Cut - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 28 Octobre 2009

« Ne pouvant supporter de voir son ventre arrondi, elle le frappait avec colère. Mais il ne redevint pas plat comme avant. »

Taïfu surfe sur la vague de la mangaka Toko Kawai, très appréciée des lecteurs et globalement assez douée dans son genre. Après la douceur sucrée de Caffe Latte et le réalisme contesté de Juste au coin de la rue, l’auteur nous propose avec Cut une histoire bien plus sombre, un récit plus noir et moins mielleux. Ainsi, on découvre peu à peu Chiaki, jeune lycéen qui donne le change constamment alors qu’il entretient une relation incestueuse avec son beau père, relation qui verse plus que régulièrement dans le masochisme pour Chiaki, qui évacue une douleur passée par le mal physique. Du moins essaye : tous les moyens sont bons pour souffrir autrement que dans sa tête. Tout changera lorsqu’il rencontrera Eiji, pas vraiment mieux lotit : celui fuit tout lien d’amitié ou d’amour, tant il a été marqué par les sentiments que lui portait sa mère. Rejeté très tôt, il se refuse le droit au bonheur et ne veut pas se faire accepter dans sa famille de substitution, pourtant toute prête à le considérer comme leur propre fils. Les deux adolescents sont déçus par la vie, ne croient plus en rien et n’attendent pas de connaître le bonheur. Pourtant, par hasard, ils vont se raccrocher l’un à l’autre, désespérément. Le mot avenir commence à prendre un sens lorsqu’ils sont ensemble, et les blessures du passé semblent se rétracter.

Même si les histoires des protagonistes sont un peu trop dramatiques, leur exploitation est parfaitement maîtrisée. La base du récit est légèrement improbable, mais la narration est une réussite : la mangaka raconte avec un ton juste ce qu’il pourrait se passer pour les deux amoureux. Tout le long du manga, ils apprennent à se soigner grâce à la présence de l’autre. Ils trébuchent, échouent, ont peur et affrontent leurs cauchemars et leurs difficultés mais peu à peu, Eiji et Chiaki avancent ensemble. Ce qui est tout à fait remarquable, c’est que Toko Kawai ne fait pas disparaître de tels traumatismes, si profondément ancrés en chacun d’eux. Même le temps qui passe n’a pas encore réussi à les apaiser totalement, et c’est sur une note d’espoir que la lecture se termine : pas de « happy end » ni de fin bâclée, une progression infime qui se voit dans leur vie mais qui n’a pas encore effacé toutes les souffrances passées, celles qui ne partent jamais totalement. Ainsi, tout est dans les dernières pages de bonus, qui permettent d’améliorer considérablement la lecture : sans ce petit intermède, la fin aurait pu décevoir. Si les sentiments sont agréables à suivre, les lecteurs les plus avides seront également satisfaits : les scènes érotiques sont fortement présentes, étant donné le ton plus dur de la narration. Une forte majorité est dirigée vers des pratiques taboues (sadomasochisme), mais ce n’est pas vraiment un de ces viols que l’on déteste à trouver dans les yaois : Chiaki est consentant, il croit expier sa faute et soulager sa culpabilité. Et même dans les moments intimes entre les deux compagnons, on observe une progression liée à la cicatrisation mentale des personnages. Bref, du "sexe utile" !

Les dessins de la mangaka ont déjà pu séduire nombre de lecteurs, et ici rien ne change : les protagonistes sont toujours aussi minces, effilés, imberbes et leurs membres sont toujours autant pointus, mais le tout est agréable à regarder. On avait peur que le style de Caffe Latte ne colle pas à l’histoire de Cut, mais les expressions sont pour beaucoup à la réussite graphique de ce one shot. Donnant peu de détails, que ce soit sur les corps ou les arrières plans, Toko Kawai simplifie son dessin qui s’accorde ainsi très bien avec l’ambiance de la lecture. On peut toutefois regretter quelques erreurs de proportions (profil des visages, mains trop grandes et lèvres un peu larges …), mais le faciès des personnages est suffisamment explicite pour ne pas s’attarder sur quelques détails. Il est néanmoins dommage que l’éditeur se contente de papier jaunâtre et très fin, ainsi que d’une traduction partielle des onomatopées (entre celles qui remplaces les originales et les autres qui les complètent, on ne sait plus bien quelle est la volonté de Taïfu). Dans l'ensemble, Cut est un excellent yaoi et il est devenu évident que Toko Kawai est une mangaka de talent, qui trouve toujours assez d'originalité pour se renouveler par rapport à ses propres travaux et à ce qui se fait en ce moment.


NiDNiM


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
NiDNiM
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs