Cœur de sirène… et autres histoires de mort : Critiques

Pour son retour sur le devant de la scène, Vegetal Shuppan a choisi de lancer sa nouvelle collection manga avec une oeuvre de la jeune et talentueuse Mitsu. Et il s'agit là, en fait, de son tout premier titre. Un choix audacieux, mais qui semble bien correspondre avec la politique éditoriale de Vegetal. Reste à voir si le pari est gagnant...

Ce one shot se compose en réalité de plusieurs petites histoires. La première, qui a donné son nom à l'ouvrage, nous plonge dans le quotidien d'un prince ténébreux qui a dévoré la sirène qui s'était éprise de lui pour devenir immortel. La seconde nous invite, quant à elle, à suivre un ange de la mort tombé sous le charme d'un humain. Enfin, la dernière revisite le mythe du vampire. Voila donc trois chapitres forts différents dans leur déroulement et dans la manière de traiter un sujet qui, par contre, se répète à chaque fois : l'amour.

Mais attention, on est très loin d'une petite comédie romantique shojoesque comme on en trouve beaucoup. Ici, Mitsu nous plonge dans un univers macabre et glauque. Cela se ressent dans un premier temps à travers ses dessins. Les corps élancés, squelettiques des personnages, leur donnant un côté cadavre ambulant mais raffiné, et l'atmosphère sombre omniprésente viennent planter le décor. Par la suite, c'est le contenu des différentes intrigues qui vient prolonger ce sentiment de malaise qui s'est installé. On n'hésite pas à faire souffrir l'autre ou se faire souffrir soi-même pour rester ensemble, on est prêt à tout pour arriver à ses fins. Et les gêneurs, ils sont exécutés sans scrupules. Il est en tout cas clair que l'imagination de l'auteur est fertile et qu'il a des idées à revendre. Des idées loin d'êtres mauvaises, à condition d'agréer à son style qui peut se montrer très déroutant. Jouant avec différentes époques, différentes légendes, il apparait néanmoins clairement qu'il tient à apporter une touche de fantastique au détour de chaque conte.

Cela dit, les histoires ici présentes restant courtes, elles manquent clairement de développement. Les acteurs sont dépeints en surface uniquement, les scenarii proposés restent, eux, relativement simples. Mais elles permettent néanmoins de se rendre compte de pas mal de chose quant au genre préféré de l'auteur et de mettre en avant ses qualités et défauts. En ce qui concerne ce dernier élément on pointera notamment du doigt une narration qui manque encore clairement de souplesse. Si certains passages se laissent lire facilement, d'autres sont beaucoup plus chaotiques et hachés, empêchant une bonne compréhension de ce qu'il se passe sous nos yeux. Par contre, chose fort appréciable, les pages sont toujours lisibles et épurées, contrairement à ce que l'on aurait pu penser au départ. Et, si quelques problèmes de proportions subsistent par moment, il faut bien reconnaitre que l'auteur à un trait qui, en plus de se montrer par moment fort appréciable, ne manque pas de personnalité. Il tente également d'apporter de l'originalité dans le découpage et la mise en scène. Parfois on appuie fortement et à plusieurs reprises sur le visage des personnages, parfois on se retrouve avec des plans plus larges, occupant tout une page ou presque. Il est évident qu'il se cherche encore un peu, mais le résultat n'est pas du tout indigeste pour autant.

L'édition de Vegetal Shuppan est, elle, de bonne facture. On appréciera notamment les illustrations qui viennent clôturer le tome ainsi qu'un petit rappel des principaux protagonistes des différents chapitres, très sympathique et fort utile.

Il est difficile de se faire un avis définitif sur Coeur de sirène compte tenu du fait qu'il s'agit, je le rappelle, d'un premier jet pour Mitsu. Davantage qu'un véritable récit pour lequel on se passionnera, il fait plutôt office d'introduction à l'univers riche et fertile d'une jeune artiste qui ne manque assurément pas de talent et d'unicité. Reste à voir si elle sera capable, à l'avenir, d'apporter plus de profondeur à une histoire s'étalant sur un plus grand nombre de pages. 

shaedhen