Childeath Vol.1 : Critiques

CHILDEATH

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 14 Mars 2025

En ce mois de mars, les éditions Panini nous proposent de découvrir le premier volume de Childeath, une série d'action surnaturelle sombre et violente qui est achevée en trois volumes, et qui a vu le jour au Japon en 2023-2024 dans le magazine Young Animal des éditions Hakusensha. Il s'agit donc de l'une des plus récentes séries de Hirokazu Mukoura, un mangaka jusque-là inédit en France, plutôt discret mais actif au Japon depuis la deuxième moitié des années 2000, en ayant commencé sa carrière avec des comédies un peu ecchi, avant de s'orienter peu à peu vers des histoires plus sombres et sans concession. C'est totalement dans cette veine que s'inscrit Childeath, qui pose son ambiance très dure dès le départ.

Jugez vous-mêmes: dans l'univers de cette série, les adultes étaient si corrompus et horribles qu'un jour la planète Terre s'est munie d'un nouvel organe, la "forêt des sorcières", un lieu étrange qui donna naissance aux sorcières, créatures vivant uniquement pour éradiquer violemment les humains adultes... en ne laissant alors, derrière les scènes de carnage que les enfants, qui ont dû apprendre plus ou moins à se débrouiller pour survivre et pur combattre les sorcières. Mais il va de soi que les enfants finissent par grandir, si bien que dès qu'ils sont jugés un minimum adultes par les sorcières celles-ci réapparaissent soudainement pour les massacrer, faisant qu'il ne reste a priori plus une seule personne âgée de plus de douze ans. Il suffit de grandir un peu trop vite et d'avoir des premiers signes de puberté (poitrine qui commence à pousser, apparition de dents de sagesse, premières règles...) pour se faire tuer, en condamnant ainsi petit à petit l'espèce humaine...

C'est dans ce contexte très violent et éprouvant, assez bien installé par l'auteur dès le départ avec une brutalité et des morts sanglantes très présentes, que Momo Suzumoto vit avec ce qu'il reste de ses camarades de classe. Beaucoup d'entre eux, dont ses plus proches amis, sont déjà morts, et ça ne fera que continuer ainsi. Pourtant, alors que tous les autres semblent résignés à mourir avant de devenir adultes, au point de commettre des actes kamikazes pour tuer les sorcières qui apparaissent, notre jeune héroïne, elle, sent bouillir en elle le désir de protéger les autres, de ne plus laisser qui que ce soit mourir, et donc d'intensifier la lutte contre les sorcières pour toutes les éradiquer et pour venger toutes les personnes mortes enfants comme adultes (ses parents en tête). C'est une nouvelle tragédie meurtrière qui, bientôt, l'obligera à prendre la route seule, pour essayer d'atteindre son objectif de vengeance et de sauvetage de ce qu'il reste de l'humanité. Et sur sa route, elle fera forcément de nouvelles rencontres tantôt salvatrices tantôt dangereuses, et devra découvrir et comprendre le mystérieux pouvoir qui est en elle: celui d'arrêter en partie le temps.

Récit de survie chaotique et désespéré, Childeath intrigue tout naturellement pour son concept de base où quiconque est tué dès qu'il devient un tant soit peu adulte, en pouvant alors amener une certaine réflexion sur ce qui fait le passage adulte. Cet aspect un peu plus profond n'est toutefois là qu'en surface, car au fil des pages on sent que ce qui intéresse l'auteur avant tout, c'est plutôt de dépeindre un univers cauchemardesque, ultraviolent et quasiment apocalyptique où pas grand chose ne sera épargné, avec de nombreuses morts d'enfants très graphiques. Pour cela, Hirokazu Mukoura n'occulte rien, bien au contraire, et marque assez les esprits par les apparitions très soudaines de sorcières dont les designs sont très variés et très monstrueux, tout comme le sont leurs capacités puisque chaque sorcière a un pouvoir spécifique que Momo et ses éventuels alliés vont devoir comprendre pour mieux combattre chacune d'entre elles, pour un résultat généralement rapide mais assez stimulant.

Qu'on se le dise, on est donc plus proche qu'autre chose d'un pur manga d'action sans concession, très sombre et un peu "défouloir", et dans cette optique ce premier tome fait assez bien le job... mais est-ce suffisant pour en faire une lecture vraiment prenante et totalement efficace ? Pas si sûr, et cela pour trois raisons.

Tout d'abord, malgré ses designs, sa brutalité et certains découpages assez percutants, le style visuel de Mukoura a ses limites dans la représentation-même des scènes d'action, souvent un peu confuses car vite expédiées, l'auteur privilégiant aussi parfois trop la violence à la lisibilité.
Ensuite, il faut avouer que c'est par moments maladroitement narré et écrit: à plusieurs reprises l'auteur jauge mal ses transitions en donnant un peu l'impression de passer du coq à l'âne ou d'occulter des choses importantes, certaines répliques semblent ne pas trop avoir de sens sauf pour essayer artificiellement d'intellectualiser le machin ( "L'amour est une malédiction, et les malédictions sont amour", gné ? ), et certains gimmicks de langage superficiels ne font qu'accentuer le sentiment de pauvreté d'écriture ( les "Au bout du compte" à chaque fin de phrase dans le dernier chapitre, ça a de quoi très vite exaspérer).
Et enfin voire surtout, il y a beaucoup de choses qui peinent à convaincre dans les avancées scénaristiques. D'un côté, divers éléments de scénario sont assez mal exposés, à l'image du background de Momo elle-même. Une lettre du délégué lui affirme qu'elle haïssait tous les adultes et que c'est pour ça qu'elle a reçu l'"amour" ('fin, un pouvoir quoi) d'une sorcière, mais pourquoi elle semble elle-même avoir oublié qu'elle haïssait les adultes (vu qu'apparemment elle l'apprend via la lettre), et du coup pourquoi agit-elle avec la volonté de venger lesdits adultes entre autres ? Plus tard, quand notre héroïne arrive à une école où les enfants se font opérer pour diminuer leur intelligence et ainsi continuer de vivre en tant qu'enfants, plusieurs choses laissent circonspects: d'une, diminuer l'intelligence c'est bien beau, mais ce n'est pas ça qui va les empêcher d'avoir leurs dents de sagesse, leurs premières règles ou autres choses de ce type, donc c'est débile. De deux, est-ce que des gosses savent vraiment faire ce genre d'opération ? De trois, rien que le fait de savoir opérer signifierait qu'ils sont plus intelligents que de simples enfants et qu'ils sont donc normalement bons pour être tués. Et de quatre: pourquoi, à ce stade du récit, absolument personne ne se pose de questions sur Woo, qui est là bien vivant alors qu'il a un physique complètement adulte ? Pour finir, on pourrait aussi souligner la façon dont les questions les plus évidentes mettent du temps à traverser l'esprit des personnages (en tête: pourquoi certains enfants héritent de pouvoir de sorcières ? ).

Bref, vous l'aurez compris, il y a de gros problèmes de crédibilité dans ce que raconte Hirokazu Mukoura, l'auteur n'ayant de cesse de tordre son pourtant intéressant concept de départ, et peinant à raconter son scénario avec suffisamment de logique, de limpidité et de substance. Pour l'instant, on se contente donc de suivre un manga d'action efficace dans ses aspects sombres et très durs (car le travail visuel a assurément des qualités pour ça), mais sans vraiment croire à l'univers proposé. On laisse quand même le bénéfice du doute au mangaka pour la suite, car Childeath a réellement un potentiel. Espérons ne pas être déçus !

Au niveau de l'édition française, enfin, la copie est assez convaincante, sans être excellente. Derrière la sabre jaquette reprenant très fidèlement l'originale japonaise, on trouve une impression correcte sans plus, sur un papier souple et assez agréable mais parfois un peu translucide. Le lettrage de Lara Iacucci reste propre, à l'exception des sous-titres des onomatopées où, comme toujours chez l'éditeur, le minimum syndical est fait. Enfin, à la traduction Jean-Baptiste Bondis livre quelque chose d'assez clair dans l'ensemble, malgré les quelques détails qui ont été évoqués plus haut et qui proviennent sûrement des texte japonais d'origine.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
12.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs