Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 12 Juin 2023
Découvert en 2021-2022 chez Omaké Manga avec Ban le bouseux où l'on avait pu apprécier son style visuel délicieusement excessif, Yoshimi Nanjoh revient chez l'éditeur en ce début de mois de juin avec LV 41-sai no Yûsha (littéralement héros au level 41 ans), un one-shot qui fut prépublié au Japon en 2020-2021 dans le magazine Manga Goraku des éditions Nihon Bungeisha. Cette fois-ci, Nanjoh met en images une histoire signée Satoshi Miyagawa, un auteur qui est également connu pour l'oeuvre décalée Space Battleship Tiramisu dont le manga initial est inédit en France mais dont l'adaptation animée fut diffusée en 2018 sur Wakanim. Pour la publication française de ce manga, Omaké a choisi le nom très fun de Daron Quest, un titre plutôt bien pensé et qui, d'emblée, prête à sourire avec son clin d'oeil à Dragon Quest, et qui donne une excellente idée du contenu: de la fantasy et de l'homme mûr !
On suit ici Evan Williams, un héros qui, avec ses compagnons, traque sans relâche le dieu du mal Calvados. Sauf qu'il a commencé son aventure à 20 ans, et qu'il a désormais atteint les 41 ans ! A l'heure où ses facultés commencent à fléchir et que des aventuriers plus jeunes prennent le relai, le voici bientôt seul pour continuer sa quête... mais pour lui, il est hors de question de raccrocher son épée !
Au fil de chapitres courts puisqu'ils font quasiment tous 8 pages, l'oeuvre nous présente le journal de la lutte d'Evan contre ses démons concernant sa prise d'âge, dans une tonalité évidemment humoristique que l'introduction se charge d'installer efficacement d'emblée, y compris en se moquant un peu de certains clichés du genre (aaah, les habituelles guerrière dont l'armure se résume à un bikini), et avec une traduction jouant à fond la carte de la série B crétine via les noms farfelus des royaumes et de plusieurs personnages. Dans ce cadre les auteurs distillent diverses petites péripéties d'Evan: trouver de nouveaux compagnons, se retrouver enfermé à tort car on le suspecte d'être un démon, se remémorer des souvenirs de jeunesse, voyager à travers différentes contrées, combattre des créatures maléfiques, rechercher une armure légendaire... Et ces quelques événements plus ou moins classiques sont surtout un prétexte pour déballer, vite et assez bien, nombre de soucis pouvant commencer à toucher un homme de l'âge d'Evan: un casque qui pue le vieux, des tentatives ratées de draguer des petites jeunettes ou même des trentenaires, un corps qui ne répond plus aussi bien qu'avant, des stats qui commencent alors à diminuer au lieu d'augmenter, des hémorroïdes qui persistent, des calculs rénaux, des radotages qui débutent, des trous de mémoire, la vue qui se brouille, un éveil insolite à la paternité... Bon, les deux mangakas exagèrent parfois, car certaines choses semblent un peu too much pour quelqu'un n'ayant que 41 ans, mais les idées sont là et peuvent amuser assez facilement, plus encore si l'on est adepte de l'humour bas de plafond et souvent sous la ceinture, puisque c'est une autre caractéristique du récit: quitte à être vulgaire (sans doute trop vulgaire selon les goûts, mais en ce qui me concerne ça passait assez bien car c'est bien dans le ton de l'oeuvre), les auteurs (et le traducteur Frédéric Malet par la même occasion) se font plaisir en jouant cette carte à fond, avec un héros qui pense plus d'une fois avec son "deuxième cerveau" et quelques situations qui vont assez loin dans le délire d'"humour pipi" grotesque (mention spéciale au chapitres des calculs rénaux, mais on n'en dira pas plus). Et évidemment, le style visuel excessif de Nanjoh se prête parfaitement à ce type d'exercice, mais cela n'empêche pas le dessinateur de soigner ses différents designs de créatures entre autres.
Pouvant faire office de vrai petit plaisir coupable malgré certains élans très (trop) beaufs, Daron Quest est donc une plutôt bonne petite surprise dans son genre. A condition d'adhérer à ce style d'humour pas bien finaud et de mettre son cerveau sur off le temps d'à peine 160 pages, l'oeuvre fait assez bien le taff, tant on sent que les deux auteurs ont à coeur d'exploiter autant que possible leur concept sans forcément beaucoup développer les situations.
Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique, on ne donnera pas d'avis sur l'édition.