Double Vol.1 - Actualité manga
Double Vol.1 - Manga

Double Vol.1 : Critiques

Double

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 25 Novembre 2021

Après nous avoir beaucoup intéressés avec le récit méta Le monde selon Utchu chez Casterman et nous avoir pas mal chamboulés avec l'excellent Incandescence chez Le Lézard Noir, Ayako Noda est de retour, en ce mois de novembre, chez l'éditeur poitevin, avec l'une de ses toutes dernières séries en date (la dernière non-yaoi à ce jour, en tout cas): Double. Dessinée au Japon à partir de 2019 et jusqu'au début de cette année pour le magazine Flat Hero's de Shôgakukan, cette série bouclée en 5 volumes s'est notamment distinguée dans son pays en remportant, en 2020, le Prix d'excellence au 23e Japan Media Arts Festival.

Double nous immisce auprès de deux hommes de 30 ans, Yûjin Kamoshima et Takara Takarada, qui, en plus d'être voisins de chambre dans une résidence bon marché, sont tous les deux comédiens amateurs dans la même troupe de théâtre. Cela fait désormais 7 ans qu'ils se connaissent et sont inséparables, quand bien même Yûjin a parfaitement conscience que Takara a beaucoup plus de talent que lui en tant que comédien. Yûjin fait pourtant du théâtre depuis bien plus longtemps que son compère, et a même déjà eu quelques petites rôles qui ne lui ont rien apporté dans des films. Mais le fait est que Takara est un génie pur, capable de transcender le moindre de ses rôles, peut-être parce qu'il voit le monde entier comme un théâtre et est capable de s'imprégner de ses rôles totalement, en un rien de temps et en retenant immédiatement les scènes. Mais le génie d'acteur de Takara est contrebalancé par ses inaptitudes totales dans les tâches plus terre-à-terre: il est totalement désordonné, est incapable de tenir un planning, et à la ramasse sur toutes les petites choses du quotidien. Alors Yûjin, plutôt que d'être bêtement jaloux de ce talent plus prononcé que le sien, a décidé de toute faire pour faire éclore son ami aux yeux du monde entier. Dans la troupe, il joue sans faillir la doublure de Takara, et le connaît si bien qu'il sait même d'avance ce qu'il voudra changer dans les scènes. Et à la résidence, il s'occupe de toutes les tâches ménagères à sa place: ménage, lessive, planning... comme une sorte de manager qui aurait level up, mais sans en être réellement un. Il est le double de Takara, autant en théâtre que dans la vie de tous les jours. Pas une doublure, non. Mais peut-être bien, surtout, une moitié.

Tout cela, Ayako Noda nous le fait très bien ressentir, au travers d'un premier chapitre qui vise vraiment à installer comme il se doit la relation entre ces deux hommes, sorte d'amitié forte où l'un ne semble rien sans l'autre. Et c'est avec cette idée en tête que l'on découvre avec intérêt Yûjin, donc, mais aussi voire surtout Takara, génie dans son domaine, vivant d'une manière quelque part désordonnée et sensible, loin d'être adapté au moule (il nous le montrera à plusieurs reprises)... mais c'est justement en partie tout sa, son regard assez à part sur ce qui l'entoure, qui le fait briller. Et ainsi, dès la fin du chapitre 1, il n'en faudra pas plus pour qu'il finisse par attirer l'attention de Kazue Tsumeta, femme de 30 ans elles aussi, travaillant dans une agence artistique, et souhaitant enrôler Takara. Takara n'en a pas forcément envie, mais Tsumeta insiste... et, surtout, Yûjin, qui a tant conscience du talent de son ami, le pousse à accepter. Même si cela pourrait signifier s'éloigner un peu plus de lui...

C'est à partir de là, après cette excellente mise en place, que le récit décolle, dès lors que Takara, sous l'impulsion de Tsumeta, obtient son premier rôle dans une série télévisée. Une bonne partie du volume nous invitera à suivre ses premiers pas dans ce milieu, avec tout ce que ça implique de difficulté et de moments de génie, bien souvent grâce à ou à cause de son côté "décalé". Takara se montrera longtemps incapable de retenir le noms des autres acteurs (y compris les stars), reprendra plusieurs fois le réalisateur, s'interrogera sur l'utilité de tel ou tel objet dans la mise en scène au point de retarder le tournage... car Tatara est comme ça: certes génial quand il capte son rôle, mais également un peu comme un enfant innocent et découvrant le monde. Mais surtout, sa façon d'être pendant le tournage traduit surtout une chose: sans Yûjin, il est totalement perdu et ne sait pas quoi faire. Et il suffira alors d'un seul appel à Yûjin pour que celui-ci, par téléphone, le remette sur les rails et le fasse briller.

Les deux personnages centraux sont déjà assez fascinants dans leur relation, et sont vraiment le moteur du récit... mais Ayako Noda sait aussi jouer sur d'autres choses, à commencer par un humour assez souvent présent et qui, en premier lieu, doit beaucoup aux moments de décalage de Takara. Il y a également une certaine immersion dans le travail de comédien, allant du théâtre à la série télévisée, des informations assez pointues sur la pièce "Comme il vous plaira" de Shakespeare à quelques coulisses d'un tournage pour la TV où certaines visions s'opposent. Enfin, n'oublions pas le style visuel de Noda, aussi saisissant que dans ses précédents travaux, en particulier ses jeux sur certains regards profonds vus de près, et son travail de mise en scène quand Takara joue en laissant une forte impression.

Il s'agit donc d'un début très immersif pour Double, oeuvre où Ayako Noda se réapproprie avec talent le sujet des comédiens, pour présenter un lien très fort à sa manière et quelque part fascinant entre ses deux personnages principaux, donc on a déjà hâte de découvrir la suite du parcours.

Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique, pas d'avis sur l'édition.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs