Danse du soleil et de la lune (la) Vol.1 - Actualité manga
Danse du soleil et de la lune (la) Vol.1 - Manga

Danse du soleil et de la lune (la) Vol.1 : Critiques

Taiyô to Tsuki no Hagane

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 03 Février 2022

En 2018, la talentueuse Daruma Matsuura a mis fin à Kasane : la voleuse de visage, drame vénéneux aussi envoutant que frissonnant pas instants, qui s'est offert le luxe d'une maîtrise scénaristique comme de la finesse esthétique d'une mangaka qui, en une seule œuvre, a largement fait ses preuves. C'est avec un court projet en 2019, Ima Kako, que l'artiste a développé sa carrière, jusqu'à lancer l'année dernière sa nouvelle série ambitieuse : Taiyô to Tsuki no Hagane. Prépubliée dans les pages du Big Comic Superior de l'éditeur Shôgakukan, l'œuvre compte à ce jour trois volumes au Japon.

Tout naturellement, c'est Ki-oon que publie le titre dans nos contrées, l'éditeur continuant de mener une politique d'auteur. Nommé La Danse du Soleil et de la Lune, le manga a droit à un titre français qui ne trahit pas l'intitulé japonais. Si littéralement le nom original se traduit par « L'acier du Soleil et de la Lune », les deux idées centrales, symboles des protagonistes, ont été conservées et utilisées à bon escient.

A une époque où la voie du sabre régit la destinée et l'honneur de tout homme, la vie de Konosuke n'est faite que de désillusions. En effet, s'il aspire lui aussi au chemin du samouraï, cet individu souffre d'une terrible malédiction : A son contact, tout métal se tord, lui rendant impossible l'utilisation d'un katana. A cause de sa condition, l'homme peine à vivre dignement ou à trouver un emploi. Pire encore, les autres le méprise et le considère comme un couard qui fuit la voie du sabre.
Sa destinée prend une toute autre tournure quand arrive dans sa vie Tsuki, une belle jeune femme qui lui adresse une demande en mariage. Choqué par cet événement soudain, Konosuke accepte mais ne peut croire à la sincérité de son épouse. Pourtant, c'est peut-être grâce à Tsuki que l'homme pourra aller de l'avant en assumant son passé comme sa malédiction, quand bien même Tsuki cacherait un secret...

Après le conte noir et contemporain qu'est Kasane, on se demandait bien quelle histoire Daruma Matsuura pourrait nous conter dans un contexte japonais daté où régnait la fierté du samouraï couplé à une haute forme de patriarcat. Dès ses premières pages, La Danse du Soleil et de la Lune ne manque pas d'intriguer, aussi bien par son héros dont le quotidien est fait de désillusions que les jours nouveaux qu'il connait en compagnie de Tsuki. Une épouse soudaine qu'il ne parvient pas à accepter et pour laquelle il développera une véritable défiance. Mais ce qui nous happe, c'est bien la tonalité du récit qui évolue au fil des pages. Si tout comme le protagoniste le lecteur s'interroge sur cette jeune femme sortie de nulle part, c'est bien l'alchimie qui se développe entre eux, synonyme de résurrection pour le héros, qui apporte une autre atmosphère, touchante et intime. Peu à peu, ce binôme peu commun révèle une belle sincérité tandis que la mangaka aborde plus frontalement la question du regret, en permettant à Konosuke d'expier ce qu'il pensait être un péché. Les événements qui construisent ce premier tome, en plus de tenir en haleine, parviennent à se montrer touchant et à bien planter un binôme qu'on se plait déjà à suivre, même si la suite de leur parcours reste assez abstraite.

Et même si on ne sait pas trop quoi attendre de la série, la formule séduit par cette tranche de vie historique douce et mélancolique, teintée d'un petit degré de surnaturel. Qui est Tsuki ? On se le demande. Pourquoi est-elle intervenue dans la vie du protagoniste ? Questionnement de plus. D'où vient la malédiction dont souffre Konosuke ? Mystère. Et alors qu'est conforté sur la voie que semble prendre l'histoire, la fin de ce premier tome bouscule l'ensemble. Intense, plantant une véritable menace tout en appuyant davantage les mystères de l'ouvre, elle fait basculer le récit dans un autre genre, celui de l'action surnaturelle. Parlant d'éléments mystiques discrets, l'intrigue passe d'un univers où existent de vrais pouvoir. C'est aussi surprenant que déroutant, ça nous chamboule en plein territoire que nous pensions conquis, et ça plante instantanément bien des interrogations sur la suite du développement de l'œuvre. Difficile de ne pas attendre la suite avec hâte !

Le constat enthousiasmant de ce premier tome vient aussi de son esthétique. La mangaka fait ici évoluer son style, et l'adapte au ton qu'elle veut donner à cette œuvre. Exit les ambiances vénéneuses de Kasane appuyées par un trait qui savait nous mettre mal à l'aise, la patte de Daruma Matsuura est bien plus épurée pour traduire l'humanité du titre, et parfois sa mélancolie. Et quand son style redevient plus violent, c'est bien pour correspondre au grand retournement de situation de fin de tome qui fait changer le titre de registre. On aimait la maîtrise graphique de l'artiste pour tout ce qu'elle apportait en terme de tons, une appréciation toujours d'actualité sur ce début de série.

Alors, La Danse du Soleil et de la Lune séduit d'entrée de jeu, nous porte par ses intentions narratives comme pour son duo improbable, nous émeut avant de nous bousculer sur sa fin bien plus violente et changeant le registre du début d'intrigue. Voilà une entrée en matière efficace et étonnante sur ses choix de style, qui confirme le talent de Daruma Matsuura pour mener ses histoires. On attendra la suite avec hâte, comme ce fut le cas pour Kasane !

Côté édition, Ki-oon propose son format seinen habituel, garni d'un papier épais. Pas de page couleur, mais une couverture mâte efficace, embellie par la solide adaptation graphique du Studio Charon parfaitement en phase avec l'ambiance de ce début de récit. Enfin, la traduction de Géraldine Oudin est sans fausse note, parvenant à mettre en relief toutes les nuances de ce premier opus.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs