Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 09 Mai 2023

L'excellente mangaka Asumiko Nakamura, déjà très présente dans le catalogue des éditions Hana ces dernières années, est revenue chez l'éditeur en juillet 2022 avec Double Mints, un récit dont les cinq chapitres furent initialement prépubliés au Japon en 2009, à rythme mensuel, dans les pages du magazine Mellow Mellow d'Ohzora Shuppan, avant de paraître aux éditions Akaneshinsha le 24 juillet de cette même année en un unique volume broché. Ce manga s'est ensuite vu adapté en film live en 2017.

Dans cette histoire d'environ 170 pages, tout commence par l'appel que reçoit un jeune homme du nom de Mitsuo Ichikawa de la part d'un autre garçon qui était dans sa classe au lycée et qui réclame son aide après avoir, d'après ses dires, "tué une femme". Mitsuo aurait simplement pu ignorer l'appel de cet homme qu'il n'a pas vu depuis des années, et pourtant il va immédiatement voler à sa rescousse et l'aider à enterrer secrètement le corps de la victime. Pourquoi Mitsuo a-t-il aidé ainsi le criminel ? Peut-être parce qu'ils sont liés par une étonnante homonymie: lui aussi s'appelle Mitsuo Ichikawa. peut-être aussi parce que, par le passé, il y avait entre eux une relation très particulière, qui a tourné à l'obsession pour l'un des deux...

Démarrant sur une sordide affaire de meurtre qui révèlera tout compte fait quelques rebondissements, ce récit s'imbibe, d'emblée, d'une atmosphère assez noire, qui ne va ensuite jamais réellement le quitter. Une atmosphère qui va accompagner à merveille la surprenante histoire commune de ces deux hommes qui, bien que très différents physiquement et dans leur parcours, se retrouvent pour entamer un nouveau lien assez indéfinissable. Ce lien, Nakamura l'explore fort bien, que ce soit en dévoilant un passé tortueux et malsain où l'un des deux Mitsuo faisait subir bien des choses à l'autre Mitsuo qui y a pris goût, un présent rendu tout aussi compliqué par les relations de l'un de nos héros avec des yakuzas, et une ouverture vers un futur certes incertain mais où ils restent irrémédiablement ensemble. Entre rapport de soumission/domination, désir de contrôler l'autre, complicité à plusieurs égards, ou peut-être réelle forme d'amour, la mangaka dépeint une relation sur laquelle il est bien difficile de poser un nom, mais qui est assurément fascinante dans son genre en reposant sur une idée: la façon dont ces deux-là s'accrochent bizarrement l'un à l'autre. Qui plus, en plus de son atmosphère plus sombre que ses autres boys' love parus en France, Double Mints partage un autre point commun avec Utsubora, le polar faisant office de pièce maîtresse dans la carrière de la mangaka et qui est récemment paru en France aux éditions Akata: des interrogations sur l'identité, cette fois-ci à travers l'homonymie des deux héros. Le fait qu'ils possèdent le même nom signifie-t-il qu'ils sont semblables ? On notera d'ailleurs que Double Mints a été dessiné au Japon parallèlement à Utsubora (qui a vu le jour entre 2008 et 2012), signifiant sûrement que Nakamura s'interrogeait pas mal sur ces questions d'identité à cette époque.

Servi par l'habituel dessin tout en finesse et en maîtrise de la mise en scène de la mangaka, mais aussi par une édition tout à fait convenable (jaquette proche de l'originale japonaise, papier et impression d'honnête facture malgré quelques petits moirages par instants, lettrage propre, et traduction claire de Vanessa Gallon malgré quelques "Mistu" au lieu de "Mitsu"), Double Mints se présente comme un récit tortueux et captivant maîtrisé. Signalons aussi que le tome est grossi, à la fin, par deux histoires courtes plutôt sympathiques à suivre, même si la deuxième n'est vraiment qu'un bref instant de vie de quelques pages.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction