Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 07 Mars 2025
Jeune femme proche de la trentaine, seule, plutôt réservée et nourrissant une passion dévorante pour le cinéma, Miwa Kubota a saisi la chance de se faire embaucher comme domestique dans la demeure de son idole absolue, l'acteur cinquantenaire de renommée internationale Takashi Yatsumi, qu'elle sert soigneusement en entretenant même déjà avec lui un lien à part, grâce à sa passion sincère pour le cinéma. Seulement, elle est incapable d'avouer que son bonheur actuel repose sur une imposture, puisqu'elle a prix la place d'une certaine Sakura Miwa qui devait initialement être la candidate à l'embauche. Et quand l'agence qui est censée l'avoir embauchée appelle madame Fujiura, ma très stricte manager de Yatsumi, tout porte à croire que le nouveau quotidien rêve de notre héroïne va déjà prendre fin...
Si, de manière quand même un petit peu étonnante, la menace pesant sur Miwa en début de tome est très vite évacuée, c'est pour mieux permettre à Uhei Aoki d'entretenir encore le tiraillement de son héroïne, qui ne pense aucunement à mal dans sa situation où d'autres en auraient déjà largement plus profité. A travers un narration toujours très introspective sur elle, on sent en permanence que Miwa est tourmentée par ce qu'elle fait: elle a le sentiment de tromper ces gens y compris celui qu'elle admire plus que tout, elle se sent coupable de causer du tort à une inconnue, elle craint de ne pas avoir sa place ici (elle qui avait déjà le sentiment de n'avoir jamais eu sa place nulle part)... mais dans le fond, a-t-elle raison de rester si négative ? Dans ce tome, ce sont les entrées en scène successives, dans un schéma classique mais soigné, qui pourraient bien répondre à cette question.
Tout d'abord, il y a les retrouvailles fortuites de Miwa avec le dénommé Kido, son ex, et a priori le seul homme qu'elle a connu. Un homme que, derrière ses belles valeurs apparentes, on a quand même vite envie de qualifier de belle saloperie, au vu de ce que l'on apprend de la façon dont il s'était mis en couple avec Miwa (à l'usure, ça veut tout dire) et de la manière dont il lui parle de sa passion et, surtout de Yatsumi... si bien que l'on adorera facilement la manière dont notre héroïne le remettra à sa place, en cristallisant de plus belle son admiration toujours totale, sincère et solide à la fois pour son acteur préféré et pour le cinéma de manière générale.
Ensuite, il y a la rencontre impromptue avec Hiroki Izumi, un étrange jeune homme voulant à tout prix pénétrer sans invitation chez Yatsumi car il aurait des choses importantes à lui dire. Là où les autres domestiques auraient jeté une telle demande, Miwa fait l'inverse après avoir perçu certaines choses chez Hiroki... mais pour quelles conséquences ? On vous laisse le découvrir, mais le résultat est là, en soulignant à la fois la faculté de Miwa a retenir les films qu'elle voit tant elle est passionnée, et ce qu'elle pourrait apporter dans la vie un peu trop lasse de Yatsumi.
Et enfin, il y a toute une séquence où le point de vue se déplace plutôt sur Yatsumi, dès lors qu'il retrouve sur un tournage Ayame Koshino, actrice de 56 ans aussi expérimentée que talentueuse et renommée, qui a un don pour analyser les autres mais n'a jamais su percer Yatsumi, et qui cette fois-ci ressent pourtant qu'il a plus d'émotion qu'avant, comme si quelque chose avait changé en bien dans son quotidien.
Le constat est alors sans appel: il est difficile de ne pas rester attaché à cette héroïne si sensible et si passionnée, quand bien même elle semble manquer de rationalité (c'est elle qui le dit). On ressent toujours sa passion pour le cinéma et son admiration toujours solide, au fil du temps, pour l'homme qui a en quelque sorte, par son jeu d'acteur et ses films, sauvé son existence. Et elle a beau se tourmenter au point de même envisager de dire adieu à sa passion, Yatsumi, lui, semble bien voir son bon fond, sa vertu à cultiver ses qualités en secret avec humilité. Et mine de rien, cela pourrait aussi changer cet acteur sans doute un peu las des rapports faussés qui existent dans le milieu du cinéma et de la célébrité.
Seulement, ce beau lien qui s'installe pourra-t-il encore perdurer longtemps ? La question est pleinement lancée au vu des toutes dernières pages, qui nous laissent sur un certain cliffhanger forcément intrigant.