Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 26 Novembre 2013
Au fil des mois qui s'écoulent, la tête en l'air mais courageuse Suzu continue de faire de son mieux aux côtés de son époux Shûsuke et de ses proches. Il lui faut gérer plusieurs choses dans la demeure, prendre soin de son époux ou encore de la petite Hiromi, la fille de Keiko... Tout ceci pendant que, jour après jour, elle ne peut qu'observer les ravages de plus en plus graves que provoque la guerre. Autour d'elle, les gens continuent de partir livrer bataille, s'éloignent pour ne plus jamais revenir, et en plus des bombardements de plus en plus meurtriers sur la ville de Kure, dans la banlieue de Hiroshima, voici que d'autres parmaètres sont à rpendre en compte, dont la menace d'une famine.
De décembre 1944 jusqu'à un après-guerre difficile, Fumiyo Kouno nous invite à suivre la suite et fin du parcours de Suzu et de ses proches dans un pays troublé, que notre héroïne ne peut qu'observer, dans son recoin de monde que constitue la demeure familiale. Mois après mois, les dangers se font de plus en plus violents, les menaces de plus en plus fortes, mais Suzu doit continuer de veiller courageusement sur la maison et sur ceux qui l'entourent et qui seront tous marqués en profondeur par la guerre. En se basant sur une importante documentation, la mangaka continue un portrait ultra-détaillé, qui se partage entre le quotidien de l'époque, l'influence de la guerre sur celui-ci, et les grands événements historiques qui ont touché Kure, Hiroshima et le Japon entier. Il faut d'ailleurs souligner les nombreuses précisions intéressantes apportées dans les marges de l'oeuvre. Le récit est évidemment dur, car il va souvent loin dans les horreurs qui touchent de plus en plus Suzu et nombre d'autres citoyens aussi simples qu'elle. Au fil des mois qui passent, les malheurs s'enchaînent, vont souvent jusqu'à déchirer des familles et des âmes innocentes, et au milieu de tous ces malheurs, Suzu se retrouve elle aussi meurtrie au plus profond de sa chair, et est contrainte de remettre en cause sa place dans ce monde. Que doit-elle faire ? Que peut-elle faire ? Où doit-elle être ?
Les choses sont de plus en plus dures, certains drames déchirants arrivent et émeuvent à coup sûr. Et l'oeuvre est pourtant dénuée de pathos. Cela, on le doit à l'habituel ton simple de Fumiyo Kouno, qui n'ellipse certes pas les drames mais n'en fait pas des caisses, principalement parce qu'elle préfère s'attarder sur ses personnages et sur leur ressenti plutôt que sur les drames eux-mêmes. Surtout, Suzu, malgré toutes les épreuves, conserve la douceur qui la caractérise, et aussi cette volonté de rester courageuse et de protéger ce qu'elle peut protéger, bien qu'elle soit souvent impuissante et que sa joie de vivre s'efface toujours plus. Et une fois le pire passé, rien ne s'arrange subitement, bien au contraire, et face aux horreurs provoquées par la bombe de Hiroshima,au paysage chaotique laissé par les bombardements, et aux conditions de vie précaires qui se sont installées, Suzu et ses proches devront entamer un long parcours et rester forts et soudés pour se reconstruire. On appréciera d'ailleurs beaucoup la note d'espoir qu'apporte la fin, au coeur d'un recoin de monde meurtri.
A l'arrivée, on se retrouve avec une oeuvre à la fois simple et forte, tout simplement essentielle. En prenant appui sur une vie simple, de celle que l'on vit tous, Fumiyo Kouno dresse un portrait ultra-détaillé de la Seconde Guerre Mondiale dans la région de Kure et de Hiroshima, mais aussi de l'époque et des mentalités qui pouvaient régner chez les civils, au gré des terribles événements auxquels ils ont pu faire face. Suzu est l'un de ces civils, parmi tant d'autres. Dans son recoin de monde, tantôt courageuse tantôt impuissante, elle s'est contentée, face à l'horreur, de chercher sa place et de tenter de protéger comme elle le pouvait ce qu'elle aimait. Elle est comme vous et moi, à ceci près qu'elle a vécu des choses que l'on espère ne jamais avoir à vivre.
Si Fumiyo Kouno a toujours excellé dans les portraits de gens simples, elle semble avoir atteint ici le sommet de son art.