Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 11 Juillet 2022
Le comics américain fait de plus en plus d'incursions du côté du manga, mais les titres qui paraissent chez nous concernant davantage l'univers DC. Citons par exemple Batman Ninja ou Batman Justice Buster, fraîchement annoncé chez nous, prouvant que l'univers du chevalier noir et de la Justice League a trouvé sa place sur le marché francophone de la bande-dessinée nippone. Panini, éditeur emblématique des comics Marvel, choisit désormais de jouer ses propres cartes, en nous proposant notamment un titre autour de l'une des figures les plus particulières de l'univers des Avengers : Deadpool.
Lancé en 2020 sur la plateforme Shônen Jump+, Deadpool Samurai résulte des talents conjoints de Sanshirô Kasama au scénario et Hikaru Uesugi au dessin, deux adorateurs de Marvel à la carrière assez récente. La publication sera assez courte et s'achèvera en 2021, au terme de deux volumes.
Si dessiner un manga autour des héros Marvel ne semble pas être une épreuve absurde en soit, choisir la figure de Deadpool s'avère un poil plus complexe. Véritable anti-héros, ce dernier a pour particularité d'être immortel et de marquer le récit de sa violence comme de ses attaques verbales pleines d'humour et brisant régulièrement le quatrième mur. Le choisir est un excellent moyen de créer un manga mêlant action et comique, mais l'art se doit d'être équilibré afin d'aboutir à un résultat convaincant. Alors, on ne s'attendait pas à ce que ce premier volume soit aussi réussi.
Dans cette histoire où le quatrième mur ne semble pas exister, Deadpool se rend au Japon, appelé par l'écurie Jump pour garnir son catalogue. Ou plutôt, il vient traquer quelques malfrats en gardant son habitude d'être sans scrupule pour se débarrasser de la vermine. Pour les Avengers, dont Captain America et Iron-Man, sa venue est une aubaine car tous deux veulent créer leur filiale japonaise. Ainsi l'anti-héros réalise un rêve en intégrant le pan japonais de la brigade de justiciers, le Samurai Squad, auquel appartient Spider Sakura, une adolescente dotée de pouvoirs après avoir été elle aussi piquée par une araignée. Mais la jeune héroïne ne s'attendait certainement pas à ce que la collaboration avec Deadpool soit si explosive...
Si, d'une manière générale, une histoire Marvel intéresse par la combinaison dessinateur/scénariste, son approche visuelle comme son écriture, Deadpool Samurai opère un parti-pris différent. L'histoire imaginée par Sanchirô Kasama n'est finalement qu'un prétexte pour mettre Deadpool dans des situations variées et le faire côtoyer un univers japonais, en restant fidèle au principe du personnage qui parvient à rendre chaque instant cocasse, toute scène étant marquée par le sens de l'humour si particulier du « héros ». Pour quelqu'un qui ne connaîtrait pas le personnage, la lecture peut donc s'avérer surprenante : Exit le super-héroïsme classique, l'enjeu même de Deadpool Samurai étant d'amener une lecture exploitant à fond le concept et en proposant un univers différent de ceux des comics.
Ainsi, bien que ce premier tome soit construit autour d'aventures précises, les auteurs s'en donnent à cœur joie pour créer un humour qui vient sans cesse s'adresser au lecteur, cassant la fameux quatrième mur, en misant sur ses propres connaissances du Manga, et un tout petit peu de l'univers Marvel. Une idée risquée sur le papier, mais les auteurs restent humbles en créant un humour sur des références grand public, y compris les gags ciblant l'univers Marvel. Un simple visionnage des films du MCU (volontairement référencé) suffit, preuve que la collaboration entre Shûeisha et l'éditeur américain se veut accessible et que chacun y trouve son compte. Dans cette optique, les auteurs parviennent à utiliser l'immensité de l'univers Marvel de manière astucieuse, ramenant des figures connues tout en créant ses propres personnages en réutilisant certaines mécaniques qui ne nécessitent pas d'avoir lu 50 ans au préalable. C'est donc à juste titre que le monde de Spider-man est davantage exploité, le héros étant certainement le plus connu parmi les Avengers. Le concept de l'araignée radioactive ou du symbiote sont des références que des néophytes peuvent saisir, preuve d'une compréhension des auteurs de ce que doit être un manga Marvel destiné au grand public.
Par toute cette maîtrise, ce premier volume se dévore de manière gourmande, par son sens du rythme et ses péripéties à l'humour bien dosé, jouant à la fois sur le quatrième mur comme sur de simples joutes verbales qui ne manquent pas de piquant tout exploitant l'univers de la pop-culture nippone. Un ensemble réussi, notamment par ses divers jeux de narration qui relèvent parfois du génie. Sanshirô Kasama et Hikaru Uesugi n'ont certainement pas été choisis à la légère, tous deux ayant compris à la fois la figure de Deadpool, la possibilité de repousser son humour particulier, et ce que devait être le manga en terme d'accessibilité. Sans avoir d'autre prétention que celle de divertir et d'exploiter l'univers Marvel sous un autre médium et avec d'autres codes, les débuts de Deadpool Samurai sont établis avec brio.