Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 28 Novembre 2023

Le début du mois de novembre a vu débarquer, dans le label Youth Factory d'Editis, un bien curieux projet: Crispy 2052. Projet au format manga entièrement française, ce one-shot d'environ 160 pages est l'oeuvre de Fabien Dalmasso (auteur de BD prolifique, qui s'était déjà essayé au scénario de manga avec la série en 3 tomes Lil'Berry chez Delcourt/Tonkam en 2019-2020) et de Stanley, et titre son origine d'une volonté de collaboration entre le société Havas Paris et une célèbre marque mondialement connue de fast-food spécialisée dans le poulet et dont vous aurez peut-être reconnu la mascotte sur la jaquette. Vouloir faire ce genre de projet, pourquoi pas. Mais au final, qu'est-ce que ça donne ? C'est ce que nous allons tout de suite voir.

Nous voici plongés dans un futur plutôt proche, et plus précisément en 2052, époque à laquelle Prentiss gère consciencieusement son petit restaurant de poulet croustillant, bien aidé par son unique employée Lyla qui, en plus d'être plutôt douée en baston, joue dans un groupe de musique alliant métal, punk, trash et des pincées de garage et psyché (rien que ça). Alors qu'ils vaquent à leurs occupations, voici qu'ils reçoivent la visite d'un certain Arthur Fuel, un homme travaillant pour la Zanith Corporation, grand groupe travaillant aussi dans la restauration mais dans un genre plus futuriste: food market virtuel, plats cryogéniques, serveurs androïdes, hologrammes... bref, vous voyez le genre. Fuel n'est pas là par hasard, puisqu'il veut tout bonnement racheter le restaurant de Prentiss. Alors quand celui-ci refuse catégoriquement, son interlocuteur lui assure, d'un air menaçant, que la Zanith Corporation n'en restera pas là. Bientôt, les ennuis tombent sur nos deux personnages principaux, qui seront alors obligés, pour protéger leur restaurant de poulet croustillant, de se battre avec l'aide de leur ami hacker Dafool, afin de déjouer les plans de l'ennemi et de mettre fin aux sombres desseins d'une intelligence artificielle voulant conquérir le monde.

On ne va pas être de mauvaise foi: il y a quand même quelques idées un peu sympathiques dans ce Crispy 2052, essentiellement grâce à l'univers futuriste amenant quelques petites choses intéressantes, à l'image de la façon dont la Zanith voit la restauration, de l'omniprésence de l'intelligence artificielle, et de quelques accessoires comme la planche aux allures de hoverboard qu'utilise Lyla pour se déplacer et qui ajoute une pointe cyberpunk. Cependant, si ces quelques éléments contribuent assez bien à l'immersion de base, il n'y a absolument rien d'original pour un récit d'anticipation de ce genre, et à partir de là les auteurs se contentent des gros poncifs habituels à base d'intelligence artificielle voulant conquérir le monde, de hacking/infiltration pour l'en empêcher et consorts.

Au moins, à défaut d'offrir la moindre réelle surprise ou originalité, on ne peut pas enlever à l'histoire le fait d'être assez bien garnie de rebondissements pour un récit d'environ 160 pages. Mais pour vraiment nous emporter, il aurait fallu que la technique suive, et ce n'est pas vraiment le cas. Non seulement, les dialogues sont plutôt fades, cousus de fil blanc et ratés dans leurs quelques tentatives d'humour que l'on perçoit à peine. Mais en plus, sur le plan visuel, ce n'est certes pas foncièrement laid (les designs des personnages ont même une base assez cool, même si forcément assez typée shônen nekketsu comme énormément productions manga françaises, comme s'il n'y avait rien d'autre que ça dans le milieu du manga), mais c'est très lisse dans le rendu, e ton ne peut plus basique dans le découpage et dans la mise en scène même si l'ensemble est généralement assez fluide. Pour la faire courte, il n'y a aucune personnalité. Et au bout de tout ceci, le pompon viendra sûrement de la fin qui, dans ses révélations, a un côté très ridicule dans sa propagande pour Kentucky Fried Chicken. Ca a au moins le mérite d'être assumé dès le départ (la tête du colonel Sander sur la jaquette, les lettres KFC sur les vêtements de nos héros...) puisqu'il s'agit d'un projet collaboratif entre Havas Paris et KFC France, sur ce point-là on ne nous ment pas sur la marchandise. Mais il reste que cette fin est bien trop grosse pour fonctionner.

Avant la lecture, on ne s'attendait à rien de folichon avec ce Crispy 2052, donc au moins il n'y a pas de déception. Sous un angle différent, cet univers et cette collaboration auraient éventuellement pu donner quelque chose d'assez fun, mais ici le résultat est tout à fait lisse et insipide. A condition d'avoir l'envie de débourser 7,20€ pour ça, il y a éventuellement de quoi être un peu diverti si l'on n'est pas trop regardant, mais ce one-shot est typiquement le genre de lecture qui s'oublie sitôt le livre refermé, ce qui n'est pas bon signe sur un marché du manga riche et où il y a infiniment mieux dans le genre. Reconnaissons au moins la qualité d'édition tout à fait satisfaisante, avec un vernis sélectif sur la jaquette, la présence de quatre premières pages en couleurs sur un papier glacé bien épais, une qualité d'impression tout à fait satisfaisante sur un papier à la fois souple, suffisamment épais et assez opaque, et un lettrage propre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
7.75 20
Note de la rédaction