sur le plan purement artistique, il faudrait forcément trouver quelqu'un, et c'est là qu'intervient Tsubame Mizusaki, fille de riches acteurs et adolescente rendue très populaire par ses essais dans le mannequinat... Mais ce business de stars, ça ne l'intéresse pas: elle, ce dont elle rêve vraiment, c'est de devenir animatrice, domaine où elle est déjà très douée pour donner vie à des personnages ! Après leur rencontre fracassante et le partage de leur rêve commun, les jeunes filles doivent toutefois d'emblée composer avec un pépin: les parents de Mizusaki refusent catégoriquement qu'elle intègre le club d'animés du lycée. mais est- vraiment un souci ? Si elles ne peuvent pas intégrer ce club, elles n'auront qu'à en fonder un autre, le leur !

Comme déjà dit, Ôwara est lui-même très intéressé par la production d'animation, si bien qu'il n'y a rien d'étonnant à le voir aborder ce sujet pour le tout premier manga de sa carrière. Et si cette thématique a déjà été développée dans un petit paquet de mangas et d'animés, l'auteur a une façon bien à lui d'aborder les choses. Une façon particulièrement emballante qui doit beaucoup, en premier lieu, à ses trois héroïnes qui sont de véritables piles électriques toujours portées par leur passion envers et contre tout ainsi que par leur imagination résolument débordante. Tout en suivant les premières étapes de la création et de la consolidation de leur club (besoin d'avoir un superviseur, obtention d'un local à rénover, présentation d'un plan pour l'année afin d'obtenir une subvention du comité de l'école...) ainsi que, bien sûr, différents premiers aspects autour de la création d'un animé artisanal (questions autour de la production, conception d'un flip book, montage...), on les voit aller toujours plus loin malgré les premières épreuves (l'obligation de justifier l'existence de leur club, la fatigue, le besoin de rogner sur le budget et donc de ruser pour leur premier mini-projet à présenter au comité...), en étant sans cesse portées par leur complémentarité (les concepts et décors d'Asakusa, les personnages et talent en animation de Mizusaki, et la gestion de Kanamori), par leurs élans de témérité (il faut voir Kanamori faire sa langue de vipère pour retourner certaines situations à son avantage)... et, surtout, par leur imagination.

Et disons le clairement: c'est vraiment cette imagination qui porte le plus en avant l'oeuvre pour le moment, car le mangaka a une façon bien à lui de nous la faire vivre, en quelque sorte en métaphorisant/matérialisant les idées foisonnantes passant dans la tête de ces jeunes filles pour mieux nous les faire vivre de l'intérieur. On a ainsi l'impression que les adolescentes sont réellement en train de vivre et d'expérimenter ce qui sort de leur tête, pour un résultat d'autant plus captivant que, dans ces moments-là, Ôwara soigne énormément ses designs des différents concepts, en allant jusqu'à en faire des croquis détaillés et annotés.

Et puisque l'on parle du travail visuel du mangaka, soulignons-en les autres qualités: entres des designs de personnages bien marqués et très expressifs et des décors souvent foisonnants et plusieurs fois assez originaux (ne serait-ce que la dégaine de l'école à la première page), Ôwara propose également pas mal de petites idées de mise en scène, que ce soit dans différents angles de vue ou en jouant parfois sur l'agencement des textes dans certaines bulles pour s'adapter au cadre. L'auteur se veut souvent aussi imaginatif que ses héroïnes, et c'est tant mieux !

"Je discerne au loin le monde de tous les possibles."

Sur une thématique qui n'est pas spécialement nouvelle (les coulisses de la production d'un animé), Sumito Ôwara parvient à livrer un début de série particulièrement réjouissant, dans la mesure où il laisse surtout la part belle à l'imagination et au désir d'accomplir ses rêves, le tout étant porté par un trio d'héroïnes ébouriffant et que l'on aura sans aucun doute plaisir à suivre sur la longueur.

De plus, ce très chouette début de série se voit servi par une édition largement à la hauteur, en particulier grâce à la traduction où Kevin Stocker livre quelque chose de très vivants, de très naturel, de très animé, avec des héroïnes qui ont parfois une façon de parler bien à elles et collant efficacement à leur passion. A part ça, soulignons un lettrage bien travaillé, un papier souple et opaque permettant une honnête qualité d'impression, et une jaquette restant très proche de l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs