Concubine Rebelle (la) - Chroniques du pays radieux Vol.1 - Actualité manga

Concubine Rebelle (la) - Chroniques du pays radieux Vol.1 : Critiques

Kôyôkoku Kôkyû-tan

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 25 Mars 2024

Découverte en France en 2019 avec le ravissant one-shot Sous la Lune de Taisho (qui fut un coup de coeur pour nous à l'époque de sa sortie), la manga Hiromi Ebira fait son retour aux éditions Akata avec, cette fois-ci, une courte série en deux tomes: La Concubine Rebelle, une oeuvre qui nous vient de l'excellent magazine Flowers des éditions Shogakukan, magazine ayant vu passer dans ses pages un paquet de perles comme Le Clan des Poe, Kamakura Diary, Kids on the Slope ou encore 7SEEDS. A l'origine, il s'agissait d'une histoire courte dont les deux parties parurent au Japon en décembre 2020 et en janvier 2021, avant de devenir une série à part entière à partir de mars 2022, pour ensuite s'achever quelques mois plus tard. L'histoire courte d'origine est précisément celle qui occupe les 110 premières de ce tome 1.

Dans cette oeuvre nous immisçant sur un continent imaginaire très inspiré de diverses cultures asiatiques d'autrefois (à commencer par la culture de la Chine impériale, toujours un terreau fertile pour ce genre d'histoire), tout commence par un mythe fondateur: celui qui aurait donné naissance au continent de Xiongyuan puis au Pays radieux. On découvre ensuite Sarannah Fufu, fille du chef du clan des Tianhe qui, à à peine 14 ans, doit quitter les siens afin d'épouser Zhu Li, l'empereur du Pays radieux. Ces épousailles arrangées ont évidemment un but précis: mettre un terme au conflit opposant depuis longtemps le clan des Tianhe au nord et celui des Yuan du Pays Radieux au sud, alors il va de soi que Sarannah ne devra commettre aucune erreur sur place. Mais à peine est-elle arrivée au palais intérieur, en tant que concubine parmi d'autres, qu'elle doit déjà subir les railleries et humiliations de la plupart de ses semblables, et cela pour une raison en particulier: son origine étrangère, qui se ressent jusque dans son physique fait d'une belle chevelure argentée... Heureusement, elle peut quand même compter sur la dénommée Shuna qui devient rapidement son amie, sur son fidèle loup argenté Alto qu'elle a autrefois recueilli et qui l'a suivie secrètement, voire bientôt sur une autre personne: l'empereur lui-même, qui semble voir en cette jeune fille l'alliée idéale pour ses ambitions.

Rapidement dans le récit, on sent que le palais intérieur a tout du nid de vipères, avec des concubines qui sont rivales pour devenir la prochaine impératrice. Mais alors que l'oeuvre aurait pu se limiter à ce scénario déjà vu et revu, il s'avère rapidement qu'il ne s'agit là que d'une élément parmi d'autres, et que l'autrice semble avoir des ambitions plus grandes. Ainsi, à travers des premiers drames mortels suite à certaines manigances, et aux côtés d'une héroïne réellement plaisante à suivre grâce à sa façon de ne jamais se laisser faire, on comprend petit à petit que la gangrène rongeant le pays vient d'ailleurs: une profonde haine des étrangers par les habitants du pays radieux, à qui on a toujours appris à être très fiers au point de se sentir supérieur, et dont les éminences rejettent en bloc toute forme de différence... ce qui vaut à l'empereur lui-même, handicapé à un pied, d'être mal vu et d'être la cible de complots. Avec ce parfum de rejet de la différence et de racisme donnant même lieu à l'existence d'une secte suprémaciste du Pays radieux, il n'y a qu'un pas à franchir pour éventuellement y voir une petite métaphore de certaines des plus abjectes dérives de l'espèce humaine. Si bien que Sarannah et l'empereur, en se rapprochant plus par convictions que par amour pour le moment, affichent rapidement un désir clair: libérer ce pays de son atmosphère oppressante où l'on cautionne le rejet de la différence, et bâtir un monde où chacun pourra devenir qui il veut quelles que soient ses origines. Mais pour cela, il faudra réussir à déjouer différents complots et à cerner certaines trahisons, ce qui occasionnera des sacrifices dès ce premier tome.

Après ces 110 premières pages facilement prenantes et très intrigantes pour la suite, on pourrait alors presque être un peu étonné par le reste du tome, qui se consacre à une autre histoire semblant d'abord déconnectée de la première pour nous raconter le périple en maison close d'un jeune garçon réduit à l'état d'esclave, ce qui sera l'occasion pour l'autrice d'évoquer la précarité au sein du pays radieux.Mais c'est petit à petit que cette histoire prend toute sa saveur, en finissant tout compte fait par bel et bien se rattacher à ce qui a précédé, en éclairant le parcours d'un personnage en particulier pour mieux expliquer sa fidélité envers l'empereur. La construction du récit se révèle alors très intéressante en se présentant réellement comme un ensemble de chroniques du Pays radieux, ce qui est d'ailleurs le sous-titre français de la série, et ce qui se ressent d'autant plus que la mangaka a vraiment à coeur de construire toute une mythologie autour de son univers, avec ses mythes fondateurs, ses légendes et ses événements historiques propres. Ce n'est donc pas un hasard si, il y a quelques mois, elle a lancé au Japon une autre histoire inscrite dans ce même univers, mais se déroulant à une époque différente !

Enfin, au niveau des dessins, on sent que l'autrice se fait plaisir: son exploitation de différentes cultures asiatiques et d'un cadre impérial ancien est un bon prétexte pour qu'elle conçoive, entre autres, des tenues vestimentaires et des décors de fiction historique soignés qui contribuent beaucoup à l'immersion, tandis que ses designs bien marqués laissent entrevoir un charme parfois légèrement rétro.

Il y a alors, à l'arrivée, de quoi se laisser facilement séduire par ce premier tome. Il faudra voir comment la mangaka parviendra à mener à bien son récit dans le deuxième volume, mais une chose est déjà sûre: Hiromi Ebira brille par sa mise en place de tout un univers ayant déjà sa propre mythologie et différents enjeux prenants.

Qui plus est, le tout est servi dans une édition française vraiment satisfaisante, ne serait-ce que pour le gros travail effectué sur la jaquette: si l'illustration de la version nippone a été gardée le fond blanc a été remplacé par un fond rouge du plus bel effet, d'autant plus que l'élégant logo-titre imaginé par Tom "spAde" Bertrand est rehaussé d'une belle dorure à chaud. Et à l'intérieur, on trouve une bonne qualité d'impression sur un papier souple et dans l'ensemble assez opaque, une traduction très limpide de Lucie Ternisien, et un très bon travail de lettrage de la part de Kelly Cotaquispe. Enfin, on appréciera beaucoup la présence d'un lexique expliquant les différents termes propres à ce genre d'univers, avec des définitions établies par la mangaka elle-même et d'autres ajoutées par la traductrice.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.75 20
Note de la rédaction