Devil Inside Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 17 Mai 2018

Le catalogue des éditions Komikku accueille en ce mois de mai un nouveau thriller avec Devil Inside, de son nom original Sekitô. Toute première oeuvre du duo Satoshi Ôbe (scénario) et Ryô Ogawa (dessin), cette série en trois tomes a été publiée en 2015-2016 dans le Shônen Magazine des éditions Kôdansha. Par ailleurs, il s'agit de la 2ème collaboration de Komikku avec ce géant de l'édition japonais, après le manga Les Oubliés en 2015/2016.


Promis à un brillant avenir, Jun Kurohoshi est un lycéen surdoué qui souhaite devenir médecin, même si son détestable frère Akira, sa seule famille depuis la disparition de leurs parents, envisage les choses autrement. Depuis la mort de leurs parents, les deux frères vivent dans leur luxueux manoir en compagnie de quelques domestiques dont Kanae, jeune fille de 17 ans autrefois recueillie par leur père, et à qui Jun tient plus que tout. Tandis que Jun poursuivait ses études avec brio, et mettait son cerveau brillant au service de la police pour jouer les détectives et arrêter des criminels, Akira a fait prospérer l'entreprise familiale au point d'en faire l'une des plus importantes du pays. En somme, tout semble aller pour le mieux... mais la famille Kurohoshi cache toutefois un secret: chaque homme à un don extraordinaire. Le défunt père pouvait contrôler le comportement des gens, Akira peut assouvir leur esprit... Quant à celui de Jun, il reste mystérieux, car le jeune garçon, grâce à la douce Kanae, a appris à l'enfouir profondément en lui.


Tout dérape quand s'échappe de prison Yûki Ôgawara, redoutable tueur en série qui fut arrêté grâce à Jun... et qui souhaite plus que tout se venger de lui. Tandis que le tueur s'immisce dans le manoir et commence à massacrer tout le monde, dans le même temps Akira tente de violer Kanae pour enrager son frère et l'obliger à dévoiler son don. Mais rien ne va se passer comme prévu pour chacun des personnages, et c'est dans un immense incendie calcinant les corps que naît un nouveau monstre, peut-être plus terrible encore qu'Ôgawara...


Parlons d'abord des dessins. Sans être repoussant, le dessin d'Ogawa souffre d'assez nombreuses limites, qui se remarquent surtout dans des visages parfois très inégaux et trop relâchés, ou dans un trait qui reste régulièrement assez pauvre. Très académique, le découpage manque un peu d'ampleur, d'ambition pour un récit de ce genre. La froideur de l'ensemble pourrait également rebuter, mais sur ce point il est aussi possible de trouver que ça colle assez bien à un récit somme toute assez sombre. Il y a toutefois, de temps à autre, des planches qui en jettent assez grâce à l'angle de vue choisi, à des effets de choc et à des jeux d'ombre rendus intéressants par les trames. On note aussi des expressions faciales parfois volontairement exagérées pour accentuer des sentiments, ce qui peut créer son petit effet malgré les inégalités de ceci.


Quant à l'histoire imaginée par Ôbe, dans sa narration elle prend le pari d'aller très vite pour ne pas laisser les choses retomber, et parfois de se construire un peu comme un puzzle, variant entre certains personnages d'un chapitre à l'autre, et jonglant entre les époques via des petits flashbacks où les affaires de meurtres finissent par s'entremêler. Par exemple, l'histoire débute en nous plaçant surtout auprès de Jun, avant que la suite ne nous immisce auprès de Yoshiki Maejima, un policier enquêtant sur l'incendie du manoir Kurohoshi. Et ce choix est très intéressant sur le papier, car étant donné qu'on était auprès de Jun au départ, voir ce qu'il devient au travers de l'enquête de Yoshiki a quelque chose d'assez dérangeant, glaçant, effrayant. Ça peut clairement faire son petit effet. En revanche, il y a un problème: Ôbe confond souvent rythme soutenu et précipitation, et régulièrement les choses vont donc clairement trop vite ! C'est le cas dès les départs, où la présentation des principaux personnages comme Jun et Kanae ne fonctionne qu'à moitié: pas le temps de s'intéresser réellement à eux, et leur lien n'est évoqué qu'en surface, très rapidement, si bien que toute la suite manque un peu d'impact puisque l'essentiel repose sur le désir de Jun de protéger Kanae. De même, le concept des dons extraordinaires des Kurohishi est balancé un peu à la va-vite, sans préparation, manquant dès lors de substance et de crédibilité. Plus tard, c'est le cas de Yoshiki qui ne convainc pas totalement: entre son épouse qui a elle aussi un don incroyable, et son côté papa poule dans sa petite famille, il y a des idées plaisantes, mais elles sont rushées dans leur présentation. Enfin, à force de vouloir aller vite, les transitions quand on change d'époque manquent un peu de soin, ce qui pourrait vite perdre un lecteur pas assez attentif.


"Je n'ai qu'à accumuler des piles de cadavres, entasser les crimes comme la neige jusqu'à ce qu'ils recouvrent le tien. Je veux te protéger, quitte à avoir le monde entier pour ennemi... C'est dans ce seul but que je suis devenu un monstre !"


Ce début de série possède de nombreuses maladresses qui témoignent surtout du manque d'expérience des deux mangakas, mais en même temps ce petit thriller esquisse des choses qui s'avèrent assez intéressantes, voire prometteuses, ne serait-ce que dans certains moments glaçants, ou dans le parcours terrible dans lequel s'engouffre Jun, libérant le démon qui est en lui pour une raison finalement très naturelle, à savoir protéger ce en quoi il tient... mais les choses s'arrêtent-elles vraiment à ça, ou y a-t-il encore pire au fond de cet anti-héros ? Seule la suite nous le dira, et on la suivra tout de même avec un certain intérêt, en espérant simplement que les maladresses disparaissent au fil des pages. En trois tomes, c'est tout à fait possible.


Les éditions Komikku, en tout cas, livrent une nouvelle fois une édition à la très bonne fabrication, avec un papier de qualité et une excellente impression. La traduction de Yohan Leclerc, quant à elle, s'avère fluide et plutôt bien dans le ton.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
12 20
Note de la rédaction